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    Lundi 16 mars 2009

     

     

     
    Un article paru le 28.9.2006

    Le Père Desbois, secrétaire du Comité Episcopal des Evêques de France pour les relations avec le Judaïsme est l’un des Représentants de la nouvelle alliance judéo-chrétienne. « Sans tirer un trait sur les persécutions passées et en assumant la mémoire de nos fautes, il est temps d’œuvrer ensemble ».



    Soutenu par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Le Père Desbois a entrepris l’identification des fosses communes en Ukraine pour redonner à ces tombes anonymes une identité juive. « Eduqué par mon grand père, déporté politique du Camp russe Rawa Ruska, j’ai été sensibilisé très tôt à l’horreur de la Shoah. Je suis devenu prêtre et j’ai été nommé à Lyon. Formé par le Cardinal Decourtray, j’ai travaillé en permanence avec la communauté juive. Puis j’ai été nommé Secrétaire du Comité Episcopal des Evêques de France pour les relations avec le Judaïsme. En pèlerinage, au camps de Rawa Ruska, je me suis demandé où étaient enterrés les juifs, le Maire du village ne le savait pas et a promis de se renseigner.

    En revenant sur les lieux, quelques mois plus tard, 100 personnes m’attendaient pour se rendre à la fosse commune. Le chemin qui menait à ces fosses avait été nettoyé. Tout était intact. Devant leurs familles, les vieux du village se sont mis à raconter le massacre des juifs par les Nazis. La plupart d’entre eux avaient été réquisitionnés pour transporter les juifs dans leurs chariots à chevaux, creuser ou boucher les fosses avec de la chaux pour étouffer les blessés. D’autres n’étaient que des enfants qui regardaient, cachés derrière un arbre, ces assassinats. Les fosses communes mettaient 3 jours pour mourir. Au retour, nous avons décidé de monter une Structure entre les Cardinaux de France et Israël Singer, Président du Congrès juif mondial. Cette association s’appelle Yahad Inunum (ensemble, en hébreu et en latin).

    Avec une équipe de traducteurs, photographes et chercheurs, nous recherchons ses fosses afin de les signaliser et les préserver. Les Curés de paroisse nous aident en lançant des appels dans les Eglises afin de retrouver des témoins. D’après des archives et des récits d’historiens, nous savons où sont les fosses et quel jour a eu lieu l’exécution. Il y a en tout 500 fosses communes en Ukraine de l’ouest. En 3 ans, nous en avons retrouvés 250 dans 5 régions différentes. C’est un long travail d’investigation. Ma volonté est de ne pas christianiser la Shoah mais de permettre d’enterrer dignement tous ces juifs ukrainiens. Une manière de leur rendre justice. Nous préparons avec le Congrès juif mondial, un Symposium à New York avec des Cardinaux, des Evêques et des Rabbins de différents courants.

    Cette année, le Cardinal du Saint-Siège sera présent afin d’officialiser cette alliance. La visite du Pape au Kotel a été décisive dans le rapprochement entre les deux communautés. En France, nous créons des évènements pour lutter contre l’antisémitisme, encouragés par Monseigneur Lustiger et le Cardinal Barbarin. J’organise également des voyages en Israël et j’enseigne l’hébreu, lors d’Oulpan au Mont Scopus. Les archives s’ouvrent progressivement et il y a une volonté de clarification du passé, quoiqu’il en coûte. Nous devons trouver une coopération effective avec la communauté juive. Il faut que l’Eglise apprenne à aimer et à respecter les communautés juives laïques, religieuses et sionistes d’aujourd’hui.
     

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    Lundi 16 mars 2009

     

     

    Un article paru en 2007 :

    Face à face avec Dalil Boubakeur, Président du CFCM

    samedi 24 mars 2007
    par Olivia Cattan
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    A l'occasion du début de la course aux Présidentielles nous avons souhaité revenir avec Dalil Boubakeur, Président du Conseil français du Culte musulman, sur les grands sujets d’actualité.

     


    Vous êtes recteur de la grande mosquée de Paris et Président du CFCM (conseil français du culte musulman), pensez-vous que la création de cette instance initiée par Nicolas Sarkozy a permis à la religion musulmane, d’avoir une tribune officielle en France ?

     

    Dalil Boubakeur : Depuis longtemps, nous avions besoin d’une Instance musulmane dans notre système de Laïcité. Les Instances religieuses n’étant pas reconnues en tant que telles. L’Etat tenait à avoir en face des représentants religieux musulmans avec qui dialoguer. Après de nombreuses tergiversations, le CFCM a été crée en essayant de représenter toutes les sensibilités religieuses. L’Islam a une présence qui n’est pas toujours sans problème.

     

    On parle souvent d’une majorité silencieuse qui pratique un Islam modéré, tolérant et ouvert et d’une minorité islamiste, qu’en est-il ?

     

    D.B :J’espère que cette minorité se manifestera désormais de manière moins silencieuse dans le champs religieux français et mondial. La France n’acceptera pas une vision radicale de l’Islam ni une attitude communautariste. Il n’est pas bon que les modérés se taisent. Je défends un Islam laïc. La religion musulmane n’a rien à voir avec l’activisme, la politique, la violence et le terrorisme. Il ne faut pas dénaturer les visages de l’Islam, de cœur de raison et de foi. L’Islam est une civilisation riche de valeurs humanistes et tolérantes.

     

    De quelle façon essayez-vous de lutter contre ces quelques imams extrémistes qui prêchent la haine dans les caves ?

     

    D.B. : Il nous faut lutter ensemble. La religion ne peut pas servir de tremplin à un activisme politique ou à un radicalisme de lutte. L’islam est une spiritualité pas un syndicat ni un parti politique. Notre vision du monde ne doit pas s’opposer aux autres visions. L’islam doit apporter un monde de rationalité, de partage et de fraternité. Nous devons former des sociétés de cohésion destinées à s’entraider.

     

    Pensez-vous que l’exclusion, les discriminations sont responsables des problèmes d’intégration de certains jeunes, filds d’immigrés ?

     

    D.B. : Les responsabilités sont à partager par tous. La société fait ce qu’elle peut pour absorber une immigration nombreuse et elle n’a pas su répondre à tous les problèmes qui se posaient. L’échange des masses humaines se fait au détriment des sociétés d’acceuil et des immigrants qui souffrent socialement. Le gouvernement n’a pas su toujours anticiper les changements sociaux. Il y a de la souffrance chez la jeune génération musulmane, il faut en analyser les causes. Ce sont les pannes de l’intégration, il faut mieux scolariser, éduquer, former. L’école a renoncé à la formation du citoyen. Il faut offrir des clés à cettte jeunesse issue de la diversité afin qu’elle puisse accéder aux mêmes chances.

     

    Croyez-vous que les citoyens français dits "de souche" ont accepté ces fils d’immigrés, aujourd’hui français ?

     

    D.B. : La France n’est pas moins ou plus raciste qu’un autre pays. Elle est le premier pays d’Europe à avoir autant de populations exogènes. En vivant ici, nous avons fait un choix de culture, à nous de nous pénétrer de cette histoire. La France est ouverte à l’acceuil et au partage. Même si il faut faire sentir aux jeunes, issus de l’immigration qu’ils sont des citoyens français à part entière, il faut aussi que nous fassions des efforts d’intégration.

     

    Quelle sont les initiatives que vous entreprenez pour rapprocher les communautés juives et musulmanes ?

     

    D.B. : Nous essayons de surmonter les épreuves assainées par les actualités et de sauver le travail entrepris par l’amitié judéo-musulmane ou par l’association Paroles de Femmes. Nous sommes des cousins proches aux identités humaines similaires, je suis convaincu que notre amitié est possible.

     

    Que pensez-vous de l’initiative prise par l’association Paroles de Femmes, qui réunie des femmes juives et musulmanes afin de réclamer l’égalité hommes-femmes dans les religions ?

     

    D.B. : Beaucoup de choses restent à faire. Cela remonte à la Bible et aux peuples sémitiques. Dans toute ces régions, la femme était recluse et obéissait à une tradition tribale. La société actuelle n’est plus basée sur la force de l’homme mais sur son intelligence. La femme a les mêmes aptitudes intellectuelles, elle doit être son égale. Se priver de la moitié de l’humanité par sexisme serait une catastrophe. Cultiver l’ignorance des femmes n’est pas bon pour former les nouvelles générations. Leur égalité est une question de bon sens. De plus, ce sont les femmes qui apporteront la Paix dans nos sociétés. Donc j’approuve cette initiative.

     

    Comment en tant que musulman éclairé, ressentez-vous l’appel à la destruction d’Israël proférée par Amadinedjad ?

     

    D.B. : Je me suis exprimé officiellement. Amadinedjad est une aberration qui a sa place dans un asile psychiatrique. Sa thèse négationniste ne m’inspire que du mépris. Il ne mérite pas que l’on parle de lui !

     

    Quels sont vos pronostics pour les Présidentielles, y a t-il une consigne de vote dans la communauté musulmane ?

     

    D.B. : Il n’y a pas eu de « consigne » de vote. Nous sommes fidèles à ceux qui ont fait du bien à notre communauté. Nous attendons les déclarations des uns et des autres, le débat est ouvert. Nous écouterons leurs programmes et nous définirons notre engagement. Nicolas Sarkozy a montré beaucoup d’intelligence et j’espère qu’il réalisera tout ce qu’il espère. Ces élections seront particulières, de nombreux jeunes de notre communauté iront voter. J’ai ressenti un nouvel engouement pour la politique, une véritable prise se conscience politique musulmane est en train de se forger.

     

    Olivia Zerath


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    Lundi 16 mars 2009

     

     



    Bioéthique et dialogue judéo-chrétien
    au menu des rabbins d’Europe



    Réunis à Paris jusqu’au mercredi 4 mars 2009, les rabbins d’Europe ont échangé pendant deux jours leurs préoccupations autour de la bioéthique, de la famille et des relations avec l’Église catholique

    Etats généraux de la bioéthique, affaire Williamson, voyage du pape en Terre sainte… autant de sujets brûlants sur lesquels la parole de la communauté juive était attendue. Les 300 rabbins d’Europe et d’Israël réunis mercredi 4 mars en séminaire à Paris sous la houlette du Centre rabbinique européen (RCE) n’ont pas manqué de commenter chacune de ces questions d’actualité. Un contexte sensible qui appelle une « parole sans langue de bois », selon Mendel Samama, attaché de presse du RCE, qui s’adressait hier à une poignée de journalistes dans le calme feutré d’un hôtel du Marais.

    À en croire les rabbins présents, l’affaire Williamson était « le » dossier attendu de cette rencontre. Chacun a pu s’exprimer sur le cas de l’évêque intégriste négationniste. Sans doute parce que cela « touche au dialogue judéo-chrétien, qui est un enjeu majeur », a souligné Benjamin Jacobs, grand rabbin de Hollande, conscient que « les deux communautés souffrent de tels propos ». David Messas, grand rabbin de Paris, s’est voulu rassurant : « Nos relations sont extrêmement bonnes, a-t-il assuré. Depuis Vatican II, nous menons ensemble de nombreuses réunions, commissions… Nos liens ont fait d’extraordinaires progrès. »

    S’il reconnaît que le pape « a raison » de rechercher l’unité de l’Église catholique, il conçoit aussi que les juifs aient diversement accueilli le fait qu’un négationniste puisse être réintégré. Tout en déplorant que Mgr Williamson n’ait pas exprimé une « vraie repentance », il salue les condamnations sans équivoque de Rome et de l’Église de France. Dès lors, pour lui, l’unique priorité est de « continuer à dialoguer », notamment sur « le terrain de l’action sociale ». Ce travail, a-t-il ajouté, « nous sommes toujours disposés à le faire » pour « aller de l’avant ». Et de glisser : « Ce n’est pas à nous, mais au pape, de clore cette affaire. »

    Un "symbole très important"

    Dans ce contexte, le proche voyage de Benoît XVI en Terre sainte est perçu par les rabbins comme un « symbole très important », Israël ayant à cœur de ne pas « cristalliser des tensions passagères », mais, au contraire, de valoriser « la repentance et le pardon ». Au fond, résume David Messas, « nous voulons l’amitié, la paix et la solidarité ». Interrogé sur le récent conflit à Gaza, il a préféré esquiver le sujet, estimant que le rôle des religieux est de « favoriser la compréhension mutuelle et la fraternité », et non de se prononcer sur des options politiques, si problématiques soient-elles.

    Préoccupant, le constat dressé dans un autre registre par Yermia Cohen, président du tribunal rabbinique de Paris, le fut particulièrement : « Au-delà des résurgences négationnistes, nous observons un retour de l’antisémitisme. Certains partis européens demandent l’interdiction de l’abattage rituel – ce que les nazis avaient mis en œuvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus inquiétant encore, en cette période de crise, certains commencent à accuser les juifs d’être à l’origine des problèmes financiers… » Pour lui, incontestablement, ces trois phénomènes « reviennent aujourd’hui » et méritent l’attention de tous, médias et opinion publique.

    Au chapitre de la bioéthique, les rabbins ont souligné l’importance de proposer une « réponse à la fois pragmatique et éthique à une souffrance personnelle », qui puisse concilier le sens de l’humain et la fidélité aux textes religieux. À ce titre, le rabbin Benjamin David, consultant à l’Institut Pouah de Jérusalem (éthique et conseil à la procréation), a déploré une médecine souvent « déconnectée des valeurs humaines et de la foi ». Dans les communautés, chaque rabbin s’efforce de conseiller les familles, en s’inspirant des recommandations du Talmud, lorsque survient un dilemme médical.

    Des "points de convergence"

    De plus, cette réflexion bioéthique peut, à en croire le grand rabbin de Paris, susciter des « points de convergence » entre chrétiens et juifs : « Nous avons, avec le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, signé un texte commun sur la question de la fin de vie », mentionne-t-il pour illustrer son propos. Un document qui aura nécessité six mois de rédaction, mot après mot, mais qui souligne une « adéquation possible » entre les deux confessions.

    Autre dimension centrale de ce séminaire, plus interne : l’état de la communauté juive en Europe et la réflexion autour de « la famille juive dans tous ses états », thème des échanges. Avec 600 000 membres en France, 200 000 en Grande-Bretagne ou encore 50 000 en Italie, celle-ci se retrouve parfois confrontée au problème de « l’assimilation », qui contribue à éroder la pratique religieuse.

    Pour les rabbins, la lutte contre ce phénomène est devenue une « cause majeure » et ils estiment que, « pour garder les fidèles au sein du cadre communautaire, il faut développer de nouvelles approches ». Ils se félicitent toutefois du nombre de conversions au judaïsme (sans citer de chiffres), relevant qu’elles sont souvent le fait de personnes issues d’un couple mixte – père juif, mère non juive – souhaitant se rapprocher de la religion de leurs ancêtres, qui se transmet par la mère.

    Enfin, signe des temps, la communauté juive n’échappe pas au fléau du divorce, constate Élie Dahan, rabbin de Lille et du Nord : « Nous marions les gens de plus en plus tardivement. À un âge avancé, on est moins à même de vivre avec les défauts de l’autre. Voici un enjeu majeur : essayer de penser un avenir pour la famille et de construire des projets de couple cohérents. »

     

    François-Xavier MAIGRE

    http://www.juif.org/go-news-90558.php


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    Mercredi 11 mars 2009

     




    On peut définir cet intellectuel méridional
    comme un « pontife », un homme
    qui bâtit des ponts.
    Entre les cultures, les religions
    et ses semblables
    .

    Il fut un des premiers à s'intéresser au phènomène religieux du point de vue du sociologue et, à ce titre, cet arabophone, diplômé de l'institut Bourguiba des langues (Tunis), s'interessât particulièrement à l'islam comme en témoigne ses nombreux ouvrages : La France et l'Islam, Islam : des questions qui fâchent, L'Islamisme radical.

    A propos du radicalisme musulman, il soutenait que cette mouvance de l'islam procédait non d'un cheminement linéaire de la tradition islamique, mais bien d'une influence occidentale où le mimétisme aveugle joue le rôle de catalyseur.

    Bruno Etienne illustrait aussi les arcanes de l'ésotérisme musulman, en témoigne un article paru dans la revue « Vers la Tradition" où il donne le plan « ésotérique de la Smalah d'Abd-el-Kader, plan qui relève d'une géographie sacrée.

    Partisan d'un islam gallican, seul à même de le réformer, il plaidait pour l'abandon de l'ethnocentrisme et l'affirmation de l'universalité du message mohammedien.

    Ce Franc-Maçon du Grand-Orient de France n'en était pas moins un anti-jacobin, adveraire du cesaro-papisme étatique. Si l'Etat doit être reconnu par tous, il appartient aussi à l'Etat de reconnaître les différences et les protéger : sectes, bouddhisme, islam mais aussi régionalisme ont droit à une déférence qui leur est trop souvent niée par l'Etat Central lequel devrait, à l'instar d'autres pays européens, subsidier les cultes, les encadrer et reconnaître leur dimension sociale.

    Avec lui disparaît un humaniste, un de plus, nous n'en connaissons plus beaucoup, le désert culturel gagne chaque jour d'immenses espaces autrefois fertiles d'échanges et de discussions; la pensée unique progresse et, avec elle, la désolante ignorance.

    http://fatahelbab.over-blog.com 



    Il présidait l'observatoire des religions au sein de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, le professeur Bruno Etienne s'est éteint le 4 mars 2009.


    Bruno Etienne: "La religion est devenue un supermarché et pourquoi pas ?"
    Par pwallez le mardi 30 septembre 2008,

    Atteint d'un cancer, dont le traitement l'a contraint à différer la sortie d'un nouveau livre, l'intellectuel aixois poursuit ses recherches sur le phénomène des religions
    Dans la salle d'étude, aménagée dans le jardin d'une propriété d'Aix, les quintes de toux secouent sa grande carcasse, charpentée par une adolescence d'ascétisme et une longue pratique des arts martiaux à l'âge adulte. Le professeur Bruno Etienne est malade et il ne cache pas, sans s'étendre, qu'il s'agit d'un cancer.
    La religion n'est pas devenue pour autant thérapie, besoin vital. En tous cas pas davantage qu'avant la découverte de la maladie. "J'ai toujours été à la fois un chercheur et un cherchant". Se situant à la fois en dehors et dedans. Il dissèque au scalpel de l'anthropologue, sociologue, politologue cet objet d'études "depuis 45 ans". Mais il rajoute une intensité qui le questionne lui-même. "Déjà à l'âge de 14 ans, j'avais un goût immodéré des livres sacrés que mon psy qualifierait de tordu. J'ai une collection de Talmud, de Bible, de Coran et je connais ces deux derniers textes par coeur".


    Musulman et franc-maçon


    C'est le mécanisme de la croyance qui le fascine. Des croyances plutôt. Son dernier livre (1) étudiait les doubles appartenances au travers du personnage de l'émir Abd el-kader. Comment peut-on adhérer à deux systèmes de croyances a priori aussi lointains que l'islam et la franc-maçonnerie ? Son prochain ouvrage (2) aborde également cet angle. "La société a changé, la religion est devenue un super market dans lequel chacun fait son marché, en mélangeant un peu de tout, avec des emprunts de croyances à diverses confessions, une forme de religion personnalisée. Les exemples pullulent. A mon époque, quand on était franc-maçon, on était laïque, socialiste. Mon pépé de la Roque d'Anthéron, qui était tailleur de pierre et franc- maçon, poursuivait le curé dans la rue en criant "croa, croa". Maintenant, il ne reste plus qu'une loge à Aix où l'on crie "à bas la calotte". O surprise, ma loge était dirigée par un musulman jusqu'à l'an passé et deux ateliers féminins de Marseille ont des beurettes comme vénérables. Qui aurait pu penser que l'on pouvait pratiquer à la fois la franc-maçonnerie et l'islam ? "

    Les catholiques nombreux qui se payent des sessions de méditation bouddhiste s'inscrivent, selon le professeur Etienne, dans cette tendance. "Et pourquoi pas? Il n'y a qu'en France, ce pays de rationalité, où il est demandé de ne croire qu'en une seule chose". Ce qu'il décrit avec d'autres comme un besoin de spiritualité, il en trouve la preuve dans les 18 confessions qui sont pratiquées à Marseille. Ce goût de religion est "à l'image d'une société malade et qui cherche".

    Inclassable

    Déclarant aimer fouiller le "border line", les phénomènes à la marge, le professeur a souvent été jugé inclassable. Élève chez les cathos à la Seyne, puis influencé par son oncle avocat nîmois et prêcheur protestant, Bruno Etienne navigue, dans son auto portrait , entre les étiquettes de neo protestant, agnostique, et franc-maçon, ne renonçant pas d'ailleurs à jauger les uns et les autres à l'aune du sens critique.
    Cela peut désorienter certains. "Un jour, il est devenu bouddhiste"s'exclame Mohamed Allili, recteur de la mosquée de la Porte d'Aix, à Marseille, personnage médiatique de l'islam français. Bruno Etienne a bâti une partie de sa notoriété de chercheur sur l'étude de l'islam, au point que l'on a pu croire que le cherchant trouvait sa voie dans le Coran. Dans les années 80, les deux jeunes chercheurs dont il était le mentor, Jocelyne Césari (qui enseigne désormais à Harvard) et Franck Frégosi (chercheur du CNRS), réalisaient sous sa direction une enquête sur la mosquée de la porte d'Aix, et soulevait des questions sur ce qu'il appelle "la laïcité ouverte, malgré ce que disent mes copains et mes frangins. On faisait rigoler tout le monde à l'époque, le sujet est plus que jamais d'actualité".

    Un cousinage lointain avec Sarkozy

    Inscrit sur la liste de Michel Pezet aux dernières élections municipales à Aix, il s'est retrouvé dans une curieuse situation de cousinage avec Nicolas Sarkozy. "Ministre de l'intérieur, il posait les bonnes questions sur le financement du culte musulman. Les baux emphythéotiques, en particulier celui de la Grande mosquée de Marseille, ne sont qu'un financement occulte. Il faut arrêter l'hypocrisie".
    Les religions même bricolées sur le principe du "do-it-yourself" et de la personnalisation sont incontournables selon Bruno Etienne. "Elle apportent les balises et les interdits sans lesquels une société ne peut fonctionner. Moi, j'ai de la sympathie pour la connerie des hommes, leur acharnement à défendre leur peau. Si cela apaise leur souffrance, la peur de la mort, du cancer, pourquoi pas ? En quoi l'histoire de la Vierge est-elle moins ahurissante que celle de la Dianétique qui prétend guérir ? ".

    La seule fois où Bruno Etienne évoquera le cancer. "Je recommence à travailler, le traîtement m'avait beaucoup fatigué. Mon livre sortira en début d'année....Inch'Allah"
    (1) "Abd el-Kader et la franc-maçonnirie suivi de Soufisme et franc-maçonnerie" chez Dervy, 16 euros
    (2) "L'Eglise, l'Etat et l'Entreprise " chez Odile Jacob

    Interview intégrale




    - Un de vos étudiants raconte que vous vous êtes décrit, une fois, comme étant un mécréant...


    Je suis un mécréant, mais comme on dit en provençal. Mon arrière grand-père de la Roque d'Anthéron était un franc-maçon, une autre partie de famille était protestante et résidait de l'autre côté du Rhône. Comme j'étais orphelin, mon grand père m'a mis dans un internat à La Seyne, j'ai bien connu le catholicime. Mon penchant, si j'avais un choix à faire, c'est plutôt le protestantisme. Mon oncle, avocat à Nîmes, prêcheur protestant, m'a marqué. Le protestantisme, c'est la liaison avec les études, on travaille énormément les textes et on est seul chez les protestants. Alors que chez les catholiques, on s'inscrit dans une structure hiérarchique qui nous dit ce qu'il faut penser. Je suis devenu chercheur parce que j'ai eu envie de comprendre. Dès 14 ans j'avais la passion des textes, je connais la Bible et le Coran par coeur. J'ai une collection de Bible, de Coran, de Talmud, mon psychiatre me dira peut-être que c'était tordu à 14 ans d'avoir un goût immodéré des livres.

    Vous êtes de quel côté finalement, athée, agnostique ou croyant ?

    Posé comme cela, je suis agnostique. Avec 45 ans d'expérience d'anthopologie liée à la religion, je suis devenu d'un relativisme culturel absolu. J'ai découvert jusqu'où les hommes étaient capables de croire, c'est incroyable. En quoi l'histoire de la Vierge Marie est-elle moins ahurissante que la Dianétique de l'Eglise de Scientologie, qui prétend vous guérir. L'humanité est prête à croire tout et n'importe quoi, la peur de la mort sans doute. La religion, c'est un objet d'étude, pour moi. Mais j'ai aussi une certaine sympathie pour la connerie des hommes, leur volonté de défendre leur peau, tout ce que l'humanité produit même de mauvais m'intéresse. Mon domaine est celui de la science politique, mais celle qui s'intéresse à la gouvernance, je m'en fous, ce qui me passionne, c'est le "border line", pourquoi ils vont au FN ou dans les sphères marginales. Il y a un défaut de spiritualité dans la société, aucune société ne peut fonctionner sans balise et sans interdit, c'est sans doute le réactionnaire qui parle. Le rituel est partout, les rituels laïques et sécularisés de la République ont remplacé les rituels religieux. Quand Mitterand monte au Panthéon avec les trois roses, c'est un rituel.


    La politique justement, on vous a entendu dire des choses positives sur Sarkozy, on ne vous attendait pas, avec le passé militant qui est le vôtre, dans ce camp...

    Quand Sarkozy a posé le problème du financement des lieux de culte musulman, il a posé un véritable question de société, je dois le reconnaître, il mettait le doigt sur une question pertinente. On a 300 000 juifs, 400 000 bouddhistes, et 2 millions de musulmans français, mais ces derniers ne sont pas placés sur un pied d'égalité, en raison de la situation sociale de la majorité. Le bail emphytéotique est un financement occulte et au culte, qui ne dit pas son nom, c'est la loi de 1901 qu'il faut réviser. Mais voilà dès que l'on énonce cela, il y a raidissement d'un certain nombre de gens, de mon âge d'ailleurs. Ils refusent de comprendre que c'est la société qui a changé, et que la laïcité doit changer avec elle.


    Qu'entendez-vous par cela ?


    Mon pépé quand il voyait un curé dans la rue, il courait après lui et faisait "croa, croa". C'est terminé, les curés n'ont plus de soutane et ils ne sont plus dans la rue. La première enquête que nous avons menée avec l'Observatoire du religieux était de Franck Frégosi et Jocelyne Césari, c'était en 1980, et elle portait sur la mosquée de la Porte d'Aix, du recteur Allili. On a fait rigoler tout le monde. On dit qu'il y a 60 synagogues à Marseille, mais on n'en parle pas comme on parle des moquées. Ce n'est pas anti sémite ce que je dis, la société a changé, c'est tout. La Soka Gakkai à Trets, nous l'avons étudiée avec Raphaël Liogier et l'Observatoire du religieux. Le mot secte en sociologie n'est pas péjoratif, je sais bien qu'il y a des sectes plus ou moins douteuses, mais ce que je conteste, ce sont ces rapports parlementaires, sans valeur juridique, qui prétendent définir ce que sont les bonnes et mauvaises religions. Mes copains y compris mes frangins me disent qu'il n'y a pas d'adjectif à laïcité, pour moi, il existe. Et je souhaite une laicité "ouverte". Prenons l'exemple de la grande mosquée de Marseille, je n'en suis pas un partisan à tout crin, je pense que les mosquées de proximité sont tout aussi utiles. Mais voilà pour des raisons stratégiques ou clientélistes, je ne sais, il a été décidé la construction d'une grande mosquée, tournée vers la Méditérranée. On va donner un bail emphytéotique et alors ? Par ce biais, le tissu associatif va être contrôlé, je préfére cela à des islamistes occupant des mosquées partout dans les quartiers. Je suis hostile aux discours sur les communautés. Si l'on en croit certains, la France est menacée par le communautarisme à l'américaine, c'est une stupidité. L'histoire n'est pas la même, en plus là bas 90% des personnes croient en Dieu, alors que le taux est de 23% en France.
    La communauté n'existe pas. En sociologie, c'est un ensemble de personnes qui se réunissent et qui n'ont pas besoin d'intervention extérieure pour régler leurs problèmes internes. Or à Marseille, toutes les élections du culte musulman se sont terminées devant le tribunal, c'est là même chose pour les élections au consistoire israélite. Nous estimons qu'il existe au moins cinq groupes concurrentiels au sein de la dite communauté musulmane marseillaise


    Comment pourra-t-on harmoniser les cultes ?


    Cela se fera par l'Europe, nous nous adapterons ou sinon le juge européen va nous aligner sur le statut des cultes reconnus. Sarkozy, en fait, dans ses propositions est sur un modèle allemand. Dans lequel la collectivité passe un accord avec une association cultuelle ou culturelle qui rend des services à la collectivité. Je ne crois pas à la volonté des hommes politiques, le fait est qu'ils sont confrontés au principe de réalité et il y a un moment où ils doivent négocier. C'est ainsi que les choses fonctionnent.

    La réalité actuelle est donc la multi-appartenance ?


    Certains cathos font des sessions de méditation chez les bouddhistes. Je constate également que dans les loges il y a des musulmans et des catholiques qui continuent à pratiquer alors qu'à mon époque on était laïque et socialiste. La double appartenance est un fait, la société a généré un super market des biens religieux et tout le monde pioche. Pourquoi on ne pourrait pas avoir deux voies spirituelles, si cela vous fait du bien, psychologiquement ou pour le cancer ? C'est un aspect que j'aborde dans mon ouvrage, L'Eglise, l'Etat et l'Entreprise. Dans ce pays de rationalité, il faut appartenir à un seul truc. La réalité est que, à cause de mondialisation ou du phénomène market, on a plusieurs appartenances. Est-ce que les gens sont moins barjots qu'il y a 50 ans, je ne crois pas.

    La franc maçonnerie dans tout cela ?


    J'y suis rentré pour des raisons politiques, mon grand-père était communiste et mon parrain maçon. J'y suis resté parce que ce qui m'intéresse c'est d'avancer soi même. Pour moi la FM s'inscrit dans le champ religieux, au même titre que le bouddhisme. Les jeunes, ne vont plus rejoindre la Franc maçonnerie pour les mêmes raisons. Moi à l'époque, j'étais de gauche, tiersmondiste, maintenant les jeunes qui nous rejoignent le font pour d'autres raisons. Ils ne recherchent pas une annexe du PS, ils veulent de la spiritualité, une spiritialité laïque, hors des institutions ecclésiastiques. La grande suprise, c'est la présence de beurs et beurettes. Il y a au moins deux loges de la Grande loge féminine à Marseille qui sont dirigées par des musulmanes, et le vénérable de mon atelier était jusqu'en 2007 musulman. Il y a 40 ans, les rares musulmans qui adhéraient à la FM étaient athées, ce n'est plus le cas. La FM a été chrétienne, impériale, monarchique , c'est une institution humaine, elle a un inconvénient, les apparatchiks produisent un discours qui ne reflète pas toujours ce qui se passe dans les loges. Parce que ce qui se passe là, à l'intérieur des loges et des régions, ce sont des débats incroyables, d'une grande qualité. La Franc maçonnerie est confrontée à deux courants, l'un est porté sur l'extériorisation, la stratégie au sein de la société et l'autre qui dit aux frères, commencez à construire ce que vous êtes et vous serez meilleurs dans la société. Jusqu'à maintenant et depuis la IIIe République, la première tendance était majoritaire. Aujourd'hui, c'est l'autre qui est en train de le devenir. Il y a un changement qualitatif, globalement, au Grand orient de France, soit mille loges, 130 travaillent au rite REAA faisant référence au Grand Architecte, une centaine au RER qui est chrétien, une centaine au rite français rétabli ancien. Donc il y a au moins un tiers qui croient au Grand Architecte au Grand Orient. Sur le terrain, la composition des loges sur Aix est à peu près la composition socio professionnelle et politique de la société française. A l'exception de l'extrême droite, rare en FM, de l'extrême gauche inexistante à part quelques anciens trotskistes. Mais on ne commence plus en FM avant 35 ans, à mon époque c'était 2O. Il n'y a plus d'ouvriers, pas de paysans, à part quelques viticulteurs plutôt bourgeois. Pour moi, la Franc maçonnerie n'est pas LA solution au problème du monde moderne, mais peut faire partie de la solution. C'est une vieille idée d'un vieux pasteur, Wilfrid Monod, père des deux Monod, qui avait créé le Tiers ordre des veilleurs. Je crois en des groupes discrets, pas forcément secrets, mais qui travaillent à l'abri du prime time, de l'audimat, et qui sont des éveilleurs. Des gens qui posent des questions impertinentes, mais qui sont aussi des veilleurs, des gens capables de dire "oh société tu as la fièvre, si tu veux casser le thermomètre, c'est ton problème mais attention". Il me semble que dans le cadre d'une spiritualité laïque, dégagée des Eglises et des partis, la FM moderne qui a 250 ans, qui a survécu à tous les régimes est un lieu où cela peut se passer. Chacun à sa place doit être meilleur et le monde fonctionnera mieux. 


    http://lavenircestmaintenant.skyrock.com/2344988121-In-memoriam-Bruno-Etienne.html


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