• Mark Chebel : Au nom d'un Islam de vie

     
     
    Lundi 16 mars 2009

    L'Islam expliqué de Marek Chebel article paru le 5 novembre 2006


    Malek Chebel, psychanalyste, anthropologue et docteur en sciences politiques est un farouche défenseur de l’Islam modéré. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la société musulmane qui sont aujourd’hui des références : Dictionnaire amoureux de l’Islam, Psychanalyse des Mille et Une Nuits, Manifeste pour un Islam des Lumières…


    Malek Chebel réhabilite l’image de la religion musulmane, porteuse d’amour et de beauté, face à l’image négative d’une religion de terreur, liée aux fondamentalistes. Il lutte pour l’évolution des mentalités et un meilleur statut de la femme musulmane. Il prône un Islam des Lumières, un Islam de partage et d’apaisement. Proche de la communauté juive de France, Malek Chebel nous livre ses convictions, ses craintes et ses espoirs.

    Olivia Cattan : Malek Chebel, vous êtes aujourd’hui en France, le représentant d’un Islam des Lumières, croyez-vous que cet Islam modéré résistera à la montée de l’Islamisme ?

    Malek Chebel : Oui, bien sûr, sans quoi, c’est la catastrophe absolue. Je défends les valeurs d’un Islam ouvert, tolérant et éclairé. Je sais aussi que la majorité des musulmans de France n’aspire qu’à une chose, vivre sa religion en adéquation avec les règles républicaines, dans le respect d’autrui. Il est vrai que depuis des années, les réseaux islamistes se sont organisés dans l’indifférence des municipalités et de toutes les autorités publiques. A cela, il faut ajouter que la précarité sociale, le chômage, la perte des valeurs de la société française ont été de bons alliés pour eux. J’espère qu’il n’est pas trop tard pour récupérer une bonne partie de cette jeunesse. Tarik Ramadan affirme également représenter une partie des musulmans de France… Il faut se méfier de Tarik Ramadan, son discours est celui d’un prédicateur. Il faut rejeter ceux qui souhaitent nous imposer des lois divines en remplacement des lois des hommes. Ces lois divines ont été écrites au 7e siècle, alors comment voulez-vous les proposer aux hommes et aux femmes du 21 siècle ! La société évolue et la religion doit suivre cette évolution, même si le commentaire est interdit dans le Coran et qu’il est difficile de faire bouger les choses ! Tarik Ramadan ne représente pas la majorité éclairée mais la minorité ignorante des musulmans.

    O.C. : Pensez-vous que le Coran doit être modernisé ?

    M.C. : Non. Ce n’est pas le Coran qu’il faut réformer, c’est l’approche théologique qui lui est appliquée, c’est à dire son interprétation. J’en appelle à la liberté de chacun pour juger du bien fondé de telle ou telle approche. Mon but est de réhabiliter l’Islam, de montrer sa pluralité. L’Islam n’est pas seulement une religion faite d’interdits, elle est l’héritage d’un humanisme, le fruit d’une Civilisation, qui à travers les siècles, a connu de grandes périodes de créativité où savants, grammairiens, médecins travaillaient ensemble dans le creuset d’un seul Islam, celui des lumières. L’algèbre, l’arithmétique, la sagesse orientale sont nés de cela. L’Islam n’est pas une religion apocalyptique, ayant pour objectif la fin de l’Occident. Il faut humaniser cette religion, la rendre accessible afin de redonner de l’Islam une image positive, éloignée de la terreur.

    O.C. : Au sujet de la terreur, que pensez-vous des Kamikazes, qui au nom de Dieu et de l’Islam, au nom d’une revendication territoriale s’offrent à la mort, tuant d’innocentes victimes ?

    M.C. : Il faut 30 ans pour former un intellectuel et 3 semaines pour former un Kamikaze. Notre Dieu, comme je le dis souvent, n’est pas un Dieu de colère, de souffrance et de mort. Je récuse toute manipulation de la religion qui vise à perpétrer la violence.

    O.C. : Vos livres parlent de Sexualité, de raffinements de la culture orientale pendant que dans les cités, la violence sexuelle s’exprime, alors que faire pour lutter contre cela ?

    M.C. : Nous pourrons lutter contre cela lorsque l’image et la place de la femme évolueront dans la religion musulmane. Dans mon livre, le Dictionnaire amoureux de l’islam, j’aborde avec la plus grande liberté la sexualité. Je suis pour l’harmonie entre les sexes et pour un Islam de désirs. Il faut rappeler que cette religion s’est longtemps préoccupée de beauté et de sensualité, Contes orientaux, hammams, goût des parfums…Elle préconise à l’homme de profiter de sa vie terrestre. Certains textes parlent même d’un amour divin lié à l’amour charnel et le Prophète Mohamed disait lui-même que les femmes, les parfums et la prière étaient ce qu’il préférait dans ce monde. Nous pouvons être des musulmans fidèles, respectueux du Texte sacré, sans être ennemis de la jouissance charnelle. Mais ce désir doit s’exprimer, sans aucune violence et dans le respect de la femme.

    O.C. : L’excision, les mariages précoces sont encore pratiqués dans certaines familles musulmanes de France, comment faire évoluer ces pratiques d’un autre temps ?

    M.C. : En condamnant tous ces actes comme la répudiation, la polygamie, les mariages forcés, le rapt de jeunes filles, le dénigrement des mères célibataires. Il faut condamner les assassinats, perpétrés au nom du Khalf at-thar, au nom de l’honneur. Les pays musulmans doivent réévaluer toute leur législation civile pour donner à la femme le moyen de s’épanouir dans les règles sociales établies. La femme n’est pas inférieure à l’homme, contrairement à ce que prônent les fondamentalistes. Il faut que les mentalités évoluent et acceptent également l’homosexualité, dont je parle également dans mes ouvrages.

    O.C. : Pensez-vous que le voile est une régression pour les Droits de la femme ?

    M.C. : Non pas tout a fait mais obliger la femme à se voiler, c’est ne pas lui faire confiance et c’est la déposséder de son image. D’ailleurs, seuls 3 versets dans le Coran, évoque le voile. Mais le débat sur le voile est un faux débat. Je suis pour la loi contre le voile à l’école, par principe de laïcité. De plus cette loi protège les femmes qui ne veulent pas le porter mais qui l’endurent à cause de leurs familles ou de leurs maris. J’appelle à une égalité absolue de droits et de devoirs entre l’homme et la femme.

    O.C. : Que pensez-vous de la discrimination positive proposée par Nicolas Sarkozy ?

    M.C. : J’y suis très opposé parce que dans « discrimination positive », il y a le mot « discrimination ». Discriminer dans un sens ou dans l’autre est mauvais en soi. Je suis pour que 10 chefs d’entreprise français fasse une déclaration d’intention et proposent d’embaucher 10 jeunes de banlieue. Je suis pour que le gouvernement français encourage activement l’émergence des classes moyennes et que l’on valorise les bonnes volontés.

    O.C. : Pensez-vous que le CV anonyme élargirait les chances ?

    M.C. : Oui, je le pense. Lorsqu’un employeur a le choix entre deux candidats et que l’un des deux porte un nom arabe, le choix est vite fait. Il y a beaucoup trop de Français, d’origine arabe, qualifiés, lettrés qui sont au chômage, juste à cause de leurs origines et ce n’est pas tolérable ! De plus, la précarité sociale et le chômage sont des faiblesses que les Fondamentalistes exploitent adroitement dans les Cités. La Société française doit réagir !

    O.C. : Il y a en France, malgré une apparente harmonie, des tensions entre la communauté juive et la communauté musulmane, comment voyez-vous l’avenir de ces relations ?

    M.C. : Je suis plutôt optimiste. C’est ma nature. Grâce à la bonne volonté des uns et des autres, grâce aux discours responsables des autorités religieuses – je signale en passant la qualité d’un certain nombre de personnalités juives et musulmanes, soucieuses de paix et respectant la pluralité de ce pays -, nous arriverons à conjurer les mauvais augures et les discours pessimistes qui nous promettent l’apocalypse. Il faut toujours garder son sang froid, sa philosophie.

    O.C. : Vous avez décidé de créer une fondation pour l’Islam des Lumières, comment est née cette idée ?

    M.C. : Cette idée est née sur le perron de l’Elysée, le 14 mai 2004, lorsque le Président Chirac m’a honoré de la Légion d’honneur, à la suite de la publication du Dictionnaire amoureux de l’Islam. Idéalement, la Fondation pour un Islam des Lumières a pour objectif de lutter contre les amalgames, favoriser le dialogue entre les communautés en France et promouvoir le plus largement possible un discours de tolérance et de respect. Cette fondation favorisera également l’intégration des jeunes musulmans au sein de la République. Elle permettra l’accès à la connaissance, le triomphe de la raison et du progrès et l’ouverture sur le monde. Nous avons une vingtaine de projets, nous voulons organiser une journée du livre autour de l’Islam, amener les jeunes des cités au Louvre en leur faisant découvrir la richesse de leur civilisation, les rattacher à leurs racines. Il faut unir nos bonnes volontés et nous montrer solidaires. La prochaine étape sera de réunir des fonds privés, indépendants de toutes idéologies, afin de mener à bien tous ces projets. Face à l’intégrisme, il faut toujours montrer une solidarité sans failles, une compréhension des enjeux, un travail républicain.

    O.C. : Comment voyez-vous l’Islam de demain ?

    M.C. : Dans mon Manifeste pour un Islam des Lumières, j’explique dans vingt-sept propositions que je souhaite une libre interprétation des textes et l’affirmation de la supériorité de la raison sur l’émotion qui dirige le monde musulman. Je souhaite une renaissance de l’Islam susceptible de forger l’identité collective, apaisante, car apaisée, de l’Islam de demain. Je souhaite un Islam respecté qui respecte les autres religions, un Islam du Partage.


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