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    Jeudi 14 août 2008






    30/09/07

    Comment construire
    l'unité humaine,
    par Roger Garaudy

     

     

    1) -- Par une mutation économique


    A
    Un contre Bretton-Woods

    La seule politique qui ait aujourd'hui un avenir est celle qui résoudra les problèmes fondamentaux qui se posent à nous:

    Chômage

    Immigration

    Faim dans le monde, avec toutes les conséquences morales et culturelles qui en découlent.

    Ces trois problèmes n'en font qu'un. L'on ne nous offre que de fausses solutions.

    Les deux plus illusoires sont:

    -- ces problèmes seront résolus par la croissance;
    -- ces problèmes seront résolus par l'Europe.

    Ce sont là les mensonges les plus meurtriers.

    Aucun de nos problèmes vitaux ne sera résolu par la croissance.

    Les Etats et les partis politiques des pays occidentaux n'abordent jamais ainsi le problème. Au contraire.

    Cette croissance est présentée par les politiques et les médias, comme une panacée pour sortir de la crise et du chômage, alors que, depuis 1975, la croissance, obtenue par un accroissement de la productivité grâce au développement des sciences et des techniques, ne crée plus d'emplois, mais au contraire en détruit en remplaçant de plus en plus le travail de l'homme par celui des machines. En 1980, la Belgique produisait dix millions de tonnes d'acier avec quarante mille ouvriers; en 1990, elle en produit douze millions et demi avec vingt-deux mille ouvriers.

    La croissance est impulsée par les gains de productivité obtenus grâce à la science et aux techniques, qui permettent de remplacer une grande partie du travail humain par des machines, et, plus encore aujourd'hui, par le développement de l'informatique, de la robotique, des ordinateurs.

    Il serait absurde d'incriminer les sciences et les techniques. Le malheur vient de l'usage qu'on en fait.

    Par exemple, depuis 1970, la productivité, grâce à ces découvertes, a augmenté de 89%. C'est une chance pour l'humanité, pour lui épargner les tâches les plus répétitives. Mais c'est un malheur pour elle lorsque, dans la même période, la durée du travail n'a pas diminué et que le chômage a plus que décuplé. Cela signifie que l'accroissement de la productivité n'a pas servi l'ensemble de l'humanité mais seulement les propriétaires des moyens de production.

    Alors que ce serait un bienfait pour tous, si la durée de la semaine de travail était indexée sur la productivité.

    Ce serait un bienfait si cette augmentation des loisirs n'était pas récupérée par un marché des loisirs qui transforme le temps libre en un temps vide, vidé d'humanité par le genre de divertissements qu'on lui propose et qui ne favorise pas l'épanouissement physique et culturel. Cet espace de vie, au lieu d'aider l'homme à être un homme, c'est-à-dire un créateur, tend, en vertu du système du marché, à en faire un chômeur et, dans le meilleur des cas, un consommateur.

    Cela ne signifie pas que nous soyons hostiles à la croissance, et moins encore au progrès des sciences et des techniques lorsqu'il permet de réduire la peine des hommes et des femmes, et ne conduit pas à leur asservissement ou à leur aliénation, comme, pour ne citer qu'un exemple, les autoroutes de l'information pour manipuler l'opinion au service de l'hégémonie américaine.

    Mais la croissance et l'accroissement de la productivité, même avec les aménagements tels que l'indexation du temps de travail sur la productivité, ne résoudront pas le problème du chômage: tout au plus, en les assortissant, comme le veulent le patronat et le gouvernement, d'une compression des salaires et des protections sociales, ils peuvent permettre de grignoter quelques parts de marché sur le concurrent européen, américain ou japonais. Mais ils restent des expédients dérisoires.

    L'autre mensonge, après la croissance comme panacée, est celui de l'Europe.

    Aucun des problèmes vitaux ne peut être résolu dans le cadre de l'Europe.

    L'on nous promet, avec l'Europe, un marché de trois cents millions de clients en omettant de dire qu'il s'agit de trois cents millions de concurrents sur le marché du travail. Car les économies européennes ne sont pas, pour l'essentiel, complémentaires, mais rivales. Et plus encore les économies américaines et japonaises.

    Est-ce à dire que la seule alternative à l'Europe serait un repli nationaliste sur la France en l'enfermant dans des remparts protectionnistes? Ce serait au contraire l'asphyxie.

    La seule solution possible, c'est l'ouverture sur le monde dans sa totalité: tant que, après cinq cents années de colonialisme et cinquante années de FMI et de Banque Mondiale, subsiste ce monde cassé, avec son économie difforme où les deux tiers de la population du monde, dépouillés par l'Occident, ne sont pas solvables, demeureront juxtaposés le monde de la faim et celui du chômage. Même en raisonnant seulement en termes de marché comment espérer donner du travail aux uns, tant que des milliards d'hommes n'ont même pas le minimum nécessaire pour acheter leur nourriture?

    La seule solution possible pour répondre à la faim des uns, aux chômages des autres et à l'immigration des affamés dans leur quête illusoire du travail, c'est un changement radical de nos rapports avec le Tiers-Monde, mettant fin à la domination de l'Occident et à la dépendance du Sud, car c'est la dépendance qui engendre le sous-développement.

    Nous vivons dans un monde cassé: entre le Nord et le Sud, et, au nord comme au Sud, entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas. Les 20% les plus riches de la planète disposent de 83% du revenu mondial, les 20% les plus pauvres, de 1,4% (14).

    Lorsque le colonialisme pendant un demi-millénaire, et le système de Bretton depuis un demi siècle, ont créé de telles inégalités entre les peuples, le libre-échange suffit pour aggraver encore les dominations et les dépendances.

    Comment inverser les actuelles dérives?

    D'abord en détruisant le mythe baptisant démocratie la liberté du marché: le marché libre est l'assassin de la démocratie, par l'accumulation de la richesse à un pôle des sociétés et de la misère à l'autre.

    Ceci implique un certain nombre de décisions politiques tendant toutes à se libérer de la prétendue mondialisation de l'économie, c'est à dire de la volonté américaine de faire de l'Europe, et du reste du monde, une colonie ouvrant des débouchés à sa propre économie dans tous les domaines: de l'agro-alimentaire à l'aéronautique, de l'information au cinéma.

    Il devient chaque jour plus clair que Maastricht est une cause majeure des malheurs non seulement des agriculteurs, en exigeant des jachères, mais de tous les travailleurs en encourageant, sous prétexte de compétitivité européenne, le nivellement par le bas (sous le nom de "flexibilité") des conditions de travail, en liquidant toutes nos industries, de l'aviation à l'informatique, et en bafouant notre culture par l'invasion du cinéma américain et de la télévision américaine, en faisant de notre armée les supplétifs des interventions américaines.

    Quant à l'économie, l'article 301 de la loi américaine permet de protéger ses propres productions, alors que le GATT, (rebaptisé Organisation Mondiale de Commerce) impose à tous les autres pays un libre -- échange qui laisse la place à toutes les importations américaines.

    Les lois Helms-Burton de 1996 et d'Amato-Kennedy, votées par le seul Congrès américain, prétendent s'imposer à toute la communauté internationale, lui interdisant tout commerce avec les pays désignés par elle seule, les dirigeants américains légiférant ainsi pour le monde entier.

    Une nouvelle résistance suppose, non seulement de répudier Maastricht, mais aussi de nous retirer du FMI, de la Banque mondiale et de toutes les autres institutions servant d'instrument à cette volonté d'hégémonie mondiale sous prétexte de créer en Europe la monnaie unique de l'Euro. L'Europe et l'Euro (qui abolit le droit régalien de battre monnaie comme attribut premier de la souveraineté) ne peuvent conduire, (par une rivalité sans frein pour augmenter la compétitivité) qu'à un nivellement par le bas des salaires et des prestations sociales afin d'abaisser les prix de revient entre économies concurrentes.

    A partir de là, recouvrer la liberté d'établir des rapports radicalement nouveaux avec le tiers-monde, avec l'objectif précis d'encourager d'autres peuples européens à s'engager dans la même voie:

    1 -- Annulation totale de la dette qui n'a ni fondement historique ni justification
    2 -- Suppression de toute aide financière aux gouvernements du Tiers Monde
    Par exemple: quarante milliards de francs au développement, c'est le montant du budget de l'aide publique de la France, dont l'objectif officiel est le soutien accordé aux plus pauvres de la planète. A 95% cette masse d'argent n'est pas de l'aide, et ne fait pas de développement. Au mieux, elle vide les poches des contribuables et remplit celles de quelques bénéficiaires gouvernementaux, (au Nord et au Sud); au pire elle tue.
    Derniers exemples de ce à quoi elle a servi:
    -- Au Rwanda, à financer le gouvernement des tueurs tant qu'on a pu le maintenir en place, puis à financer l'opération Turquoise pour leur faciliter le passage au Zaïre, pour préparer leur revanche.
    3 -- Prêts publics ou privés accordés non pas aux gouvernements, mais directement aux organisations de base. (coopératives, syndicats, groupements de producteurs -- parfois à susciter), et pour des projets précis d'utilité publique, en priorité pour les régions agraires avec, pour objectif, l'autosuffisance alimentaire (équipements agricoles, forage de puits, construction de routes, hôpitaux, écoles, etc...)
    4 -- Accepter que le remboursement de ces prêts soit fait, pour l'essentiel, en monnaie du pays (pour encourager le réinvestissement sur place au lieu du rapatriement prédateur des bénéfices) ou en nature.
    5 -- Procéder à une indexation honnête des prix des produits vendus par les pays du Sud avec les prix des produits vendus par les pays du Nord.
    6 -- Contre le gigantisme d'entreprises visant surtout aux investissements des grandes sociétés, respecter l'histoire, les cultures de chaque peuple et l'utilisation la plus large possible des techniques autochtones souvent plus appropriées et plus efficaces que les transferts de technologie parce qu'adaptées aux besoins locaux. Le développement sera ainsi endogène au lieu d'être un placage, sans rapport avec le pays et ses besoins réels, d'un modèle occidental importé selon les intérêts de grandes entreprises étrangères.
    Cette nécessaire reconversion industrielle pour répondre aux besoins réels du Sud, peut induire, à terme, une conversion de nos mentalités en favorisant ce qui répond aussi à nos besoins réels et non aux armements et aux gadgets.

    B Pour un nouveau Bandoeng

    Pour que le XXIe siècle marque la fin de la préhistoire animale de l'homme, où, dans un monde cassé, la richesse d'une infime minorité implique la dépendance, l'exploitation ou la mort de la plus grande partie de l'humanité;

    1 -- La renaissance de l'unité humaine ne peut se faire, comme le fut sa rupture, seulement par la violence et les armes, mais par toutes les forces proprement humaines: de l'économie à la culture et à la foi.

    2 -- La faiblesse des actuels peuples opprimés est, pour une large part, due à leur division, par des oppositions et des guerres suscitées et entretenues par les actuels maîtres du monde. La première tâche est donc de mettre fin, par la négociation pacifique, à tous les conflits, qui font le jeu des oppresseurs.

    3 -- Refuser collectivement de payer les prétendues dettes au F.M.I. et ceci pour 3 raisons:

    a -- Qui est le débiteur?

    L'Occident a une terrible dette a l'égard du tiers-monde:

    Qui a remboursé aux Indiens d'Amérique le rapt de tout leur continent?

    Qui fera réparation à l'Inde ancienne, exportatrice mondiale de textile, pour les millions de tonnes de coton enlevés aux cultivateurs à des prix de racket, et pour la destruction de l'artisanat des tisserands indiens au profit des grandes firmes du Lancashire?

    Qui rendra à l'Afrique la vie des millions de ses fils les plus robustes, déportés comme esclaves aux Amériques par les négriers occidentaux pendant trois siècles?

    b -- Quelle est la cause de cet endettement?

    Les pays anciennement colonisateurs avaient déstructuré les économies autochtones, en particulier en sacrifiant les cultures vivrières au profit des monocultures et des monoproductions qui en faisaient des appendices des économies de la métropole, au profit exclusif de celles-ci. De telles économies ne pouvaient assurer l'indépendance de ces pays, ni l'autosuffisance alimentaire, ni la main d'oeuvre d'industries ne correspondant pas aux besoins du pays. La dépendance a donc continué, et les emprunts devinrent inévitables.

    c -- Ces dettes ont été remboursées depuis longtemps par les intérêts usuraires payés aux prêteurs étrangers.

    Refuser donc d'être rançonnés et de les payer au F.M.I.

    Refuser également les aides dérisoires destinées à masquer cette injustice plusieurs fois centenaire.

    Constituer, avec la suppression de la dette et de ses intérêts, un fonds de solidarité qui compensera largement l'aide prétendue.

    4 -- S'opposer à tous les embargos imposés arbitrairement, par les provisoires maîtres du monde, aux pays qui refusent leur domination.

    N'en tenir désormais aucun compte, et commercer librement avec ceux de nos frères qui en sont frappés.

    5 -- D'une manière plus générale multiplier les échanges Sud-Sud entre les pays qui détiennent 80% des ressources naturelles du monde.

    Procéder à ces échanges sur la base du troc pour ne point passer par les devises du Nord et notamment du dollar, en veillant à ce que, progressivement, pour mettre fin à la spéculation, il n'ait plus cours mondial.

    6 -- Ceci implique un boycott systématique des Etats-Unis et de leurs vassaux notamment d'Israël, mercenaire de l'Occident contre les cultures autochtones et contre la paix.

    -- En finir avec les hégémonies économiques comme avec leurs agressions culturelles.
    -- Lutter aussi contre l'anticulture des Tyranosaures et des Terminators d'Hollywood, comme de leurs gadgets, et de toutes les manifestations morales ou matérielles de leur décadence.

    7 -- Ceci implique, sur le plan politique, le retrait collectif de toutes les institutions à prétention universelle devenues les instruments de la domination d'un seul et servant de couverture à ses agressions militaires, économiques ou culturelles: O.N.U., F.M.I., Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce, et de celles de leurs filiales qui se font, comme elles, complices d'une domination impériale du monde et d'une conception réductrice de l'homme, considéré seulement comme consommateur et producteur, mû par son seul intérêt, et renonçant à donner à l'homme un autre sens à sa vie que de travailler en esclave pour consommer davantage, quand il n'est pas chômeur, colonisé, ou exclu.

    8 -- Les menaces ou les agressions contre l'un quelconque des pays membres, seront combattues, par tous les moyens, par l'ensemble de la communauté mondiale.

    9 -- Cette communauté mondiale, visant à la création d'un monde à visage humain, ne comporte aucune exclusive, ni religieuse, ni politique, car son objectif est de créer une unité non plus impériale mais symphonique de l'humanité où chaque peuple et chaque communauté apportera les richesses propres de sa terre, de sa culture et de sa foi.

    Elle est donc ouverte aussi bien aux Etats officiels, qu'aux minorités opprimées, à la seule condition qu'elles réalisent en chaque pays leur unité sur la base de ces principes.

    Le premier Bandoeng avait pour objet, dans un monde bipolaire, de refuser l'alignement sur l'un des deux blocs pour sauvegarder son indépendance. Cet idéal demeure.

    Mais les conditions historiques ont changé. Nous vivons dans un monde unipolaire, et nous avons à défendre nos identités, de la culture à l'économie, contre l'intégrisme niveleur des prétendants à la domination mondiale par le seul jeu d'un monothéisme du marché, en faisant du marché, c'est à dire de l'argent, le seul régulateur des relations sociales.

    Nous refusons cette vision du monde sans l'homme, d'une vie sans projet humain ni signification, et nous nous unissons pour construire un monde Un, riche de sa diversité et assuré de son avenir par la convergence des peuples et des cultures dans une foi commune, nourrie de l'expérience et de la culture de chacun, et animée par le projet commun de donner à chaque enfant, à chaque femme, à chaque homme, quelle que soit son origine et sa tradition propre, tous les moyens de déployer pleinement toutes les possibilités humaines qu'il porte en lui.

    * * *

    Enfin il est absolument nécessaire, dans un monde où l'argent gagné par la spéculation (sur les prix des matières premières, sur les valeurs différentes des devises, sur les produits dérivés, etc.) est plus de quarante fois supérieur à celui que l'on pourra gagner -- à plus long terme -- par une économie réelle, productive de biens et de services (par exemple les investissements destinés à développer les infrastructures, des entreprises répondant aux besoins fondamentaux, aux transports pour assurer les échanges) d'instituer un contrôle rigoureux des changes. Cela suppose que chaque peuple recouvre son autonomie pour planifier ses besoins et ses échanges. C'est indispensable pour que les sommes gigantesques, engagées dans les opérations spéculatives stériles cinq milliards d'habitants de la planète, et mettant ainsi fin au chômage de millions d'hommes et de femmes à travers le monde. Car, répétons-le, ils sont réduits au chômage pour deux raisons fondamentales:

    1 / -- parce que la cassure du monde rend insolvable plus d'un tiers de la population du globe.
    2 / -- parce que les capitaux investis dans la spéculation, sont détournés des investissements dans une économie réelle répondant aux besoins de tous.

    (à suivre)

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2007/09/30/6373348.html

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    Jeudi 14 août 2008


    Appel aux vivants





    Roger Garaudy

    Il a écrit une cinquantaine d'ouvrages,
    dont :

    • Le communisme et la renaissance de la culture française (1945)
    • Les sources françaises du socialisme scientifique (1948)
    • Le manifieste du parti communiste: révolution dans l’histoire de la pensée socialiste (1952)
    • Théorie matérialiste de la connaissance (1953)
    • Mesaventures de l’anti- marxisme. Les malheurs de M. Ponty (1956)
    • Humanisme marxiste (1957)
    • Questions à Jean-Paul Sartre, précédées d’une lettre ouverte (1960)
    • Dieu est mort, PUF, Paris (1962)
    • Qu’est-ce que la morale marxiste? (1963)
    • Karl Marx, Seghers, Paris (1965)
    • Marxisme du XXe siècle, La Palatine, Paris-Genève, 1966
    • Le Problème chinois (1967)
    • Lénine, PUF, Paris (1968)
    • Pour un réalisme du XXe siècle. Etude sur Fernand Léger (1968)
    • Pour un modèle Français du Socialisme (1968)
    • Le Grand tournant du socialisme, Gallimard, Paris (1969)
    • Marxistes et chrétiens face à face, en collaboration avec Q. Lauer, Arthaud,Paris, 1969
    • Toute la vérité (1970)
    • Reconquête de l'espoir, Grasset, Paris (1971)
    • L’Alternative, Robert Laffont, Paris, 1972
    • Parole d'homme (1975)
    • Le projet espérance, Robert Laffont, Paris, 1976
    • Pour un dialogue des civilisations Denoël (1977)
    • Appel aux vivants, Éditions du Seuil, Paris (1979)
    • L’Affaire Israël (1980 environ)
    • Appel aux vivants (1980)
    • Promesse d'Islam (1981)
    • Pour l'avènement de la femme, Albin Michel, Paris (1981)
    • Biographie du XXe siècle, Tougui, Paris, 1985
    • Les Fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants, L'Archipel, Paris, 1992
    • Mon tour du siècle en solitaire, mémoires, Robert Laffont, Paris (1989)
    • Intégrismes (1990)
    • Les Orateurs de la Révolution française (1991)
    • À Contre - Nuit (1992)
    • Avons-nous besoin de Dieu ?, introduction de l'abbé Pierre, Desclée de Brouwer, Paris (1993)
    • Souviens-toi : brève histoire de l'Union soviétique, Le Temps des cerises, Pantin (1994)
    • Vers une guerre de religion ? Débat du siècle, Desclée de Brouwer, Paris (1995)
    • L'Islam et l'intégrisme, Le Temps des cerises, Pantin (1996)
    • Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, Librairie du savoir, Paris (1996)
    • Grandeur et décadences de l'Islam, Alphabeta & chama, Paris (1996)
    • Mes témoins, Editions A Contre-Nuit, Paris, 1997
    • Les Etats-Unis avant-garde de la décadence, Editions Vent du Large, Paris, 1997
    • Le Procès de la liberté, en collaboration avec J. Vergès, Vent du large, Paris, 1998
    • L’Avenir, mode d'emploi, Vent du large, Paris, 1998 http://abbc.net/garaudy/french/avenir/index.htm
    • L'Islam en Occident, Cordoue capitale de l'esprit, L'Harmattan, Paris (2000)
    • Le Terrorisme occidental, Al-Qalam, Luxembourg, (2004)


    Biographie [modifier]

    Protestant dans sa jeunesse, tandis que son père était athée et sa grand-mère maternelle fervente catholique, Roger Garaudy se revendique volontiers comme polémique et hérétique. Alors qu'il suit des études universitaires, il devient membre du Parti communiste français en 1933. Il est reçu cinquième à l'agrégation de philosophie en 1936. Mobilisé en 1939, il est prisonnier de 1940 à 1942 dans les camps vichystes d'Afrique du Nord (camp de Djelfa, Algérie). Devenu membre du Comité central du Parti (1945), il est élu député communiste du Tarn (1945-1951), puis de la Seine (1956-1958), et sénateur de Paris (1959-1962). C'est à l'époque de sa députation qu'il rencontre et se lie d'amitié avec l'abbé Pierre, également député au sortir de la guerre.

    Directeur du Centre d'études marxistes, il en fut pendant des années le philosophe officiel du Parti, auteur notamment d'une thèse sur La Liberté à l'université de Moscou, sous Staline avant d'en être exclu en juin 1970, époque où il était en dissidence marxiste, proche des idées de Mai 68. Il devient alors catholique avant de se convertir en 1982 à l'islam.

    Il est l'auteur d'une cinquantaine de livres, traitant particulièrement de l'histoire et des grandes figures du communisme et de la religion.

    Titulaire d'un doctorat de philosophie avec une thèse sur la Théorie matérialiste de la connaissance (Sorbonne, 1953), il enseigna à l'université de Clermont-Ferrand, où il s'attira les foudres de Michel Foucault, qui le poursuivait de ses sarcasmes et le poussa à la démission, comme le raconte Didier Eribon dans la biographie de Foucault.

    Roger Garaudy a créé sa propre fondation en Espagne à Cordoue : fondation Roger-Garaudy. Elle est abritée dans la Tour de la Calahorra. À l'intérieur, on découvre plusieurs personnages qui retracent l'histoire de l'Islam à Cordoue à la fin du Moyen Âge.

    Alors qu'on prétend qu'il vit dans un pays arabe ou en Espagne, Roger Garaudy a déclaré vivre en banlieue parisienne lors de l'émission Second regard, diffusée le 28 janvier 2007 sur Radio-Canada, qui l'interrogeait sur l'amitié qui le liait à l'Abbé Pierre.

    En 2002, il reçoit le prix Kadhafi des droits de l'Homme de la Libye.

    Condamnation pour Les Mythes fondateurs de la politique israélienne [modifier]

    Roger Garaudy est l’auteur d’un ouvrage intitulé Les mythes fondateurs de la politique israélienne, qui fut publié en 1995 par les éditions La Vieille Taupe qui ne le servit qu'à ses propres abonnés, puis réédité en 1996. Cet ouvrage, se compose de trois chapitres principaux : « Les mythes théologiques », « les Mythes du XXe siècle » et « l'utilisation politique du mythe ».

    Il soutient la thèse négationniste d'un complot sioniste, qui aurait inventé la Shoah pour justifier l'expansionnisme israélien, nie donc le génocide commis par les nazis contre les Juifs, et rejette les thèses que les historiens ont admis depuis des décennies. Il adopte ainsi les thèses fondamentales du négationnisme : Hitler n'aurait pas donné l'ordre de l'extermination ; le mot extermination serait une fausse traduction et désigne en fait l'expulsion des Juifs ; les juifs furent décimés par le typhus et les crématoires servaient à brûler les cadavres des victimes de la maladie ; il n'y aurait pas de témoins fiables ; les crimes des Alliés seraient pires que ceux des nazis ; les chambres à gaz n'existeraient pas ; des tortures auraient été infligées aux prisonniers nazis pour leur faire avouer le génocide ; théorie du complot juif, absence prétendue de réfutation des thèses du négationnisme, impossibilités matérielles liés au Zyklon B et au fonctionnement des crématoires. L'antisionisme radical de Roger Garaudy l'avait conduit, dès 1982, à placer sur le même plan sionisme et nazisme.

    L'« affaire Garaudy » est d'abord révélée par Le Canard enchaîné en janvier 1996, suivi par quelques quotidiens nationaux, entraînant contre lui, le dépôt de plusieurs plaintes avec constitution de partie civile pour contestation de crime contre l'humanité, diffamation publique raciale et provocation à la haine raciale par des associations de résistants, de déportés et des organisations de défense des droits de l’homme. Puis, le scandale est médiatisé en avril 1996, lorsque Roger Garaudy et son avocat Jacques Vergès, annoncent le soutien de l'abbé Pierre, qui est exclu de la Licra et est contraint de s'éloigner de la vie médiatique. Converti à l’islam depuis le début des années 1980, Roger Garaudy avait aussi reçu pendant le procès le soutien d’intellectuels de pays arabes et musulmans.

    suite à

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Garaudy

    Mon opinion : Le négationnisme est intolérable.
    La Shoah des Juifs est un fait historique indiscutable, et intolérable.
    Reste que Garaudy a le droit d'exprimer ses opinions,  cela fait avancer le débat, tout débat étant légitime en tant que tel, et on n'a pas le droit de condamner, à cause de ce négationnisme non défendable, Garaudy tout  entier, car il a écrit une oeuvre immense, ses engagements humanistes, notamment pour le dialogue des civilisations, sont avérés et remarquables. Pour ma part, j'aime ces mots (titres de livres écrits par lui) :

    • Parole d'homme (1975)
    • Le projet espérance, Robert Laffont, Paris, 1976
    • Pour un dialogue des civilisations Denoël (1977)
    • Appel aux vivants, Éditions du Seuil, Paris (1979)
    • Pour l'avènement de la femme,
    • etc...

    Un homme, une oeuvre, assurément à découvir, en formulant les réserves qui s'imposent.

    Eva, humaniste pour le dialogue des civilisations et résistante à l'intolérable


    Ses Mandats politiques [modifier]

    Député du Tarn
    • 21/10/1945 - 10/06/1946 : Tarn - Communiste
    • 02/06/1946 - 27/11/1946 : Tarn - Communiste
    • 10/11/1946 - 17/04/1951 : Tarn - Communiste
    Député de la Seine
    • 02/01/1956 - 08/12/1958 : Seine - Communiste
    Sénateur de Paris

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    Jeudi 14 août 2008




    Une si chaleureuse humanité


    Luc Collès
    , professeur à l'Université Catholique de Louvain, et qui me fait l'honneur et l'amitié de livrer sur ce blog des articles de haute tenue inédits en général sur la toile, m'a envoyé un commentaire au précédent message concernant le livre de Roger Garaudy "Parole d'homme". Ce commentaire, auquel je m'associe sans réserves, mérite la "une" du blog. Le voici:

    Cet article, relatif au même ouvrage "Parole d'Homme", complète admirablement le mien, intitulé "Le bonheur selon Garaudy":
    Je remercie mon presque homonyme pour son témoignage. Nous avons, sur ce blog, une véritable anthologie de la pensée de Garaudy au point de pouvoir nous faire une idée de sa personnalité complexe.

    Voici ce que j'écrivais à l'auteur le 3 novembre 2003:
    "Vos réflexions ont toujours trouvé en moi un écho très profond. Vous m’aidez à vivre et à penser et je vous en suis infiniment reconnaissant. Je continuerai à parler de vous autour de moi en combattant les préjugés ou les idées fausses qui circulent à votre sujet. Tôt ou tard, on se rendra compte de votre fidélité à vos engagements en faveur d’un monde plus juste, plus humain et ouvert à la transcendance."

    A l'heure où nous savons Garaudy affaibli et malade, ayons pour lui une pensée amicale et remercions-le pour sa si chaleureuse humanité.

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2008/08/01/10094561.html

    Le bonheur selon Garaudy.

    Par Luc Collès

     

    « Le règne de Faust  a pris fin en mai 1968 : l?homme croit de moins en moins que le bonheur s'identifie avec la puissance et la possession. Son projet de bonheur est de moins en moins lié à la promesse de Descartes d'une « science qui nous rend maîtres et possesseurs de la nature ».

         Ses rêves ou ses projets de bonheur sont de plus en plus liés à un art de vivre de nouveaux rapports avec la nature, avec les autres hommes, avec l'avenir et le transcendant.

          De nouveaux rapports avec la nature qui ne soient plus des rapports de conquérants mais d'amoureux. Rousseau retrouve, à travers Illich, de nouveaux disciples. Le paysage chinois de l'époque Song, où l'homme appartient à la nature et non la nature à l'homme, est plus près de notre sensibilité que les grandes constructions de l'humanisme de la Renaissance, avec ses condottieri, ses princes, ou ses banquiers, dont les portraits n'utilisent la nature que comme un décor lointain. Le masque africain, rendant visible l'invisible, nous est plus proche et fraternel que la reconstruction possessive du monde dans l'art classique, et la musique concrète nous aidant à nous unir ou à nous fondre avec l'univers ambiant exerce parfois plus d'attirance que les grandes harmonies en lesquelles s'exprimait la domination sans partage de l'esprit humain. Le bonheur, c'est cette participation au tout qui m'habite et fermente en moi. Le bonheur, c'est quand la nature entière est devenue mon corps.

            De nouveaux rapports avec les autres hommes qui ne soient ni l'individualisme de jungle ni le carcan totalitaire, mais des rapports de communauté et d'amour.  Ce besoin fraternel se traduit par la constitution de multiples communautés de base. Ce besoin d'amour s'exprime parfois de façon pervertie, lorsque Sade retrouve à son tour, à travers Freud, de piètres émules dans l'érotisme du cinéma et de la drogue. Il témoigne, en revanche, d'une aspiration nouvelle au bonheur dans l'amour de l?autre, lorsque l'autre n?est pas la limite de ma liberté, mais au contraire sa condition, lorsqu'il est non pas une réalité extérieure, mais cette partie de moi-même qui me manque et qu'il m'appelle à être. Le bonheur, c'est d'abord l'amour. La plénitude sexuelle entre un homme et une femme, lorsqu'elle est portée par tout le sens de leur vie, en est l'image la plus immédiate et la plus belle.

          De nouveaux rapports avec l'avenir et le transcendant, des rapports qui ne seraient plus ceux de la simple extrapolation quantitative, technologique, des moyens, à la manière de la « futurologie » positiviste, mais invention du futur. La transcendance n'est pas seulement dépassement et rupture, mais découverte de possibles nouveaux, que je cherche et crée par mon propre effort, en même temps que je l'accueille comme un don (certains diront une « grâce »). Les sagesses de l'Orient et de l'Afrique, du Tao, du Zen, du Yoga, de la danse liturgique, nous ont appris que le bonheur commençait avec la dépossession de soi, avec l'abandon de nos individualismes illusoires, de nos dualismes destructeurs, et avec la communion avec le tout. Un authentique dialogue des civilisations avec les non-Occidentaux est la condition première de notre dépassement des conceptions occidentales, faustiennes, du bonheur, des conceptions dualistes qui nous mutilent : ni le corps ni l'esprit ne peuvent être joyeux séparément.

          Le bonheur, c'est cette création, la participation à la création continuée d'un homme toujours plus un, d'un monde toujours plus humain. » (Roger Garaudy, Parole d'homme, Paris, Laffont, 1975)


    LE BONHEUR SELON GARAUDY :
    POUR UN DIALOGUE
    DES CIVILISATIONS
     


    « N'est condamnable que ce qui existe isolément: dans le tout, tout se résout et s'affirme. Il ne nie plus mais une telle croyance est la plus haute de toutes les croyances possibles ; je l'ai baptisé du nom de Dionysos. »
                   NIETZSCHE, Le Crépuscule des idoles.

        A la fin du XVIe siècle déjà, Christopher Marlowe, dans sa Tragique histoire du docteur Faust, donnait le mot d'ordre de la civilisation occidentale : « Faust, par ton cerveau puissant, deviens un Dieu, le maître et le seigneur de tous les éléments. » C'était, avec un demi-siècle d'avance, la promesse de Descartes d'une « science qui nous rende maîtres et possesseurs de la nature ».

    L?homme unidimensionnel

        Dans toute son oeuvre, Roger Garaudy dénonce les fondements d'une telle civilisation. Les Occidentaux considèrent que l'individu est le centre et « la mesure de toutes choses » (Protagoras) ; ils réduisent la réalité au concept (« Je pense, donc je suis ») et érigent en valeurs suprêmes  la science et les techniques comme moyens de manipuler les hommes et les choses. Ce modèle faustien s'est surtout développé depuis la Renaissance, laquelle n'est pas seulement un phénomène culturel, mais aussi la naissance conjointe du capitalisme et du colonialisme. C'est à cette époque que se crée l'homme unidimensionnel qui nie les autres manières de penser et de vivre le rapport de l'homme avec la nature, avec les autres hommes et avec le divin.

        Du XVIe siècle à la fin du XXe siècle, le développement du monde occidental a reposé sur trois primautés : celle de l'action et du travail (« C'est en agissant sans relâche que l'homme déploie toute sa grandeur », dit le Faust de Goethe), celle de la raison (l'esprit étant réduit à la seule intelligence) et celle de la croissance vue en termes quantitatifs (production de besoins artificiels et des moyens de les assouvir). Pour Roger Garaudy, un tel modèle ne pouvait conduire qu'à la crise que nous connaissons aujourd?hui.

        Des visions du monde holistiques

        « Le bonheur » est un des vingt thèmes que le philosophe aborde dans son essai Parole d'homme (Laffont, 1975). En exergue à la rubrique consacrée à ce sujet, il évoque Dionysos qui, dans la pensée de Nietzsche, est opposé au rationalisme et à la métaphysique socratique, lesquels n'ont cessé de déformer la réalité en en privilégiant certaines composantes. Garaudy affirme ensuite avec force une de ses convictions fondamentales : la création d'un avenir heureux exige que soient retrouvées les dimensions de l'homme développées dans les cultures non occidentales. Comprendre la vie, c'est d'abord la saisir dans son unité. Plus tard, il développera cette thèse dans Pour un dialogue des civilisations (Denoël, 1977) et dans Appel aux vivants (Seuil, 1979) en témoignant de l'expérience planétaire qui l'a conduit à cette certitude et en présentant un projet politique concret.

        Ainsi évoque-t-il la vision dialectique et non logico-mécanique de la pensée chinoise : l'action réciproque des principes du Yang et du Yin implique une conception complexe de l'action et de la réaction, à l'intérieur d'une totalité unique des phénomènes. Le bonheur ne peut être atteint par l'individu considéré séparément. Il ne peut résulter que d'une prise de conscience de l'appartenance au Tout.

        Les religions de la Chine et du Japon ont enseigné à l'homme cette fusion de tous les éléments avec le grand Tout. Le taoïsme exige l'insertion dans le principe universel qu'il saisit par une connaissance intuitive, par une contemplation au terme de laquelle se concrétise l'union de l'homme et de la nature. Le bouddhisme qui, de l'Inde, gagnera massivement l'ensemble de l'Asie, enseigne que l'homme ne mettra fin à ses souffrances qu'en renonçant au désir et au plaisir et en se fondant dans l'éternité comme une tasse d'eau versée dans la mer. L'école bouddhisteTch'an (Zen, en japonais) met l'accent sur la nécessité de libérer l'esprit afin qu'il puisse accueillir l'illumination.

        Une ouverture à la transcendance

        Pour les peintres chinois de l'époque Song (de 960 à 1278), la nature n'est pas une matière inerte dont on cherche à se rendre maître. L'univers forme un tout animé d'un même mouvement de vie, englobant aussi bien la rivière que les sommets des montagnes, l'arbre que les rochers, les nuages que l?oiseau, et l'homme n'est qu'un moment de ce cycle éternel. La peinture est un médium de l'expérience zen. Contrairement à nos tableaux de la Renaissance, l'artiste ne cherche pas à représenter un spectacle, mais à communiquer un état d'âme de la nature. Il saisit les lignes de force d'un paysage et en compose le yin et le yang, les contrastes et les tensions.

        L'art africain tente, lui aussi, de « rendre visible l'invisible » (l'expression est de Paul Klee). Au contraire de l'art grec, qui part de l'individuel pour en extraire les lignes essentielles, le créateur africain part de son expérience vécue du grand Tout pour donner une forme concrète à ses talismans. Un masque, par exemple, doit être avant tout considéré comme un condensateur d'énergie. La force qu'il contient et qu'il dégage a pour sources la nature, les ancêtres et les dieux. Les oeuvres africaines n'ont pas été créées pour la contemplation. Ce sont des objets de participation destinés à l'acomplissement de cérémonies rituelles. Quand les Africains dansent avec leurs masques, ils y puisent une énergie qu'ls irradient dans toute la communauté.

        L'art musulman appelle des remarques analogues à celles que Garaudy fait à propos des arts de la Chine, du Japon ou de l'Afrique:à partir du sens pour déchiffrer le signe.La conception islamique du monde n?incite pas à la représentation réaliste. Pour elle, toute image détourne le croyant de la prière pure, l'amène à perdre conscience de l'unité de Dieu. Ainsi, la mosquée est-elle décorée des versets du Coran. Le développement de la calligraphie s'explique d'ailleurs par le caractère même de l'Islam, religion centrée sur un texte sacré, parole de Dieu dont Mohamed n'est que le messager.

        L'amour véritable

        Pour les civilisations non occidentales, la clé du bonheur réside dans l'harmonie des rapports que l'homme noue avec le transcendant à travers la nature : « Le bonheur c'est cette participation au tout qui m'habite et fermente en moi. Le bonheur, c'est quand la nature entière est devenue mon corps. » Mais cette harmonie se retrouve aussi dans les liens que l'homme tisse avec ses semblables, liens « qui ne soient ni l'individualisme de jungle ni le carcan totalitaire, mais des rapports de communauté et d'amour ». Dans Parole d'homme, la rubrique que Garaudy consacre à l'amour complète donc ce qu'il nous dit du bonheur.

       
    L'amour véritable doit lui aussi se concevoir comme un tout. L'intellectualisme occidental l'a défiguré en distinguant le sensible et l'intelligible. Dans l'amour platonique, l'autre n'est que la métaphore ou le signe d'autre chose, un instrument pour accéder à la sphère du Bien. Certes, le christianisme a complètement inversé cette perspective en montrant l?amour divin qui s'incarne, mais il va bien vite être perverti par le dualisme grec, en se méfiant du corps et de la sexualité. Et le rejet des tabous qui a marqué la génération de 1968 n'a fait que réduire l'homme à sa dimension zoologique?

        Par contre, dans les sagesses orientales, l'amour total ne sépare pas le corps et l'âme qui ne sont que les deux facettes de l'unité humaine. Il s'agit d'un langage  où, comme dans la danse, l'on s'exprime avec tout son être, et pas seulement par la bouche (des paroles), c'est-à-dire une partie seulement de son corps. L'union des sexes apparaît alors comme la célébration de la plus profonde relation humaine : celle de n'exister pleinement que dans le dialogue avec l'autre.

        Dans cet accueil de l'autre, notre centre de gravité se déplace : nous sommes conviés à sortir de nous-même, à dépasser nos propres forces, à donner cette chose en nous que nous ne connaissons pas. L'amour est le contraire de la jalousie, corollaire de la possession ; il permet à l'autre de s'épanouir selon sa propre loi. L'expérience amoureuse nous ouvre donc aussi à la transcendance : elle nous fait prendre conscience de nos limites et de notre pouvoir de les franchir. Nous devenons ainsi autre par la révélation de l'autre.

        Un dialogue à poursuivre et à amplifier

        Pour  Garaudy, le véritable dialogue des civilisations ne fait que commencer.

    La rencontre avec les arts non occidentaux, de la fin du XIXe siècle à nos jours, a déjà conduit l'occidental à s'engager sur des voies nouvelles. C?est ce qui explique qu'il soit touché aujourd'hui par un paysage chinois de l'époque Song, par un masque africain ou encore par un morceau de musique concrète, à base de sons naturels. Dans ces trois cas, il participe à l'émotion de l'artiste qui vit à l'unisson de l'âme cosmique. Le domaine artistique est particulièrement emblématique d'une fécondation qui doit s'approfondir.

        Dans la rubrique « Bonheur » de Parole d'homme, le philosophe évoque encore deux domaines concrets où peut s'affirmer une conception holistique des rapports que l'homme noue avec ses semblables et avec le monde : la vie associative et la pédagogie.

        Dans Appel aux vivants, il soulignera le rôle politique des communautés de base, cellules vivantes constituées contre la double désintégration de l'individualisme et du totalitarisme. Quant aux références pédagogiques de Garaudy, elles sont datées : les théories rousseauistes d'Ivan Illich (Une société sans école, 1971) que préfigurait déjà la pédagogie libertaire de Neill (Libres Enfants de Summerhill, 1972, trad. De « A Radical Approach to Child Rearing » qui date de 1960) se situent dans la droite ligne de la révolution de 1968 et ont une portée limitée en ce sens qu'elles méconnaissent le poids de l'héritage familial et demeurent implicitement réservées à une élite sociale. Néanmoins, par leur caractère utopique, elles postulent une société plus humaine où l'éducation viserait l'épanouissement de l'individu dans sa globalité. Et en cela, elles gardent toute leur pertinence.

        Pour une pédagogie interculturelle

        Mais pour l'éducateur d?aujourd'hui, c'est toute la pensée de Garaudy elle-même qui a une visée didactique. C'est une pédagogie interculturelle que recommanderait le philosophe s'il avait à faire oeuvre de pédagogue.De ce point de vue, une fois encore, les ouvrages ultérieurs seront plus explicites : « c'est en saisissant, avec les convergences et les complémentarités possibles, les différences irréductibles, que nous parviendrons à reconnaître en l'autre sa spécificité, et, par là même, à enrichir et à approfondir notre propre culture, à nous convertir, à l'intérieur de notre propre conviction, à une foi rendue, par la confrontation, plus consciente de ce qui lui est proche, plus riche de dimensions parfois oubliées. » (Appel aux vivants, p.223)

        Ce que souhaite donc l'auteur, c'est que l'accent soit mis sur l'enrichissement que pourraient apporter à l'homme les valeurs dont sont porteuses les autres cultures que la sienne. Or, l'objectif de la pédagogie interculturelle consiste précisément à fournir aux élèves des outils d'analyse pour les aider à rendre moins étranges leurs comportements respectifs, à mieux prendre conscience de leur identité propre et à percevoir plus correctement l'originalité de la culture d'autrui tout en en mesurant mieux les particularités.

        Cette approche interculturelle est donc destinée à valoriser ce qui est propre à chacun en corrigeant ses « cribles » culturels. On ne voit le monde qu'à travers soi ; on n'appréhende la culture d'autrui qu'à travers la sienne propre : l'expérience quotidienne le montre, et la littérature, au moins depuis Les Lettres persanes de Montesquieu et L'Ingénu de Voltaire, le confirme. Il s'ensuit des risques de déformation : la mosquée sera prise pour une église, et l'église pour une mosquée. Attitude qui prépare à l'ethnocentrisme, source de racisme.

        Si, en effet, un élève ignore la culture de l'autre, il ignore encore davantage la sienne propre : celle-ci se confond dans son esprit à un ordre naturel. (« Séparés des autres nations par les lois du pays, ils ont conservé leurs anciennes coutumes avec d'autant plus d'attachement qu'ils ne croyaient pas qu'il fût possible d'en avoir d'autres », dit Montesquieu des Moscovites ; « La coutume est une seconde nature », explique Montaigne). En travaillant à partir du principe de la confrontation, on permettra à cet élève de découvrir l'autre et en même temps de se découvrir lui-même à travers l'autre.

        La pensée de Garaudy débouche donc sur une approche à la fois comparatiste et anthropologique. En didactique, une telle démarche ouvrira l'espace de la classe à de nouveaux rapports avec la nature, avec les autres hommes et avec le transcendant. Confronté, à travers les autres cultures, à une conception holistique du monde, l'élève occidental sera invité à prendre conscience de ses richesses, mais aussi de ses manques. Un tel dialogue, surtout s'il s?approfondit durant toute la vie, devrait lui conférer un sentiment de plénitude, c'est-à-dire LE BONHEUR.

        Luc Collès in L. Collès et al., Passions de lecture, Bruxelles, Didier Hatier, 1997


    Professeur ordinaire
    Université catholique de Louvain
    Département d'Etudes romanes
    1, place B. Pascal
    B - 1348 Louvain-la-Neuve
    Belgique
    Tél. 00-32-(0)-10/47.48.63
    Fax. 00-32-(0)-10/47.25.79
    luc.colles@uclouvain.be
    http://www.fltr.ucl.ac.be/FLTR/ROM/CEDILL/bienvenue/personnes/colles.htm
    http://cedefles.fltr.ucl.ac.be

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2007/11/16/6892084.html




    Biographie de Roger Garaudy

    Intellectuel protestant, puis communiste stalinien, puis marxiste dissident, puis catholique et enfin musulman, Roger Garaudy a écrit une cinquantaine d'ouvrages notamment 'Dieu est mort', 'Le Grand tournant du socialisme' et surtout 'Les Mythes fondateurs de la politique israélienne' qui fut à l'origine d'une grande polémique. Dans ce pamphlet qui se voulait révolutionnaire, l'auteur expose une thèse négationniste : il mettait en cause la réalité de la Shoah, évoquée comme une invention destinée à financer et à légitimer la création de l'État d'Israël. Il avait à l'époque eu le soutien de l'abbé Pierre. Il fut condamné le 17 février 1998 pour 'diffamation raciale' et 'contestation de crime contre l'humanité'.


    http://www.evene.fr/celebre/biographie/roger-garaudy-16833.php

     bibliographie de Roger Garaudy

    Appel aux vivants

    de Roger Garaudy
    L'auteur a voulu construire une réflexion sur le gaspillage des ressources naturelles et l'escalade des techniques de destruction violente : remontant aux cinq grandes sagesses de l'histoire du monde, Garaudy se targue d'intuitions prophétiques [...]


    de Michaël Prazan et Adrien Minard

    [Biographie]

    Roger Garaudy tient du caméléon, tant il a changé de couleur au cours de sa longue vie d'intellectuel engagé. Né à Marseille en 1913 dans une famille de petits employés (qu'il a repeint plus tard en famille ouvrière pour les besoins de sa [...]

    Les célébrités liées à Roger Garaudy

     

    Abbé Pierre

    Abbé Pierre

    Religieux et intellectuel français
    Né à Lyon le 5 Août 1912
    Décédé à Paris le 22 Janvier 2007

    Cinquième né d'une famille aisée de huit enfants, Henri Grouès a quinze ans lorsqu'il ressent un appel indescriptible et entre en 1930 au couvent des capucins où il reçoit le nom de frère Philippe. Ordonné prêtre en 1938, il est vicaire à la cathédrale de Grenoble. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il crée des maquis en Chartreuse et dans le Vercors, et aide plusieurs personnes à passer [...]

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    Dominique Desanti

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    Romancière et historienne française

    Fille d'un émigré russe ami de George Clemenceau, Dominique Desanti a très tôt été amenée à côtoyer le cercle de l'intelligentsia et de l'éminence dans la France d'avant et d'après guerre. Elle côtoie Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et s'engage dans la résistance dès les premières heures. Intellectuelle au sein d'une famille bourgeoise, elle devient journaliste puis historienne [...]

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    Jeudi 14 août 2008

    L'unité humaine, selon Teilhard

     




     

    Selon Teilhard de CHARDIN, le christianisme
    est une recherche de l’unité humaine.

     

     

     

    Voir   Ces pages représentent un effort pour voir et faire voir, ce que devient et exige l’Homme, si on le place, tout entier et jusqu’au bout, dans le cadre des apparences. Pourquoi chercher à voir ? et pourquoi tourner plus spécialement nos regards vers l’objet humain ?

    On pourrait dire que toute la vie est là, -sinon finalement, du moins essentiellement. Être plus, c’est s’unir davantage : tels seront le résumé et la conclusion même de cet ouvrage. Mais, le constaterons-nous encore, l’unité ne grandit que supportée par un accroissement de conscience, c’est-à-dire de vision. Voilà pourquoi, sans doute , l’histoire du monde vivant se ramène à l’élaboration d’yeux toujours plus parfaits au sein d’un Cosmos où il est possible de discerner toujours davantage.

    La perfection d’un animal ;la suprématie de l’être pensant ne se mesurent-elles pas à la pénétration et à au pouvoir synthétique de leur regard ? Chercher à voir plus et mieux n’est donc pas une fantaisie , une curiosité , un luxe.

    Voir ou périr.


    Telle est la situation, imposée par le don mystérieux de l’existence, à tout ce qui est élément de l’Univers. Et telle est par la suite, à un degré supérieur, la condition humaine.Mais s’il est vraiment vital et béatifiant de connaître pourquoi, encore un coup, tourner de préférence notre attention vers l’homme ?

    L’Homme n’est-il pas suffisamment décrit,-et ennuyeux ? ET n’est-ce pas justement un des attraits de la Science de détourner et reposer nos yeux sur un objet qui enfin ne soit pas nous-mêmes ?A un double titre, qui le fait deux fois centre du Monde, l’homme s’impose à notre effort pour voir, comme la clef de l’Univers.

    Subjectivement, d’abord, nous sommes inévitablement centre de perspective, par rapport à nous-mêmes. Ç’aura été une candeur, probablement nécessaire de la science naissante, de s’imaginer qu’elle pouvait observer les phénomènes en soi, tels qu’ils se dérouleraient à part de nous-mêmes. Instinctivement, physiciens et naturalistes ont d’abord opéré comme si leur regard plongeait de haut sur un Monde que leur conscience pouvait pénétrer sans la subir ni le modifier.

    Ils commencent maintenant à se rendre compte que leurs observations les plus objectives sont toutes imprégnées de conventions choisies à l’origine, et aussi des formes ou habitudes de pensée développées au cours du développement historique de la Recherche. Parvenus à l’extrême de leurs analyses, ils ne savent plus trop si la structure qu’ils atteignent est l’essence de la Matière qu’ils étudient, ou bien le reflet de leur propre pensée.

    Et simultanément ils s’avisent que, par choc en retour de leurs découvertes, eux-mêmes se trouvent engagés, corps et âme, dans le réseau des relations qu’ils pensaient jeter du dehors sur les choses : pris dans leur propre filet. Métamorphisme et endomorphisme, dirait un géologue.

    Objet et sujet s’épousent et se transforment mutuellement dans l’acte de la connaissance. Bon gré, mal gré, dès lors, l’Homme se retrouve et se regarde lui-même dans tout ce qu’il voit.Voilà bien une servitude, mais que compense immédiatement une certaine et unique grandeur.

    Il est simplement banal, et même assujettissant, pour un observateur, de transporter avec soi, ou qu’il aille, le centre du paysage qu’il traverse. Mais qu’arrive-t-il au promeneur si les hasards de sa course le portent en un point naturellement avantageux (croisement de routes ou de vallées) à partir duquel non seulement le regard, mais les choses mêmes rayonnent ?

    Alors , le point de vue subjectif se trouvant coïncider avec une distribution objective des chose, la perception s’établit dans sa plénitude. Le paysage se déchiffre et s’illumine. On voit.

    Tel paraît bien être le privilège de la connaissance humaine. Il n’est pas besoin d’être un homme pour apercevoir les objets et les forces « en rond » autour de soi.

    Tous les animaux en sont là aussi bien que nous-mêmes. Mais il est particulier à l’Homme d’occuper une position telle dans la nature que cette convergence des lignes ne soit pas seulement visuelle mais structurelle.

    Les pages qui suivent ne feront que vérifier et analyser ce phénomène. En vertu de la qualité et des propriétés biologiques de la Pensée, nous nous trouvons placés en un point singulier, sur un nœud, qui commande la fraction entière du Cosmos actuellement ouvert à notre expérience. Centre de perspective, l’Homme est en même temps centre de construction de l’univers.

    Par avantage, autant que par nécessité, c’est donc à lui qu’il faut finalement ramener toute Science. -Si, vraiment, voir c’est être plus, regardons l’Homme et nous vivrons davantage.Et pour cela accommodons correctement nos yeux.

    Depuis qu’il existe, l’Homme est offert en spectacle à lui-même. En fait, depuis des dizaines de siècles, il ne regarde que lui. Et pourtant c’est à peine s’il commence à prendre une vue scientifique de sa signification dans la Physique du monde. Ne nous étonnons pas de cette lenteur dans l’éveil.

    Rien n’est aussi difficile à apercevoir, souvent, que ce qui devrait « nous crever les yeux ». Ne faut-il pas une éducation à l’enfant pour séparer les images qui assiègent sa rétine nouvellement ouverte ? A l’Homme, pour découvrir l’Homme jusqu’au bout, toute une série de « sens » étaient nécessaires, dont l’acquisition graduelle, nous aurons à le dire, couvre et scande l’histoire même des luttes de l’Esprit.
     
    -
    Sens de l’immensité spatiale,
    dans la grandeur et la petitesse,
    désarticulant et espaçant, à l’intérieur d’une sphère de rayon indéfini, les cercles des objets pressés autour de nous.

    - Sens de la profondeur,
    repoussant laborieusement, le long de séries illimitées,
    sur des distances temporelles démesurées, des évènements qu’une sorte de pesanteur tend continuellement à resserrer pour nous dans une mince feuille de Passé.

    -
    Sens du nombre,
     découvrant et appréciant sans sourciller la multitude affolante d’éléments matériels ou vivants
    engagés dans la moindre transformation de l’Univers.

    - Sens de la proportion,

    réalisant tant bien que mal la différence d ‘échelle physique qui sépare, dans les dimensions et les rythmes, l’atome de la nébuleuse, l’infime de l’immense.

    -Sens de la qualité et de la nouveauté,

    parvenant, sans briser l’unité physique du Monde, à distinguer dans la Nature des paliers absolus de perfection et de croissance.

    -Sens du mouvement,
    capable de percevoir les développements irrésistibles cachés dans les très grandes lenteurs,- l’extrême agitation dissimulée sous un voile de repos, le tout nouveau se glissant au cœur de la répétition monotone des mêmes choses.

    - Sens de l’organique,

    enfin, découvrant les liaisons physiques et l’unité structurelle sous la b juxtaposition superficielle des successions et des collectivités.

    Faute de ces qualités dans notre regard, l’Homme restera indéfiniment pour nous, quoiqu’on fasse pour nous faire voir, ce qu’il est encore pour tant d’intelligences : objet erratique dans un Monde disjoint. -Que s’évanouisse par contre, de notre optique, la triple illusion de la petitesse, du plural et de l’immobile, et l’Homme vient prendre sans effort la place centrale que nous annoncions : sommet momentané d’une Anthropologénèse couronnant elle-même une Cosmogenèse.

    L’homme ne saurait se voir complètement en dehors de l’Humanité ; ni l’Humanité en dehors de la Vie, ni la Vie en dehors de l’Univers.

    D’où le plan essentiel de ce travail : la Prévie, la Vie, la Pensée, -ces trois évènements dessinant dans le passé, et commandant pour l’avenir (la Survie !), une seule et même trajectoire : la courbe du Phénomène humain.

    Phénomène humain, dis-je bien.

    Ce mot n’est pas pris au hasard. Mais pour trois raisons je l’ai choisi. D’abord pour affirmer que l’Homme dans la Nature est véritablement un fait, relevant (au moins partiellement) des exigences et des méthodes de la Science.

    Ensuite, pour fiare entendre que, parmi les faits présentés à notre connaissance, nul n’est plus extraordinaire, ni plus illuminant. Enfin , pour bien insister sur le caractère particulier de l’ essai que je présente.

    Mon seul but, et ma vraie force, au cours de ces pages, est simplement, je le répète, de chercher à voir, c’est à dire à développer une perspective homogène et cohérente de notre expérience générale étendue à l’homme. Un ensemble qui se déroule. Qu’on ne cherche pas ici une explication dernière des choses, -une métaphysique. Et qu’on ne se méprenne pas non plus sur le degré de réalité que j’accorde aux différentes parties du film que je présente.

    Quand j’essaierai de me figurer le Monde avant les origines de la Vie, ou la Vie au Paléozoïque, je n’oublierai pas qu’il y aurait contradiction cosmique à imaginer un Homme spectateur de ces phases antérieures à l’apparition de toute Pensée sur Terre.

    Je ne prétendrai donc pas les décrire comme elles ont été réellement, mais comme nous devons nous les représenter afin que le monde soit vrai en ce moment pour nous : le Passé non en soi, mais tel qu’il apparaît à un observateur placé sur le sommet avancé où nous a placé l’Evolution. Méthode sûre et modeste, mais qui suffit, nous le verrons, pour faire surgir, par symétrie, en avant, de surprenantes visions d’avenir.

    Bien entendu, mêmes réduites à ces humbles proportions, les vues que je tâche d’exprimer ici sont largement tentatives et personnelles. Reste que appuyées sur un effort d’investigation considérable et sur une réflexion prolongée, elles donnent une idée, sur un exemple, de la manière dont se pose aujourd’hui en Science le problème humain.

    Etudié étroitement en lui-même par les anthropologistes et les juristes, l’Homme est une chose minime, et même rapetissante. Son individualité trop marquée masquant à nos regards la Totalité, notre esprit se trouve incliné, en le considérant, à morceler la Nature, et à oublier de celle-ci les liaisons profondes et les horizons démesurés : tout le mauvais anthropocentrisme. D’où la répugnance, encore sensible chez les savants, à accepter l’Homme autrement que par son corps, comme objet de Science.

    Le moment est venu de se rendre compte qu’une interprétation, même positiviste, de l’Univers, doit, pour être satisfaisante, couvrir le dedans, aussi bien que le dehors des choses,-l’Esprit autant que la Matière. La vraie Physique est celle qui parviendra, quelque jour, à intégrer l’Homme total dans une représentation cohérente du monde.

    Puissé-je faire sentir ici que cette tentative est possible, et qu’elle dépend, pour qui veut et sait aller au fond des choses, la conservation en nous du courage et de la joie d’agir.

    En vérité, je doute qu’il y ait pour l’être pensant de minute plus décisive que celle où , les écailles tombant de ses yeux, il découvre qu’il n’est pas un élément perdu dans les solitudes cosmiques, mais c’est une volonté de vivre universelle qui converge et s’hominise en lui.

    L’homme, non pas centre statique du Monde-comme il s’est cru longtemps ; mais axe et flèche de l’Evolution, -ce qui est bien plus beau.

    Teilhard de CHARDIN

     

     

    Bibliographie :
    CUENOT Claude : Teilhard de Chardin, coll.écrivains de toujours, Seuil, 1962.
    CHARDIN Teilhard de : Le phénomène humain, Pékin, 1938-1940 ; et Oeuvres, Seuil, Paris,1955.

    http://jeanmarcdl.free.fr/


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    Jeudi 14 août 2008

     

    Averroès :

     

     

     

     

     

    Averroes, 1126-1198, le musulman

     

    - Ibn Roschd… Ibn Roschd …
    (…) la médecine, l’astronomie, toutes les sciences … Vous voulez toujours que je vous explique tout ce qu’Aristote a dit du savoir des choses de la terre. Vous ne vous posez donc jamais les questions dernières : …D’où venons-nous ? Où allons-nous ? La Création et, surtout, le but et le sens de la vie et de l’histoire ?

     

    - un disciple : Maître, aujourd’hui …
    (…) Aujourd’hui, comme toujours, notre philosophie ne servirait à rien si elle ne savant pas lier ces trois choses que j’ai enseigné d’unir dans mon “ Harmonie de la science et de la religion ”. Une science fondée sur l’expérience et la logique pour découvrir les causes. Une sagesse qui réfléchisse sur les buts de chaque recherche scientifique pour qu’elle serve à rendre notre vie plus belle. La révélation, celle de notre Coran. Car c’est seulement par révélation que nous connaissons les fins dernières de notre vie et de notre histoire.

     

    - une femme : Mais pour nous les femmes ?
    Les femmes ont les mêmes fins dernières que les hommes. Le Coran ne distingue qu’entre ceux, hommes ou femmes, qui cherchent la Loi de Dieu et ceux qui ne s’en soucient pas. Il n’y a pas d’autre hiérarchie entre les êtres humains … Mais vous, les hommes, vous considérez les femmes comme des plantes qu’on ne recherche que pour leurs fruits, la procréation. Et vous en faites des séparées, des servantes. Ce sont vos traditions : elles n’ont rien à voir avec l’islam. ”

     

    - un étudiant : Mais nos rois …
    Le Prophète nous a enseigné qu’il n’est de plus sainte guerre que de dire la vérité à un dirigeant injuste. Le tyran est le plus esclave des hommes. Il est livré à ses passions par ses courtisans, à ses terreurs parce qu’i a peur de son peuple.

     

    - un autre étudiant : Mais qu’elle est alors la société la meilleure ?
    Celle où chaque femme, chaque enfant, chaque homme, reçoit tous les moyens de développer toutes les possibilités que Dieu lui a données.

     

    - un autre : Quel pouvoir l’établira ?
    Il ne s’agit pas d’une théocratie, comme chez les chrétiens d’Europe, d’un pouvoir de religieux complices des tyrans : “ Dieu - dit le Coran - a insufflé en l’homme de Son Esprit ”. Faisons-le vivre en chaque homme !

     

    - un autre : Quelles sont les conditions d’une telle société ?
    Une société sera libre et agréable à Dieu quand nul n’agira ni par crainte du Prince ou de l’enfer ou par désir de récompense d’un courtisan ou du paradis. Et quand personne ne dira : ceci est à moi.

     

    - un autre : Maître, encore un mot
    J’en ai assez de vos questions : d’abord, je ne suis pas “ Maître ” ; Dieu seul est Maître, et l’enseignement le plus fréquent de Son Coran est de faire effort pour réfléchir par soi-même. Vous entendez, par soi-même.

     

    Maïmonide, 1135-1204, le juif

     

    Dans la synagogue, devant la Thora qu’il commente.

     

    Dans ce qu’il a dit sur les sciences terrestres, Aristote reste notre maître, mais, au-delà, tous ces propos ressemblent, à peu de choses près, à des conjectures. Si pour Ibn Roschd, le Livre Saint n’est pas notre Thora mais le Coran, nous sommes d’accord, l’un et l’autre, sur l’apport de la raison et de la révélation : elles sont deux manifestations d’une même vérité divine. Il n’y a de contradiction que lorsqu’on s’en tient à une lecture littérale des Ecritures, en oubliant leur signification éternelle. J’ai donné, dans mon “ Guide des égarés ” les règles de cette lecture allégorique, et qui tient compte de l’histoire. Nos problèmes historiques doivent être résolus à partir des principes éternels : il n’y a aucune opposition entre l’absolu et l’histoire. Ces principes éternels, mon expérience de juriste m’a appris qu’ils se ramenaient à quatre, que vous retrouverez dans mon “ Commentaire ” de la Mishna ”, de notre tradition juive :

     

    1) L’individu ne peut se développer que dans une société saine, où les devoirs viennent avant les droits.
    2) Le but de toute société fidèle à Dieu est une croissance de l’homme et non la richesse. L’homme grandit quand il développe en lui la raison dans sa plénitude : une raison qui a conscience de ses limites et de ses postulats. Une telle raison témoigne de la présence de Dieu en l’homme.
    3) La raison de l’homme n’est qu’une participation à la raison divine, qui nous dépasse infiniment, et qui ne se réalise que par l’accueil à la prophétie biblique.
    4) Un cycle nouveau de l’histoire ne commence que lorsqu’un Prophète, comme Moïse, descend vers le peuple pour lui proposer de nouvelles lois.

     

    Psaume de David : Pourquoi ces vaines pensées parmi les peuples ? Pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils contre l’Eternel et contre son oint ? Brisons leurs liens. Délivrons-nous de leurs chaînes ”.

     

    Alphonse X, 1221-1284, le Sage

     

    Je ne suis plus que l’ombre d’un roi qu’on appelait autrefois Alphonse X, le Sage, mais le Pape et mes propres vassaux me déposèrent en 1282. Peut-être mes rêves étaient-ils trop grands pour ce siècle ? Et pourtant nous étions au bord d’un grand éveil ? J’avais eu la chance, dans ma jeunesse, d’être élevé à Tolède, où l’évêque Raymond, avec ses traducteurs chrétiens et juifs, m’avaient initié à la culture de l’islam. J’ai fait traduire en latin le Coran et le Talmud. Vous voyez ce que fut l’acte le plus glorieux de mon règne : celui de créer, à Murcie, avec le philosophe musulman Mohammed Al Riqouti, la première école au monde où enseignaient à la fois des chrétiens, des juifs et des musulmans. A Séville, j’ai exigé que l’on enseigne dans les deux langues de mon temps : l’arabe et le latin. Ecoutez : l’un de mes pages chante l’un de mes cantiques : “ O mon Christ, qui pouvez accueillir le chrétien, le juif, le maure, pourvu que leur foi se dirige vers Dieu ”. Dans mes lois, comme dans mes prières, je n’ai jamais oublié que les mécréants sont de même sang et nature que nous. Mes légistes peuvent, avec fierté, vous lire mes codes :

     

    “ Comme la synagogue est maison où l’on glorifie le nom du Seigneur, défendons qu’aucun chrétien ait l’audace de la détruire ni d’en emporter rien ni d’en prendre aucune chose par force ”. Et à l’égard des musulmans : “ Laisser vivre les Maures parmi les chrétiens en conservant leur foi, et en n’insultant pas la nôtre ”. Oui, sous mon règne, par les efforts des sages de nos trois religions, notre Espagne du XIIIème siècle pouvait éveiller l’Europe entière à une vraie renaissance : celle qui pouvait se faire non contre Dieu, mais avec Dieu.

     

    Ibn Arabi, 1165-1240, le soufi

     

    “ Ceci est interdit ! Ceci est permis ! ”, nous disent les juristes. Mais jamais : ceci est à inventer. Tu es responsable de toi-même. Réfléchis par toi-même ! Alors que le Coran nous y appelle à chaque page. À les entendre, il n’y aurait, entre Dieu et l’homme, que des rapports de maître à esclave. La foi et la philosophie commencent là où finit ce juridisme desséché !

     

    Le Coran nous dit “ Dieu fera se lever des hommes qu’il aimera et qui l’aimeront ” (V, 54), et aussi : “ Si vous aimez Dieu, Dieu vous aimera ” (III, 31). Dieu est unité. L’unité de l’amour, de l’amant et de l’aimé. Tout amour est désir d’union. Tout amour, qu’il en est conscience ou non, est amour de Dieu. Il y a un amour naturel dans lequel tu crois chercher à ne satisfaire que ton propre désir. Mais, il te fait sentir que tu ne suffis pas à toi-même. Même dans l’union des corps, où tu veux trouver l’extase, tu éprouves la nostalgie et le besoin de ce qui n’est pas toi. Il y a un amour spirituel quand tu n’aimes l’aimé que pour l’aimé lui-même. Tu ne vis alors qu’en te dépassant : en préférant à la tienne sa joie, sa plénitude d’être. Cet amour t’enseigne le sacrifice. Il y a un amour divin, le plus haut : tu aimes en toute chose Celui qui l’a créée, et tu n’aimes Dieu que pour lui-même. sans crainte d’un châtiment ni désir d’une récompense. Cet amour que tu portes à Dieu est un reflet de celui qu’Il te porte.

     

    Tu ne peux t’identifier à Lui, mais agir selon le but qu’il a révélé par Son Messager. Le Prophète a dit “Quand Dieu t’aime, Il est l’oreille par laquelle tu entends, l’œil par lequel tu vois, le pas par lequel tu avances, la main par laquelle tu travailles”. Dieu a “insufflé en l’homme de Son Esprit”. Témoignage de cette présence de Dieu en toi, de l’acte de Dieu qui ne cesse de créer. L’action est l’extérieur de la foi. Tu rends visible l’invisible chaque fois que tu te dépasses : artiste, quand tu exprimes la beauté que Dieu aime, amant, quand tu vois et sers Dieu en celle que tu aimes, savant, quand tu découvres des vérités nouvelles, chef, quand tu créés pour chacun les conditions de son épanouissement.

     

    Voir en chaque être l’acte qui l’a créé et soumettre sa vie entière à la volonté de ce Créateur, c’est ce qui unit tous les hommes de foi. Tout homme est appelé par Dieu. Ne méprise pas ceux qui, en le cherchant, croient Le voir en ce qui n’est pas Lui. L’islam reconnaît tous les prophètes comme messagers du même Dieu. Apprends à découvrir en chaque homme le germe, en lui, du désir de Dieu, même si sa croyance est encore confuse, et parfois idolâtre, pour l’orienter vers la pleine Lumière.

     

    J’écrivis, dans un poème d’amour (avec luth) : “ Mon cœur est devenu capable d’entrer dans toutes les formes : pâturage pour les gazelles et couvent pour le chrétien ; temple pour les idoles et pèlerins de la Ka’ba ; tables de la Thora et livre du Coran. Ma religion est de l’amour : quelque soit le chemin que prenne la caravane de l’amour, ce chemin est celui de ma foi ”.

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2007/09/18/6265481.html


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