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    Faut-il un choc des civilisations ? F d B

    jeudi 21 juillet 2011, par Comité Valmy



     

    C’est sur ce thème, percutant s’il en est, que se réunira l’élite mondiale les 27, 28 et 29 juillet prochain à Washington DC, à l’initiative de la très discrète, mais très huppée, société baptisée « Table Ronde de Caux ». Cette association, proche du CFR et de la Commission Trilatérale, n’ambitionne pas moins que de « moraliser le capitalisme ». C’était déjà dans ce noble but qu’elle s’était réunie, à Londres, pour mettre en place une monnaie mondiale émise par le FMI... les 10 & 11 septembre 2001.

    Inutile de préciser que ce 11 septembre, alors que la nouvelle monnaie mondiale était présentée à cette noble assistance, l’émoi provoqué par l’effondrement du World Trade Center a quelques peu perturbé la réunion, comme le révèle son compte-rendu [1]. S’il restait des partisans du statu quo, il y fort à parier que ces récalcitrants, ébranlés par le choc des images en provenance de New York, ont été plus réceptifs à la nécessité d’œuvrer à la mise en place un nouvel ordre financier mondial !

    Une précision d’horloger

    Mais revenons à la réunion [2] à venir, celle de cette fin juillet 2011. Il est frappant de constater à quel point elle s’inscrit parfaitement dans le calendrier : quelques jours avant la date fatidique du 2 août, juste avant que, faute d’accord sur la modification constitutionnelle, les Etats-Unis devraient très logiquement être déclarés en faillite. De là à imaginer une mise en scène, une attaque « false flag » du même acabit que celle du 11 septembre 2001, en pleine réunion de l’élite mondiale, il n’y a qu’un pas que nous nous garderons bien de franchir [3]. Cela n’empêche pas de remarquer le curieux télescopage, comme si les instances qui planifient ces colloques maîtrisaient à l’avance un calendrier où les évènements qui paraissent, aux communs des mortels, soudains et fortuits y étaient inscrits longtemps à l’avance.

    Ce choix de la date est remarquable à plus d’un titre. Qui aurait pu prévoir qu’un seul week-end et un seul lundi ne séparerait la fin du colloque de l’éventuelle fin du rêve américain, programmée le 2 août ? Que la veille, le 1er août, la guerre contre Kadhafi, éternel empêcheur de mondialiser en rond, devrait être terminée pour cause de ramadan ? Que ce même 1er août, l’ancien directeur général du FMI devrait être libéré ou enfermé pour de bon ? Que celle qui lui succède serait également fixée sur son sort judiciaire le 4 août ? Que les européens seraient alors en passe de s’entendre pour abandonner à l’Allemagne le peu de souveraineté qu’il leur reste ?

    Inversion apparente des thèmes

    Le thème retenu, lui aussi est étonnant. Le mardi 11 septembre 2001, l’élite mondiale était réunie par la Table Ronde de Caux pour disserter sur le remplacement du dollar par une monnaie mondiale, alors baptisée « Terra ». [4] Dix ans après, alors que le monde retient son souffle dans la perspective de la mise en faillite des USA, de la chute du dollar et de l’éclatement de l’euro, alors que l’Union pour la méditerranée a été remplacée par un sanglant conflit Nord-sud en Libye, la Table Ronde de Caux se réunit pour travailler sur la nécessité d’un Choc des Civilisations, choc qui avait démarré en fanfare dix ans plus tôt, lors de la réunion prémonitoire consacrée à la problématique financière actuelle.

    Qui aurait pu si bien choisir ce thème et cette date, sinon, précisément, l’élite mondiale qui organise ce colloque.

    Une vieille histoire

    Si la Table Ronde de Caux a été créée en 1986, elle s’est ensuite inscrite dans la continuité de la Fondation Ditchley, créée, elle, en 1958, soit quelques mois après la signature du traité de Rome. La Fondation Ditchley affichait alors l’objectif de resserrer le lien transatlantique, dans l’esprit de Winston Churchill, sans préciser que le fameux resserrement du lien transatlantique consistait avant tout à asseoir la prééminence de la finance britannique.

    La Fondation élabora ensuite le « Plan Ditchley » qui visait précisément à remplacer le dollar par une monnaie mondiale émise et contrôlée par le Fond Monétaire International. Selon le plan Ditchley, la politique financière et monétaire des Etats-Unis passerait, au mépris de la loi, sous le Contrôle du FMI. Ce plan permettrait au FMI de réunir dans la Banque mondiale toutes les banques centrales des différentes nations. [5]

    En 1986, Olivier Giscard d’Estaing [6], aujourd’hui membre du conseil pour l’avenir du monde et président du comité pour un parlement mondial depuis 1995 [7], et Frederik Jacques Philips, alors directeur général de Philips, avec le soutien de Ryuzaburo Kaku, alors président de Canon, créaient la Table Ronde de Caux en affichant la noble mission de moraliser le capitalisme et l’objectif de court terme, plus trivial, de s’entendre avec les industriels japonais sur les prix des produits industriels, pour éviter le dumping que permettait déjà le différentiel de compétitivité en faveur de l’Extrême-Orient.

    Au fil de l’eau, la Table Ronde de Caux édictait des principes de bonne gouvernance, ce qui est parfaitement louable si ces principes moraux ne concernent que les entreprises privées. Mais peu à peu, une étrange confusion s’installe, si bien que ces principes deviennent généraux et concerneraient autant les états que les entreprises. La confusion franchit une nouvelle étape en 2001, quand la table Ronde de Caux s’empare de la thématique du Plan Ditchley et préconise à son tour la monnaie mondiale FMI.

    L’épisode vaudevillesque - qui restera dans les annales - est certainement le limogeage précipité de DSK, devenu trop empressé, au point que sa façon de gérer à la fois l’explosion de l’émission monétaire du FMI et la réforme de son instance dirigeante [8] aurait justifié que son remplacement programmé pour sa déclaration de candidature par Christine Lagarde a dû être avancé, avec le concours d’un room service et d’une femme de chambre. Ce spectaculaire épisode de la longue marche vers le fascisme mondial est parfaitement analysé par Thierry Meyssan dans l’article Obama, la guerre financière et l’élimination de DSK.

     ? « Moraliser » le capitalisme ?

    Selon la conception « morale » de la Table Ronde de Caux, l’idée même de la démocratie n’existe pas. Les chefs d’état sont l’équivalent des PDG de multinationales, les citoyens étant considérés comme des actionnaires : « Le gouvernement est une fiducie publique ; les dirigeants sont les fiduciaires au profit de ceux placés sous leur autorité. Quand le gouvernement abuse de sa confiance, il doit perdre sa légitimité. Quand il perd sa légitimité, il doit quitter ses fonctions. » Ainsi analysent-ils le conflit libyen : Kadhafi s’étant comporté comme un mauvais PDG, une mauvaise « fiducie publique », ses actionnaires (ex-citoyens) devraient le démettre... [9]

    Le mot « démocratie » a disparu du raisonnement. La séparation des pouvoirs, la souveraineté de la Nation sont ignorées au profit d’un droit divin d’ingérence par ceux-là mêmes qui déstabilisent, de l’extérieur le pays. [10] Ne parlons pas du cas particulier de la Libye avec sa structure tribale, son « guide » dépourvu de tout pouvoir constitutionnel, autant de réalités superbement ignorées par les moralisateurs du capitalisme.

    En réalité, le Choc des civilisations censé camoufler l’effondrement du système financier est déjà en cours. Malgré tout, l’instauration d’un fascisme mondial, l’abolition définitive du droit international et de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ne sont pas encore acquises. Même si le pire n’est jamais sûr, Il faut bien envisager l’hypothèse que, dès la fin de ce mois, parallèlement à leurs colloques délirants, les mondialisateurs mettent en scène de nouveaux drames pour masquer aux peuples la faillite de leur système et leurs funestes desseins, sauf, si ils parviennent, à moindre frais, au consensus nécessaire au franchissement de cette nouvelle étape vers le fascisme mondial.

    Ainsi ira le monde vers sa perte, jusqu’au jour où les mots retrouveront leur sens, où les ennemis de l’intérêt général seront démasqués, quand les peuples, en état de légitime défense, parviendront à faire échec à ce nouvel ordre cistercien dans un vaste mouvement libérateur, une sorte de nouvelle renaissance.


    Remplacer par :

    Source : DECAPACTU : Faut -il un choc des civilisations ?

     

    Notes

    [1] Comme le groupe a commencé à remonter après la pause d’environ 14 heures, les nouvelles ont commencé à arriver dans la salle à propos d’un avion de ligne qui venait de s’écraser sur le World Trade Center à New York. Il y avait une certaine confusion et un ou deux membres du groupe ont utilisé les téléphones mobiles internationaux pour tenter d’obtenir de plus amples renseignements. L’ampleur réelle des événements à New York, Washington, DC et en Pennsylvanie ne serait pas pleinement être connu par les participants que plus tard dans l’après-midi, à l’issue de la réunion. Incertain des détails, mais conscient une grande tragédie qui se passait, les participants resta un moment de silence et de prière pour réfléchir sur le mal violent qui avait été fait par des mains inconnues.

    Le cauchemar du terrorisme aux États-Unis a choqué le monde civilisé, le 11 Septembre 2001. Nos vies ont changé comme CRT achevé sa réunion à Londres, et notre vie ne serait jamais la même. En effet, le commerce mondial - symbolisée par les tours jumelles du Centre de New York mondiale du commerce - ne sera jamais le même. Peut-être que nous pourrions espérer que d’une nouvelle effusion de l’unité et la solidarité entre les nations tirer quelques bien commun de cette atrocité terrible. Et, peut-être, peut-on espérer que la nouvelle vision globale de la Table Ronde de Caux - née à cette réunion - fera partie de ce bien commun. (Source Table ronde de Caux)

    [2] -Sur le site officiel

    [3] Une excommunication pour théorie du complot est si vite arrivée

    [4] extrait du programme : Lundi soir, Septembre 10, 2001 :

    Réception, salle Winston Churchill à la Maison du Parlement, avec le prince Michael de Kent [chef de la franc-maçonnerie mondiale] et la Rt. Hon. Lord Howe et la baronne Howe Identité & religion].

    Mardi matin, 11 Septembre, 2001 - : Conférencier : Edward G. Schuh, professeur en commerce international et en politique d’investissement à l’Université du Minnesota : Thème : « Nous devons transformer le FMI en une banque centrale du monde, et le volume de « DTS » (droits de tirage spéciaux) devrait augmenter à un rythme constant."

    Bernard Lietaer, professeur de finance internationale à l’Université de Louvain, a offert une présentation PowerPoint sur son papier. Sa proposition est que les multinationales adopter une monnaie parallèle à long terme, la « Terra », qui viendrait appuyer leurs résultats écologiques, économiques et sociaux si souvent entendu parler d’aujourd’hui.

    [5] Source : Les sociétés secrètes au XXe siècle

    [6] Très discret frère de l’Ex, celui qui avait promis de toucher la France au cœur et qui a œuvré pour sa disparition dans l’arnaque européenne (façon de tenir sa promesse ?...)

    [7] comité qui milite ouvertement pour la mise en place d’un gouvernement mondial, voir l’extrait de sa « Déclaration de Buenos Aires » : « À plus long terme, l’Assemblée pourrait être transformée en un parlement mondial législatif élu au suffrage direct à la suite d’une révision de la Charte de l’ONU »

    [8] -Les banquiers centraux refaçonnent le FMI

    [9] - CRT Principles and Col. Gaddafi’s Legitimacy

    [10] C’est précisément la logique sur laquelle se construit le discours des agresseurs otaniens sur la Libye : « Le régime de Kadhafi n’est plus le pouvoir légitime en Libye. Kadhafi et les membres de sa famille doivent partir", indique le document. Les ministres ont convenu de maintenir des contacts avec le seul Conseil national de transition (CNT) qui sera désormais "la structure du pouvoir légitime en Libye." Ainsi, l’Alliance, qui dirige l’opération en Afrique du Nord depuis le 31 mars et jusqu’à fin septembre au moins, a pour la première fois soutenu l’une des parties dans un conflit civil et s’est fixé pour but de changer le régime d’un pays souverain. » Cette violation du droit a été clairement dénoncée par le représentant russe auprès de l’OTAN en ces termes : « Ce que font certains pays membres de l’Otan est un scandale absolu qui est en contradiction flagrante avec toutes les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l’Onu concernant la situation en Libye ».

     

    http://www.comite-valmy.org/spip.php?article1670

    Site Web pour cette image

    comite-valmy.org


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    Le choc des civilisations n’existe pas

    Posté par calebirri le 22 janvier 2013

     


    La mondialisation est un phénomène irrépressible, indestructible, irréversible. Elle conduit à transformer les relations entre les Etats pour en nouer de nouvelles totalement différentes de ce qu’elles ont toujours été. Et c’est bien cette mondialisation, créée par les « occidentaux » pour continuer à faire du profit -suivant ainsi la loi « des marchés », qui est responsable de la crise actuelle : car à force de dérégulations, de modifications du droit et de la complexification de la production, les pays riches ont voulu profiter (une fois encore) des pays pauvres pour forcer leur prospérité déclinante à l’intérieur de leurs frontières -sans penser que le développement induit presque « malgré eux » à l’étranger allait finir par se retourner contre eux.

    Et ce qui devait arriver arriva : c’est le retournement du capitalisme au profit des « anciens » pays pauvres contre celui des « anciens » pays riches. Les « BRIC » font aujourd’hui presque jeu égal avec les occidentaux, et même si pour les autres pays le chemin est encore long les choses bougent aussi : les révolutions arabes, les mouvements en Amérique Latine, et même le retour de la droite extrême à l’est de l’Europe sont des symptômes de cette volonté populaire d’accéder eux-aussi aux « bienfaits » de ce capitalisme.

    Il apparaît donc que face à ce retournement, les pays occidentaux sont pris à leur propre piège : enfermés dans le libéralisme, ils leur est difficile de retrouver la sacro-sainte « compétitivité » en retirant plus à ceux qui n’ont déjà presque rien, le tout sans prendre trop à des riches qui ne le sont que fictivement. Il leur faut donc trouver de nouveaux marchés pour faire repartir la croissance, ce qui implique la mise en place d’une politique expansionniste ; en concurrence désormais avec ceux qu’on appelle maintenant les « émergés ».

    Pour ce faire, nos gouvernants ont besoin d’une terre à conquérir, ainsi qu’un ennemi à attaquer, si possible correspondants l’un à l’autre : et nous voilà plongés dans le fameux « choc des civilisations ». Car cette terre c’est l’Afrique et ses formidables ressources, et cet ennemi c’est l’Islam. Et comme il fallait donc trouver un exutoire au peuple pour qu’il accepte les visées expansionnistes de son « camp » (l’Europe avec les USA et quelques autres), nous voilà aujourd’hui face à la réalité : le Mali, la prise d’otages en Algérie sur une plateforme gazière, le terrorisme international ; l’uranium, Areva et les Chinois…

    Englués dans cette crise qui conduit peu à peu la majorité d’entre nous à la misère, les gouvernants occidentaux, mais aussi ceux des pays émergents, se disputent donc aujourd’hui les ressources formidables détenues par l’Afrique (qui elle aussi voudrait sa part du «gâteau», mais qui s’en soucie ?) pour retrouver enfin le chemin de la croissance. Devenue le seul continent « prenable » pour les deux camps qui se disputent en réalité le pouvoir et l’argent, l’Afrique est devenue le centre d’intérêt de toutes les convoitises.

    Et comme il faut toujours une excuse pour s’emparer légalement du bien d’autrui – et que la colonisation n’a plus très bonne presse- nos gouvernants lui ont préféré la vieille technique de la croisade… contre le « terrorisme international islamiste » qui paraît-il frappe aux portes de l’Europe. L’islamisation de l’Afrique, dont les récentes révolutions arabes ne voulaient pas mais qui, avec le concours (involontaire ?) des occidentaux a tout de même percé, semble une aubaine pour qui recherchait un ennemi à combattre, et cela même sans être un fondu d’analyse géostratégique, non ?

    Sauf que cette histoire ne tient pas debout. Ce ne sont pas les quelques 1500 djihadistes (on apprend à cette occasion que le « péril musulman » n’est pas si massif que l’on croyait !) qui vont envahir l’Europe mais bien les entreprises européennes ou chinoises (on verra qui l’emportera) qui vont envahir l’Afrique. Le « choc des civilisations », en tant qu’opposition de valeurs religieuses (Islam contre judéo-christiannisme) ou politiques (la « civilisation » occidentale contre la « civilisation » orientale) ne tient pas,il n’existe pas. En réalité c’est juste un affrontement pour le pouvoir et la richesse, comme tous les affrontements précédents. Il n’y a pas plus de « péril musulman » qu’il n’y a de « péril jaune », car ce n’est pas ainsi que se définit la lutte.

    La véritable lutte, la véritable opposition, le choc qui se fait entre tous est celui des pauvres contre les riches. Il est là le choc. Tous les riches de tous les pays exploitent les pauvres de tous les pays, quelle que soit leur religion, leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle. c’est le choc de LA civilisation capitaliste en décadence contre la montée du désir démocratique des peuples. Et c’est de ce choc que devra sortir quelque chose de nouveau, d’inconnu : soit les pauvres se rassembleront et lutteront, ensemble pour une démocratie mondiale, soit ils ne réussiront pas à vaincre et ce sera alors l’avènement d’une dictature, elle-aussi mondiale, pour le contrôle total des populations. Nous en reparlerons bientôt.

     

    Caleb Irri
    http://calebirri.unblog.fr

     

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    Chronique du choc des civilisations, nouvelle édition (2011), par Aymeric Chauprade

     

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    Chronique du choc des civilisations, nouvelle… par realpolitiktv

     

    Chronique du choc des civilisations, nouvelle édition (2011)

     

    Chronique du choc des civilisations, nouvelle édition (2011)

     

    Des attentats du 11 septembre aux révolutions arabes du printemps 2011, en passant par l’expansion planétaire de la Chine, le retour de la puissance russe et les réveils africains et latino-américains, ou bien encore le défi migratoire mondial et la fin d’Oussama Ben Laden, les événements géopolitiques se bousculent et l’on assiste à la naissance d’un nouveau monde multipolaire, riche d’espoirs comme de menaces.

    À travers des photographies souvent spectaculaires, des cartes explicatives et des textes accessibles à tous, « Chronique du choc des civilisations » présente un décryptage unique de l’actualité et une analyse des événements replacée dans le temps long de l’histoire. Une véritable grille de lecture du monde actuel éclairant les luttes implacables des relations internationales.


    Chronique éditions, août 2011. ISBN 978-2-918978-80-0 — 31 euros
    En vente dans toutes les bonnes librairies

     

    Retrouvez Chronique du choc des civilisations sur Facebook : http://www.facebook.com/chroniqueduchocdescivilisations

     

    http://blog.realpolitik.tv/chronique-du-choc-des-civilisations-nouvelle-edition-2011/

     


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    lundi 17 décembre 2012

    Islam des lumières

     « Ce que j’ai voulu montrer, dit André Miquel, c’est l’ouverture d’un Islam trop oublié aujourd’hui. »

    Plus loin, il poursuit : « J’ai toujours ressenti une estime particulière pour Ma’Mûn, ce fils du fameux Haroun al-Rachid. Au IXe siècle, alors que l’Occident chrétien peine à sortir d’une époque de troubles, ce calife de Bagdad encourage la traduction en arabe des oeuvres grecques, fonde un institut des sciences et invite ses frères à discuter des rapports entre religion et raison, débat aujourd’hui encore d’une étonnante actualité. J’ai donc voulu le faire revivre en renouant avec un genre très en honneur dans la littérature arabe classique : les maqâmât, des entretiens autour d’un sujet convenu ou sans programme préétabli. »

     

    Michel Peyret

    16 décembre 2012

     


    André Miquel : "J’ai toujours ressenti une estime particulière pour Ma’Mûn, ce fils du fameux Haroun al-Rachid."

    André Miquel, Entretiens de Bagdad (Bayard, 2012)

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    Depuis plus d’un demi-siècle, André Miquel traduit inlassablement les plus beaux textes du patrimoine arabe, des vers de Qays, le fou d’amour de Leyla, aux Mille et une nuits, en passant par les grands géographes. Né en 1929, ce poète-écrivain-traducteur nous a permis de pénétrer des textes rares, parfois difficiles, avec toujours la même passion de transmettre.

    Mais quelle place tient cet Islam raffiné qu’il aime tant dans le monde d’aujourd’hui ? Est-ce pour conjurer les démons de la violence et de l’ignorance qui accompagnent souvent le développement de la deuxième religion du monde que cet ancien professeur au Collège de France consacre à un étonnant calife du IXe siècle ses Entretiens de Bagdad (Bayard, 2012) ?

    Cette ode à la sagesse et à la tolérance est-elle un rêve de poète ou le message d’un sage ? L’Islam d’André Miquel n’est-il pas trop beau pour être vrai ? Entretien autour d’une civilisation mythique, l’Islam des Lumières.

    Dans votre dernier livre, vous mettez en scène le calife abbasside Ma’mûn et des sages musulmans discutant de Dieu, de l’amour et du pouvoir avec des chrétiens et des juifs. Un joli conte ?
    André Miquel : Ce livre exprime ce que pour moi l’Islam pourrait être. C’est mon testament d’arabisant, après cinquante-cinq ans de carrière. J’ai toujours ressenti une estime particulière pour Ma’Mûn, ce fils du fameux Haroun al-Rachid. Au IXe siècle, alors que l’Occident chrétien peine à sortir d’une époque de troubles, ce calife de Bagdad encourage la traduction en arabe des oeuvres grecques, fonde un institut des sciences et invite ses frères à discuter des rapports entre religion et raison, débat aujourd’hui encore d’une étonnante actualité. J’ai donc voulu le faire revivre en renouant avec un genre très en honneur dans la littérature arabe classique : les maqâmât, des entretiens autour d’un sujet convenu ou sans programme préétabli.

    Ma’mûn est aussi le calife qui favorisa les mu’tazilites, ces penseurs musulmans qui défendaient au nom de la raison la liberté de l’homme face à Dieu, mais qui se montrèrent d’une rare intolérance...
    C’est vrai que, comme d’autres, ces penseurs ont été tentés d’imposer leur vue. Mais ils ont posé le problème essentiel : les rapports de la foi avec la raison.

    Cette période est souvent désignée aujourd’hui comme l’Islam des Lumières. Mais n’est-ce pas un mythe ?
    Les Lumières sont certes un phénomène occidental, directement lié à l’évolution des sciences et du christianisme. Mais ce mouvement a pu dans certains pays être orchestré ou favorisé par un pouvoir "éclairé" : Louis XV, par le relais de Madame de Pompadour, ou Frédéric II de Prusse ont fait au XVIIIe siècle ce que Ma’mûn a tenté au IXe, favoriser les sciences et les arts.
    Certes, ce calife n’a pas tout inventé : les traductions des oeuvres grecques avaient commencé avant lui et le mouvement s’est amplifié du fait de l’ouverture du monde musulman à l’Iran et à l’Inde. J’ai d’ailleurs pris un peu de liberté avec la chronologie, pour les besoins de la cause, notamment quand Ma’mûn évoque l’envoi d’ambassadeurs vers la Russie, la Chine et l’Inde, qui est en fait postérieur. Ce que j’ai voulu montrer, c’est l’ouverture d’un Islam trop oublié aujourd’hui.

    Vous décrivez des chrétiens et des juifs débattant librement avec le calife. Quel était leur statut dans cet Islam du IXe siècle ?
    En contrepartie d’un impôt, ils restaient libres de pratiquer leur foi, avec l’assurance de la protection du pouvoir. Bien des non-chrétiens auraient sans doute souhaité bénéficier d’un statut aussi favorable dans l’Europe du temps. Est-ce que je m’en contenterais aujourd’hui ? Non. Les temps ont changé. La tolérance sous Ma’mûn demeurait effectivement un statut octroyé, et notre époque doit rêver d’autre chose, qui a pour nom fraternité. Mais il faut juger ce calife dans son contexte.

    Mais vous qui êtes chrétien, n’avez-vous jamais été rejeté par les musulmans ?
    Jamais. Le problème ne s’est posé ni avec mes amis, ni avec mes collègues, ni avec mes étudiants musulmans. Je savais qui ils étaient, ils savaient qui j’étais et nous nous respections. En tant que croyant chrétien, je ne peux que comprendre et respecter l’islam, cette religion qui répète inlassablement le mystère de l’unité de Dieu : Dieu est un. Mais ce que je demande, c’est qu’on me laisse imaginer cette unité à travers le mystère de la Trinité.

    Dans les années cinquante, qu’est-ce qui peut intéresser un fils d’instituteurs de l’Hérault à s’intéresser à la culture islamique ?
    C’est une longue histoire. Quand je suis entré à Normale Sup, j’étais désigné pour faire carrière dans les langues classiques, mais je rêvais de désert, de palmiers, de minarets. J’ai appris l’arabe par pur plaisir, puis suis parti à Damas comme boursier. Entre-temps, mon maître Régis Blachère m’a confié la traduction d’un livre de fables, Kalîla wa Dimna, d’Ibn-al-Muqaffa. Ce fut extraordinaire. Je voulais poursuivre dans cette voie, mais, parce que je n’avais pas l’agrégation d’arabe, je n’ai pas pu aller à l’institut français du Caire ou de Damas. Alors, dépité, j’ai participé à des fouilles en Éthiopie, j’ai été professeur de lycée à Clermont-Ferrand, puis j’ai travaillé à la direction des affaires culturelles du Quai d’Orsay pour l’Afrique et l’Asie.

    Et comment vous retrouvez-vous en 1961 en prison au Caire ?
    J’avais cru avoir vocation à être diplomate et j’ai accepté un poste de chargé de mission culturelle, en République arabe unie, celle de Nasser. Ce fut une réussite : deux mois après mon arrivée au Caire, j’étais, avec mes collègues, accusé d’espionnage, de complot contre la sûreté d’État et de tentative d’assassinat du président Nasser. Un procès monté de toutes pièces, à un moment où la guerre d’Algérie n’en finissait pas de finir... J’ai été libéré en avril 62, après que les Français ont libéré Ben Bella, le leader algérien.

    Cinq mois de réflexion...
    Oui, et au secret absolu, comme je l’ai raconté en 1964 dans mon livre Le repas du soir (Flammarion). Cela m’a donné le temps de conclure qu’il n’y avait pas de plus beau métier que la recherche et l’écriture. À partir de là, ma voie a été tracée : être chercheur, écrire si possible des livres compris par un public honnêtement cultivé, mais aussi me donner le temps de l’écriture libre, celle des romans, des nouvelles et de la poésie. C’est ainsi qu’après avoir été maître assistant à Aix-en-Provence en langue et civilisation arabes, je suis entré à l’École pratique des hautes études, puis j’ai enseigné à Paris VIII-Vincennes, à Paris-III, et enfin au Collège de France.

    Vous avez écrit sur la littérature et la civilisation arabes, mais jamais sur la religion musulmane. Pourquoi ?
    Je ne suis pas un islamologue. Ce qui m’intéresse, ce sont les hommes et la société que cette religion a modelés. J’ai voulu savoir si la poésie, et en particulier la poésie classique, participait des mêmes joies, des mêmes bonheurs et angoisses que les nôtres. Comment elle parlait de l’amour, de la mort, de l’au-delà.

    Cette recherche de l’Autre dans ce qu’il a de plus intime vous a-t-elle permis de devenir "arabe" ?
    Non. Il y a dans chaque culture un jardin clos absolument irréductible. Pour moi, c’est la musique. Bien sûr, je peux prendre plaisir à écouter un morceau de musique "orientale", mais elle ne me procure pas la même émotion que la mienne. J’explore donc un autre jardin, immense, ouvert sur le monde, la littérature. Les chefs-d’oeuvre, évidemment, comme Kalila, et les Mille et une nuits, que j’ai traduites avec Jamel Eddine Bencheikh pour la Pléiade.
    Mais aussi la littérature qui échappe aux doctes, aux savants, celle des géographes arabes ou les Mémoires d’Oussama ibn Mounqidh, un chevalier syrien en contact avec les Templiers, qui, fait rare en son temps, a laissé une autobiographie. Lisez son portrait des Francs : c’était déjà une leçon d’ouverture aux autres.

    Mais peut-on vraiment traduire dans sa véracité la poésie arabe ? On vous a accusé de transformer les oeuvres...
    Il y a une sacrée différence entre le poème arabe à rime unique et le poème français. Un jour, l’idée m’est venue que cette poésie pouvait être lue comme une poésie classique française, avec son jeu de rimes et ses rythmes, de manière que le lecteur français soit dans le même contexte d’accueil qu’un Arabe le lisant dans sa langue d’origine. Évidemment, on m’a accusé de ne pas être assez fidèle au texte original. Mais je ne fais que mettre en évidence les correspondances. Quand Qays, le fou de Leyla, s’imagine avec la femme aimée, il décrit ainsi deux poissons qu’agite l’abîme de la mer. "Deux poissons dans les flots : je rêve et crois nous voir/Lorsque la vaste mer nous berce avec le soir/Je rêve, je nous vois : ma vie, ta vie, ensemble !/Je vois, je rêve, et la mort même nous rassemble." Pour traduire cela, j’ai tourné autour du pot pendant des jours et des jours, et je me suis finalement souvenu des Fleurs du mal de Baudelaire : "La mer, la vaste mer, console nos labeurs." Et j’ai traduit le "ballotter" de l’original par "bercer". Je crois avoir été dans le ton, même si je n’ai pas respecté la littéralité stricte. Je préfère une autre littéralité qui est la fidélité minimale au sens, et maximale au contexte.

    Vous évoquez la beauté, la tolérance de la culture arabe. Mais cette pensée n’est-elle pas surtout une réflexion sur le déclin ?
    Il y a sa part. Les Arabes ont été les maîtres du monde seulement pendant un siècle et demi, du VIIe siècle au milieu du VIIIe siècle. Ensuite, ils se sont politiquement effacés derrière les Iraniens, les Turcs, les Mongols, etc. Ces gens ont vécu dans la peur latente des invasions. Ibn Khaldoun et aussi Ibn Battûta vivent le problème de la naissance et de la mort des civilisations, même s’ils veulent croire que l’Islam, lui, ne mourra pas. Quant à l’Égyptien Suyyuti, il a écrit plus de 500 ouvrages en trente ans, tous consacrés à transmettre le patrimoine arabe. Pourquoi ? La peur obscure que cela ne se perde ? La volonté, en tout cas, de retrouver la grandeur du passé, portée par la puissance de la littérature.

    Et qui peut expliquer la violence de l’Islam aujourd’hui ?
    Dans le cas français, le problème est surtout celui de l’échec scolaire. Pour être un homme dans la cité, il faut d’abord avoir les moyens de réussir sa scolarité. Dans mon Hérault natal, mes parents enseignaient à des enfants dont les parents étaient parfois des immigrés espagnols. Quand ces enfants étaient bons élèves, leurs parents comme mes parents étaient fiers. C’est cela qui manque trop souvent aujourd’hui, cette fierté de part et d’autre.

    La France a connu de très grands orientalistes : Henry Corbin, Louis Massignon, Jacques Berque, etc. Pourtant, l’Islam est très mal connu en France. Pourquoi, selon vous ?
    Par manque d’intérêt. C’est aussi cela, notre échec. La civilisation musulmane n’est pas toujours connue des Français, ni même des musulmans. Pourtant, connaître l’héritage arabe n’empêche pas d’être français à part entière. Mais les médias ont leur part de responsabilité, non ? Les orientalistes sont trop souvent sollicités dans deux situations : pour qu’ils confortent les clichés qu’a l’Occident de l’Islam, ou pour tenter d’expliquer la situation en temps de crise. N’est-ce pas dommage ?

    (vendredi 14 décembre 2012, par Assawra (Mouvement Démocratique Arabe) - Propos recueillis par Catherine Golliau)

    Posté par Alaindependant à 22:29 - - Commentaires [0] - Rétroliens [0] - Permalien [#]


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