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    Mercredi 22 octobre 2008
    Mercredi 22 octobre 2008


    LA LIGUE
    DES DEMOCRATIES-MENEE PAR LES USA – EN GUERRE CONTRE LES DICTATURES – LES REGIMES AUTORITAIRES –

    ET,

    PAR LE PUR DES HASARDS LES REGIMES AUTORITAIRES SONT LA CHINE, LA RUSSIE

    ET

    QUI  D’AUTRES…?

     

     

    Robert Kagan, de l’Occident aux démocraties

    Robert Kagan s’est fait connaître du grand public avec la publication de son ouvrage en 2003 La puissance et la faiblesse, dans lequel il fustigeait la faiblesse des Européens, descendants de Vénus, par opposition à la force des Américains, venus de Mars.

     

    Aujourd’hui conseiller de campagne de John McCain, cette figure de proue du mouvement néoconservateur américain revient à la charge avec The Return of History, un ouvrage qui s’inquiète de la montée des dictatures, et reprend sans le savoir le titre d’un livre publié il y a quinze ans en France par Guillaume Parmentier, Le retour de l’histoire - mais certainement pas le contenu, l’apport de Kagan étant une fois de plus aussi limité qu’inquiétant, et les deux travaux ne se rejoignant que pour s'opposer à La fin de l’histoire de Francis Fukuyama- .

     

    On y lit un glissement rhétorique de l’Occident vers les démocraties, qui symbolise l’évolution des néoconservateurs, mais n’en est pas moins préoccupant, et marque le retour de ceux qui façonnèrent la politique étrangère américaine après le 11 septembre, à défaut de l’histoire.

     

    Une ligue des démocraties pour contrer les régimes autoritaires

     

    Une forme de messianisme qui peut facilement dépasser les frontières

    Une ligue des démocraties, voilà une idée a priori séduisante, et qui semble presque à contre-courant des thèses des néoconservateurs, réputés à l’écoute de l’unilatéralisme.

     

    Pas tant que cela cependant.

     

    Les néoconservateurs renient facilement le réalisme en politique, pour lui préférer une forme de messianisme qui peut facilement dépasser les frontières.

     

    Avec une formule qui les caractérise :

     

    "Multilatéraux quand nous le pouvons, unilatéraux quand nous le devons", comme pour rappeler les limites du multilatéralisme.

     

    Kagan ne fait que revenir aux fondements du mouvement néoconservateur

    Mais l’aventure américaine en Irak a prouvé que la formule inverse était tout aussi valable pour les néoconservateurs, qui semblaient systématiquement rechercher l’unilatéralisme.

     

    Revenus à un réalisme par nécessité plus que par choix, ils retrouvent donc leur objectif initial, un messianisme imposant ses vues largement au-delà des frontières, et profitant d’un multilatéralisme dans lequel la morale -à laquelle ils adhèrent- serait érigée en dogme.

     

    Bref, en plaidant pour une ligue des démocraties, Robert Kagan ne fait que revenir aux fondements du mouvement néoconservateur.

     

    Cette ligue des démocraties est dès lors inquiétante car elle a pour seul but de faire accepter l’unilatéralisme, pour lui donner plus de force.

     

    Des démocraties de Mars, ou de Vénus ?

     

    Reste à savoir quelle doit être l’attitude des démocraties si les régimes autoritaires refusent de se soumettre.

     

    Si les néoconservateurs se sont reconvertis dans une nouvelle quête, celle d’un front des démocraties, continuent-ils pour autant de plaider pour le recours à la force, ou ont-ils modifié leur manière de concevoir les relations avec les ennemis de la démocratie ?

     

    Sur ce point, Kagan dévoile son projet, qui consiste à élargir à l’ensemble des démocraties sa vision de la politique étrangère américaine, faite de promotion de la démocratie et de moyens coercitifs quand cela est nécessaire.

     

    En d’autres termes, il plaide pour des démocraties bienveillantes, mais rejette dans le même temps une forme de passivité déjà relevée et dénoncée chez les Européens.

     

    Des démocraties venant de Mars donc, et non de Vénus, pour reprendre la distinction qu’il avait opérée dans La puissance et la faiblesse entre Américains et Européens.

     

    Un retour de l’histoire… récente, en quelque sorte.

     

    Les Européens, hostiles à l’unilatéralisme, pourraient toutefois être plus facilement séduits.

     

    Le problème vient du fait que les Européens, hostiles à l’unilatéralisme, pourraient cette fois être plus facilement séduits par un messianisme qui les inclurait.

     

    L’objectif de Kagan est donc simple :

     

    convaincre les Européens que eux aussi peuvent descendre de Mars, au cas où les autres moyens, comme la diplomatie - notamment la diplomatie transformationnelle de l’administration Bush 2, qui consiste à promouvoir la démocratie-, échoueraient.

     

    Démocratie ou puissance : de quoi parle-t-on exactement ? 

     

    La démocratie ne s’impose pas d’elle-même, ce qui suppose qu’elle doit être imposée.

     

    Mais le plus gros problème, qu’on relevait déjà dans La puissance et la faiblesse, vient du fait que Robert Kagan confond souvent démocratie et puissance.

     

    Une confusion qui n’est certainement pas étrangère au fait qu’il plaide en faveur de démocraties fortes, capables de vaincre les dictatures.

     

    Kagan estime ainsi que la démocratie ne s’impose pas d’elle-même, ce qui suppose implicitement qu’elle doit être imposée.

     

    Une vision wilsonienne des relations internationales, selon laquelle la démocratie doit s’imposer ; mais un wilsonisme botté, déjà difficilement expérimenté à l’occasion de l’administration Bush 1.

     

    En ajoutant à cela un "choc des régimes" entre des démocraties fortes et des dictatures qui ne le sont pas moins -avec en ligne de mire la Chine-, tous les ingrédients d’une nouvelle vision inquiétante des relations internationales sont réunis, sans apporter de réponse crédible aux moyens de faire reculer les dictatures.

     

    En tout cas, à ceux qui se demandaient ce que sont devenus les néoconservateurs, Robert Kagan répond qu’ils sont toujours en embuscade, et que si leur obsession pour l’unilatéralisme s’est dissipée, c’est toujours bel et bien la puissance américaine qui les anime… » 

     


    Barthélémy COURMONT -
    Responsable du Bureau IRIS à Taiwan et chercheur au Centre d’Etudes Transatlantiques –CET- Ouvrages publiés :

     

    L’autre pays du matin calme. Le paradoxe nord-coréen, Paris, Armand Colin, 2008 / La guerre, Collection « 128 », Paris, Armand Colin, 2007 / Pourquoi Hiroshima ?

    La décision d’utiliser la bombe atomique, Paris, L’Ha


    http://hadria.riviere.over-blog.com/article-24005815.html

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    Mercredi 22 octobre 2008

     

     

     

     

     

     

     


     

    Mon a-Dieu à sœur Emmanuelle

     

     

     

    Madeleine Cinquin, Soeur Emmanuelle de son nom de religieuse, est passé de l’autre côté dans la nuit du 19 au 20 octobre. Elle vit.

     

     

     

    Comme beaucoup de gens, j’ai souvent été interpellé par cette petite bonne femme en blouse grise et baskets, par sa vitalité communicative et son franc-parler incisif.

     


    Sa lutte opiniâtre contre la pauvreté durant les 20 ans où elle partagea la vie des chiffonniers du Caire, principalement dans le bidonville d'Ezbet el-Nakhl, ont fait d’elle une figure emblématique et populaire de la charité. En l’écoutant parler ou en regardant des reportages sur son action, je me sentais à la fois minuscule et immense. Minuscule parce que son sens du dévouement et son audace – elle ne semblait avoir peur de rien ni de personne – me renvoyait souvent à mes lâchetés et à mon égoïsme. Mais aussi immense parce qu’au-delà de sa personne, se révélaient la grandeur de l’humain et son extraordinaire potentiel d’amour.

     

     

     

    Ce qui m’a particulièrement touché chez cette femme est son universalité de cœur et d’esprit. Elle n’accordait que fort peu d’importance aux dogmes et aux frontière doctrinales, et ne s’en cachait pas, même si ce n’est pas ce que les media ont le plus retenu de sa personne. Pour elle, l’amour était au-dessus de tout. Elle aimait évoquer le jour de sa mort en disant « Lorsque je vais me retrouver devant Dieu, il ne me demandera ni mon certificat de baptême ni si je suis allé régulièrement à la messe, non, il me demandera si j’ai su aimer ». Sœur Emmanuelle pratiquait un dialogue interreligieux de terrain, sans carcan institutionnel ni arrières pensées de prosélytisme. Elle oeuvrait à sa façon aux rapprochement entre Juifs, Chrétiens et Musulmans en espérant un temps où la foi ne serait plus un obstacle entre les hommes mais une énergie commune mise au service de toute l’humanité.

     

    La religion, en tant que système et institution, n’était pas son affaire. Elle fut souvent écartelée entre le devoir d’obéissance lié à ses vœux de religieuse et sa conscience de femme libre, qui s’accordait mal avec les choix et orientations de la hiérarchie catholique. L’Eglise qu’elle aimait était l’église d’en bas, l’église de terrain, celle de la grande fraternité humaine, de la simplicité et de l’amour sans condition. Au détour de certains passages de ses livres ou d’une interview, on pouvait sentir sa souffrance de devoir se soumettre. Cette souffrance la travailla régulièrement, jusqu’à l’année 1993 où, à 85 ans, elle du, à contre cœur et sur ordre de sa hiérarchie, quitter l'Egypte et ses "amis les chiffonniers" auprès desquels elle aurait préféré mourir, pour prendre sa retraite en France.

    A une journaliste de l’Express (article daté du 29/06/1995) qui l’interrogeait sur sa vocation religieuse, elle répondait : « Je n'ai jamais choisi la voie de l'Eglise, jamais de la vie! J'ai choisi Dieu, ce n'est pas pareil! Les structures de l'Eglise ne m'intéressent absolument pas. Lorsque j'avais 20 ans, il n'y avait qu'une voie pour servir Dieu totalement: la vie religieuse. (…) aujourd'hui, je n'aurais probablement pas suivi la voie que vous appelez l'Eglise, j'aurais choisi une cause et je m'y serais dévouée. Je voulais faire de ma vie quelque chose qui ne meure pas, quelque chose d'absolu, parce que j'avais le sentiment que tout passe, tout coule, et qu'au milieu il y a un être qui ne coule pas, c'est Dieu. J'ai voulu entrer dans ce fleuve très limpide qui va droit à l'essentiel: l'Homme ».

     



    Ma sœur Emmanuel, merci pour ta foi en Dieu et en l’homme, indissociables. Merci pour la voie que tu as montré. Même si tu n’as pas su ou pu reprendre ta liberté face à un système dans lequel tu ne te reconnaissais pas – en cela je ne te juge pas -, ton cœur battait au rythme de la liberté du Christ et tu savais qu’il « vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux (pouvoirs des) hommes » (Actes 5, 29). Tu pressentais, au fond de ton âme, la venue d’une spiritualité du partage et de la communion entre tous, sans exclus ni discrimination, un dépassement de la religion instituée et doctrinale par l’amour évangélique transformateur, le don de sois sans étiquettes, ni frontières. Merci.

     

     

     

     Sœur Emmanuelle a fondé en 1980 l'association « Asmae-association Soeur Emmanuelle » qui aide des milliers d'enfants dans le monde de l'Egypte au Soudan, du Liban aux Philippines, de l'Inde au Burkina Faso. Elle a publié plusieurs livres, notamment "Richesse de la pauvreté" (2001), "Secrets de vie" (2000), "Yalla les jeunes" (1997), "Le paradis, c'est les autres" (1995), "J'ai cent ans et je voudrais vous dire" (2008).


    http://le-jardin.over-blog.net/article-23998130.html


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    Lundi 20 octobre 2008

     

     


    Il est bon de se sentir un peu Indien.

     


    Et de repenser à
    Little Big Man *  

     

     

     

     

     

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    "La vie dans un tepee est bien meilleure. Il est toujours propre, chaud en hiver, frais en été, et facile à déplacer. L'homme blanc construit une grande maison, qui coûte beaucoup d'argent, ressemble à une grande cage, ne laisse pas entrer le soleil, et ne peut être déplacée ; elle est toujours malsaine.

     



    Les Indiens et les Animaux savent mieux vivre que l'homme blanc. Personne ne peut être en bonne santé sans avoir en permanence de l'air frais, du soleil, de la bonne eau. Si le Grand Esprit avait voulu que les hommes reste au même endroit, il aurait fait le monde immobile ; mais il a fait qu'il change toujours, afin que les Oiseaux et les Animaux puissent se déplacer et trouver toujours de l'herbe verte et des baies mure. L'homme blanc n'obéit pas au Grand Esprit. C'est pourquoi nous ne pouvons être d'accord avec lui." FLYING HAWK, Chef OCETI SAKOWIN OYATE OGLALA

     

    Source: http://www.culture-amerindiens.com/

     

     

     

     

     

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    PhotosLP, 2007, quelque part sur la Terre.

     

     

     

    *Little Big Man   Film américain d’Arthur PENN

    http://www.lamediatheque.be/ext/thematiques/films_a_la_fi...

    http://leblogdelouis-paul.hautetfort.com/textes_choisis/


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    Lundi 20 octobre 2008

     

     

     

    Sœur Emmanuelle  Wikipedia.org
     
    Nom Madeleine Cinquin
    Naissance 16 novembre 1908
    Bruxelles, Belgique Belgique
    Décès 20 octobre 2008 (99 ans)
    Callian, France France
    Nationalité Belge
    Profession Religieuse catholique
    Humanitaire
    Distinctions Grand officier
    de la Légion d'honneur


    La religion, c'est l'Homme


    Il ne faut pas se fier aux apparences. Cette voix rapide et flûtée, ce ton chaleureux et parfois cassant, cet esprit vif et caustique appartiennent à une jeune dame de... 86 ans. Madeleine Cinquin - soeur Emmanuelle depuis son entrée dans la communauté de Notre-Dame-de-Sion, en 1929 - a trop parcouru le monde pour s'en laisser conter. On connaît l'action qu'elle mena pendant plus de vingt ans auprès des enfants des chiffonniers, dans les bidonvilles du Caire. Quand elle se lance dans cette aventure, elle a dépassé la soixantaine et elle a, déjà, derrière elle un long parcours d'enseignante entre Turquie, Tunisie et Egypte. En 1993, elle a rejoint une maison de retraite dans le sud de la France. Mais son action au service des enfants continue en Egypte et se développe du Soudan au Brésil, grâce à l'association qu'elle a fondée (Les Amis de soeur Emmanuelle, 15, rue Chapon, 75003 Paris). Jamais en repos, elle vient de publier un livre attachant au titre qui lui ressemble: «Le paradis, c'est les autres» (1). (1) Entretiens avec Marlène Tuininga. Flammarion, 170 p., 79 F.


     

     

    L'EXPRESS: Vous donnez l'impression d'avoir choisi la voie de l'Eglise comme d'autres, aujourd'hui, se font «French doctors».
    SoeUR EMMANUELLE: Je n'ai jamais choisi la voie de l'Eglise, jamais de la vie! J'ai choisi Dieu, ce n'est pas pareil! Les structures de l'Eglise ne m'intéressent absolument pas. Lorsque j'avais 20 ans, il n'y avait qu'une voie pour servir Dieu totalement: la vie religieuse. Quand je suis entrée au couvent, en 1929, aucune de ces oeuvres humanitaires n'existait. J'avais commencé à m'intéresser à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), mais ils me faisaient remplir des dossiers... Je voulais quelque chose de plus vivant!
    - Vous reconnaissez-vous dans l'engagement humanitaire actuel?
    - Je ne crois pas. Même si, aujourd'hui, je n'aurais probablement pas suivi la voie que vous appelez l'Eglise, j'aurais choisi une cause et je m'y serais dévouée. Je voulais faire de ma vie quelque chose qui ne meure pas, quelque chose d'absolu, parce que j'avais le sentiment que tout passe, tout coule, et qu'au milieu il y a un être qui ne coule pas, c'est Dieu. J'ai voulu entrer dans ce fleuve très limpide qui va droit à l'essentiel: l'Homme. Et spécialement l'enfant, qui a besoin pour s'épanouir d'une main qui tienne la sienne.
    - Pourquoi les enfants?
    - Ce sont les êtres les plus faibles. J'ai toujours eu l'impression qu'ils m'appelaient. Ma soeur était mariée, elle avait deux enfants, elle était heureuse en ménage, mais cela ne me paraissait pas suffisant. Moi, il me fallait le monde.
    - Ceux qui s'occupent des enfants ont souvent été des enfants blessés. Est-ce votre cas?
    - Peut-être, après tout... J'ai perdu mon père quand j'avais 6 ans et je crois que j'en suis encore marquée. Cela a produit, chez moi, une sorte de trou, de manque, d'appel à ce qui ne meurt pas, à ce qui ne disparaît pas. La relation qu'on établit avec Dieu peut d'autant plus apparaître comme une réponse à cela qu'elle traverse toutes les dimensions. Elle est constante, verticale et horizontale, car on trouve aussi Dieu dans les êtres. Et particulièrement chez les enfants, victimes, comme j'en ai trop vus, de la famine ou de la société.
    - Votre désir d'absolu, était-ce le besoin de rompre avec la vie bourgeoise?
    - Plutôt l'envie de couper avec la fascination pour la bagatelle: ce qui brille, ce qui est amusant, ce qui est «un peu champagne». A 20 ans, j'avais la passion de vivre. Je n'ai pas goûté à tout parce que, heureusement, ça ne se faisait pas à l'époque. Je n'étais jamais satisfaite. Je voulais toujours une belle toilette, un bijou de temps en temps, une soirée au théâtre ou au cinéma, un séjour en Angleterre. Jamais ce sentiment d'insatisfaction ne me quittait. J'oscillais comme un pendule entre le Seigneur et les plaisirs. Je me suis dit: je ne peux pas continuer, allez hop! je m'en vais pour être enfin libre. Les voeux monastiques me libéraient de tout. Encore mon goût pour la bagatelle ne m'a-t-il pas quittée: il y a quelques jours, j'ai fait arrêter un ami devant... une vitrine de chapeaux. Et ce manteau de vison, à Bruxelles, l'autre fois, à l'aéroport: je suis restée plantée à le regarder et à le caresser pendant que tout le monde me cherchait! Heureusement que je ne me suis pas mariée, j'aurais coûté cher à mon mari.
    - Choisir l'amour du genre humain, n'est-ce pas refuser d'aimer une seule personne?
    - Sans doute. Quand j'étais professeur, un de mes collègues me plaisait énormément. Pour une religieuse, cette situation est plus simple à résoudre que pour un prêtre: on peut toujours écrire à Rome pour être délivrée de ses voeux. J'avais entre 30 et 40 ans - âge redoutable pour les femmes, dit-on. Le choix n'a pas été facile.
    - Comment peut-on être religieuse sans être mystique?
    - Le mysticisme recouvre l'invisible, qui devient visible. Moi qui suis très concrète, j'ai toujours un peu peur d'une exaltation; j'aurais l'impression de me tromper moi-même.
    - Avez-vous pris la place de ces missionnaires dont, enfant, la vie a inspiré votre vocation?
    - Je n'ai pas été rôtie et mangée comme eux! Je n'ai jamais éprouvé les risques ni les souffrances des premiers missionnaires d'Afrique. On dit que j'ai vécu au péril de ma vie chez les chiffonniers du Caire, mais c'est faux! J'ai tout de suite été vraiment très aimée par eux. Je n'ai souffert ni de la peur ni de la faim.
    - Quel est l'avenir de leurs enfants?
    - C'est trop tôt pour le dire. Quand je suis arrivée, en 1971, les parents refusaient que leurs enfants s'instruisent. Il a fallu que nous construisions des écoles en plein bidonville pour les arracher à leur sort. Dans ces années-là, ces petits étaient si sauvages que les maîtres n'en voulaient pas. Il faudra attendre une génération pour savoir comment ces enfants vont évoluer.
    - Votre dernier combat, c'est le Soudan. Le responsable de votre association a été jeté en prison là-bas...
    - C'était l'an dernier. J'ai dû demander à ma provinciale l'autorisation d'y aller. J'ai fait prévenir l'ambassadeur de France que j'allais demander un audience au chef religieux Hassan el-Tourabi, que je connais personnellement, pour lui parler de l'affaire. Ce seul message a suffi pour que notre représentant, Kamal Tadros, un diacre de l'Eglise catholique, soit libéré... Il s'occupe de nos 80 écoles de bambou et de roseaux réparties dans les camps de réfugiés autour de Khartoum, où l'on prend en charge - pour 25 dollars par an et par enfant - la scolarité et la nourriture. Etait-ce par affection pour moi ou pour éviter la médiatisation? Je n'en sais rien.
    - Craignez-vous l'expansion de l'islam politique?
    - Je ne m'interroge pas sur l'islam politique. Je m'intéresse aux gens. Je connais le problème en Egypte. L'Egyptien n'est pas un fanatique, mais il est très fanatisable. Si on donne 100 dollars à un pauvre homme en lui disant qu'il doit jeter deux bombes au nom d'Allah, il croira qu'il accomplit un acte magnifique. Les femmes reçoivent de l'argent pour acheter le voile. Leur nombre est incalculable, alors qu'il y a dix ans les femmes voilées n'étaient qu'une poignée.
    - Les femmes souffrent-elles plus que les hommes de l'islamisme?
    - Pendant mes trente années de présence, je n'ai pas réussi à faire évoluer leur situation. Elles sont considérées commes des esclaves, mariées à 12 ans, battues comme plâtre, résignées... Nous aboutirons quand les petites filles que je suis arrivée à faire scolariser à force de luttes seront plus nombreuses.
    - Et continueront à avoir dix enfants comme avant?
    - Certainement pas. J'ai beaucoup travaillé là-dessus. J'ai tout essayé, mon Dieu, qu'est-ce que je n'ai pas fait! J'ai vu des femmes allaiter un enfant à chaque sein en étant enceinte d'un troisième... Moi, je suis catholique, apostolique et romaine, je ne veux pas être active dans le domaine de la contraception, en m'opposant au pape. Mais les chiffonniers sont des chrétiens coptes, comme leurs médecins. J'ai cheminé avec eux.
    - Peut-on continuer à dire, comme le pape l'a fait en Afrique, que l'usage du préservatif est hérétique?
    - On m'a raconté qu'un missionnaire africain, de passage à Rome, lui avait demandé, un peu gêné, ce qu'il devait faire des tonnes de préservatifs qu'il s'apprêtait à emporter là-bas. Le pape lui a dit: «Mon fils, marchez avec votre conscience...» Le pape ne peut pas dire dans une encyclique qu'il est permis d'utiliser le préservatif, parce qu'alors c'est fini. Mais, dans le cas d'un village où 80% des gens sont malades, le pape ne dira rien...
    - Dans ce cas, pourquoi le dire «en général»?
    - Un jour on comprendra qu'il est le seul du monde à dire cela. La société est tellement obsédée par tout ce qui est sexuel qu'il semble que la vie de l'homme se résume à s'amuser sans avoir d'ennuis. Le pape, lui, dit qu'il faut être heureux le plus possible. C'est une culture de vie qu'il propose. Le bonheur, ce n'est pas de commencer à coucher à 13 ou 14 ans. Le pape n'est pas contre le préservatif - moi non plus - mais il est pour diminuer la nécessité du préservatif. Il faut, comme l'a dit l'abbé Pierre, un peu plus de fidélité pour qu'il y ait un peu moins de sida. C'est là-dessus qu'il faut prêcher. Sur les cas limites, tout le monde est d'accord. On n'est pas des imbéciles, on ne veut pas que tous les hommes meurent!
    - Jacques Gaillot dit cela bien haut. Est-ce un crime de lèse-Eglise?
    - Il n'a rien fait contre l'Eglise: c'est vous, les journalistes, qui l'avez manipulé. Je le connais, j'ai été invitée à sa table. Je l'ai beaucoup apprécié.
    - Avec plus de religieux comme vous ou d'évêques comme Gaillot, y aurait-il plus de vocations et la religion serait-elle plus attirante?
    - Je ne sais pas. La crise des vocations est moins forte dans les ordres cloîtrés. Actuellement, les jeunes ont une faiblesse: ils ne savent pas s'engager pour la vie. Or le prêtre doit gérer le célibat pour la vie. Ce n'est pas simple. Et la jeune fille, si elle est religieuse, c'est aussi pour la vie.
    - Et si on ordonnait des hommes mariés?
    - Ça viendra. En Egypte, j'assistais à la messe dite par des Syriens libanais de l'Eglise orientale: c'étaient des hommes mariés. Dans la communauté charismatique de l'Emmanuel, des jeunes filles sont consacrées pour un an: si elles veulent se marier ensuite, c'est possible.
    - Est-on aussi tolérant que vous dans l'entourage du pape?
    - La curie romaine n'est pas éternelle, le pape non plus. Moi, je suis plutôt pressée, mais la vie m'a appris que c'est une grande erreur. Je ne suis pas inquiète. J'ai vu l'Eglise à travers bien des pays, celle dont on ne parle pas, et qui est formidable.
    - Est-ce plus facile d'agir au nom de Dieu qu'au nom des hommes?
    - Je n'agis pas au nom de Dieu, moi. Religieuse, je dois être ouverte, fraternelle, simple. Pour moi la religion, Dieu, c'est l'Homme. Ce qui m'intéresse, c'est: «Que fais-tu, toi, pour les autres?» et non: «Vas-tu à la messe tous les dimanches?».
    - Vous connaissez la question de Bernard Pivot: «Quand vous arriverez devant Dieu, qu'aimeriez-vous l'entendre vous dire?»
    - Est-ce que tu m'as aimé? Est-ce que tu as aimé l'Homme? Qu'as-tu fait sur terre?
    - Avez-vous attendu la mort toute votre vie, comme l'abbé Pierre?
    - Non, moi, j'ai envie de vivre, mais je serai très contente le jour où je mourrai. J'aime beaucoup de choses dans la vie. Comme les glaces à la vanille; ça amuse quand je dis cela. Sur son lit de mort, François d'Assise demandait un peu de frangipane. C'est très humain, non?

     

    PHOTO: SOEUR EMMANUELLE


    http://www.lexpress.fr/informations/la-religion-c-est-l-homme-l-express-va-plus-loin-avec-soeur-emmanuelle_608610.html


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    Lundi 20 octobre 2008

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