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    Jeudi 14 août 2008

     









    Pour un dialogue
    des civilisations

     

    Par Roger Garaudy

    Ethiopiques numéro spécial
    revue socialiste de culture négro-africaine
    70ème anniversaire du Président L. S. Senghor
    novembre 1976

    Différentes rencontres de civilisations se sont produites au cours de l’Histoire. Réfléchir sur elles nous permettra de mieux définir les conditions de possibilité d’une nouvelle rencontre, les moyens de la favoriser et l’enrichissement humain qu’on peut en attendre.

     

    Les rencontres anciennes

     

    Les deltas limoneux des grands fleuves, favorisant l’agriculture et la vie sédentaire, ont rapidement fourni de brillants foyers de civilisation qui se fécondèrent mutuellement par leur conjonction.
    Ce fut le cas notamment pour les deltas du Nil, de l’Euphrate et du Tigre, puis pour ceux de l’Indus et du Gange et, enfin, pour le delta du Fleuve Jaune. Ces quatre berceaux de civilisation se lièrent rapidement entre eux.
    On trouve sur les rives de la Méditerranée, entre le fleuve Oronte et les plateaux d’Anatolie, des affluents du Tigre et de l’Euphrate. Ainsi se dessina le « Fertile Croissant » où, très vite, se nouèrent des liens entre les civilisations de la Mésopotamie et celles du Nil.
    La mer permit d’autre part, que s’établissent des rapports entre les civilisations de Mésopotamie et celles de la vallée de l’Indus.
    De grands cheminements terrestres se dessinèrent il y a des millénaires : ce qui deviendra plus tard la route de la soie, le grand couloir des steppes, partant de la vallée de l’Ordos, passant au nord de l’Himalaya pour aboutir en Turquie, puis le long de la Méditerranée.
    De grands cheminements maritimes jouèrent le même rôle : la route des moussons véhicula la civilisation chinoise à travers tout le Sud-Est asiatique. La forme d’un tambour de bronze datant de civilisations chinoises primitives se retrouve au Vietnam, à la période de Dong Son, et l’on peut suivre le même thème dans les Iles d’Indonésie. Témoignage de la continuité de ce rayonnement. Il existe encore une autre voie de diffusion des cultures de l’Asie : le détroit de Behring qui a permis à des peuples venus d’Asie, de Mongolie notamment, d’essaimer dans toute l’Amérique. Le passage commença sans doute il y a 20.000 ans, et il fallut à ces migrants 10.000 années pour atteindre la Terre de Feu.
    Les travaux de Leakey, en Afrique, prouvent que l’homme existe depuis deux ou même trois millions d’années. Cet homme primitif possédait déjà des outils et bâtissait des tombeaux. Quel a été son cheminement ? Nous l’ignorons. Un « trou » de plusieurs millions d’années sépare cette époque de l’avènement de la civilisation égyptienne.
    Retenons un premier fait : il n’y a pas de civilisation insulaire. La civilisation a, dès ses premiers pas, constitué un réseau de propagation universel.
    Le temps des « grandes découvertes » de la « Renaissance », (toutes relatives, l’Amérique, on le sait, ayant été atteinte, bien avant Colomb, par les Vikings, sous Eric le Rouge, au XIIe siècle, et l’Asie étant explorée depuis longtemps par les Arabes) va marquer le commencement du colonialisme. Elles éclairciront néanmoins l’horizon de l’Europe. Désormais l’idée d’un « autre monde » va hanter l’esprit de ce qu’on commencera à appeler « l’ancien continent ».
    Cette évocation, même très superficielle, des grandes rencontres de civilisations, permet déjà de situer l’histoire de l’Occident dans la perspective des millénaires : l’histoire de l’Occident, dont la trajectoire est en général tenue pour exemplaire et comme formant l’armature de toute l’histoire humaine, apparaît alors comme un bref intermède et se trouve relativisée.
    Cette conception du passé et de son histoire (de l’histoire faite et de l’histoire écrite), pouvait difficilement émerger tant que chaque civilisation non-occidentale était étalonnée et située en fonction de la seule ligne du développement des sociétés occidentales, comme si aucune autre forme de relations avec la nature, avec les autres hommes, avec l’avenir, n’était possible en dehors de la démarche conceptuelle et techniciste de l’Europe, surtout depuis la Renaissance, c’est-à-dire depuis la naissance simultanée du capitalisme et du colonialisme, qui ont nié (quand ils ne les ont pas détruites) les autres cultures : celles de l’Asie, de l’Islam, de l’Afrique, de l’Amérique pré-hispanique.
    Pour aider à cette prise de conscience de l’Unité de l’homme toujours en naissance et toujours en croissance dans son passé comme dans son avenir, un véritable « dialogue des civilisations » aiderait sans doute à vérifier les hypothèses de travail suivantes :
    Toute explosion culturelle est précédée d’une implosion, c’est-à-dire d’une convergence, en un point privilégié, de multiples apports culturels. C’est ainsi que peuvent être démystifiés le « miracle grec » qui puise aux sources de l’Egypte, de l’Inde, de la Perse, et de tout le bassin méditerranéen ; ou la Renaissance européenne qui serait in intelligible sans les apports de l’expansion arabe, des invasions mongoles véhiculant des apports chinois, sans la redécouverte non seulement de la Grèce et de Rome mais de la Perse, et, plus tard, des civilisations amérindiennes.

     

    La contingence des hégémonies

     

    L’un des grands malheurs de l’histoire écrite, c’est d’avoir été écrite par les vainqueurs qui ont toujours voulu prouver que leur hégémonie était une nécessité historique, c’est-à-dire qu’elle découlait nécessairement de la supériorité de leur culture et de leur civilisation. Il en fut parfois ainsi, mais, le plus souvent, la supériorité technique et militaire n’impliquait pas nécessairement la supériorité de la culture et du projet humain porté par les vainqueurs. Les prodigieuses chevauchées et les victoires des empires des steppes furent des victoires du cavalier sur le fantassin ou de l’épée de fer sur l’épée de bronze. Le triomphe des Romains sur la Grèce fut une victoire de l’organisation militaire et de l’organisation tout court. La conquête des Portugais et des Espagnols détruisant les civilisations antérieures de l’Amérique est le fruit de leur seule brutalité et de leurs armes à feu. Les grandes invasions européennes de l’Afrique et de l’Asie ne furent pas moins destructrices de hautes valeurs humaines.
    Une histoire totale ne peut être qu’une histoire des possibles humains, la recherche et la reconquête des dimensions perdues de l’homme à travers les occasions perdues de l’histoire. De ce point de vue, qui est celui de l’importance du projet humain conçu ou vécu à telle ou telle époque et du rôle qu’il continue à jouer dans notre propre vie actuelle, « l’Hymne ou soleil » d’Akhenaton, est infiniment plus précieux que toutes les batailles de Ramsès. La réforme d’Akhénaton est le type de l’un de ces possibles humains avortés dans les recherches de l’unité de l’homme. L’important est donc dé souligner qu’à chaque époque de l’histoire plusieurs possibilités étaient ouvertes et qu’une seule s’est réalisée. En un mot nous ne pouvons défataliser l’avenir que si nous défatalisons l’histoire.
    Chaque grande œuvre de l’homme, du simple outil au code moral, du plan d’urbanisme à l’œuvre d’art ou au credo religieux, n’est jamais le simple reflet d’une réalité mais le modèle ou le projet d’un monde à transformer ou à créer, d’un ordre qui n’existe pas encore, une anticipation du futur. Lire l’histoire d’une manière qui ne soit pas positiviste (c’est-à-dire une histoire d’où l’homme serait absent), c’est déchiffrer ce projet humain cristallisé dans une œuvré d’homme. Cela nous conduit à poser ce quatrième principe :
    Un projet de civilisation avorté peut avoir laissé sa trace dans une secte religieuse, dans une utopie, dans une révolte, dans une œuvre d’art sans postérité immédiate, et cristallisant pourtant en elle un projet de civilisation.
    Savoir lire l’histoire, non comme une série de faits unidimensionnels liés par la fatalité d’un destin, mais au contraire comme une infinité de possibles fourmillants et bourgeonnants, et toujours témoins de l’émergence poétique de l’homme, de ses efforts prophétiques de création, c’est se poser des questions de ce genre : qu’aurait été une civilisation, inspirée dans tous ses, aspects (économiques, politiques, religieux, etc...) par l’esprit qui s’est cristallisé seulement dans une œuvre d’art ou dans une utopie qui n’ont pas eu d’avenir immédiat ?
    Il s’agit de découvrir en chaque œuvre ce centre, le plus profond de l’homme, où science et poésie ne font qu’un, ne sont qu’un seul acte : l’acte de la création continuée de l’homme par l’homme, résolument orienté vers l’invention du futur.
    Un véritable dialogue des civilisations n’est possible que si je considère l’autre homme et l’autre culture comme une partie de moi-même qui m’habite et me révèle ce qui me manque. Grâce à lui des dimensions perdues renaissent en moi, des émotions que l’on croyait englouties, des beautés et des émerveillements que nous croyions oubliés.
    Par lui je découvre d’un même mouvement ce qui me manque et ce que je dois recevoir de l’autre, de toutes les autres cultures et civilisations, pour devenir un homme total.
    Depuis des siècles, la civilisation dite occidentale, en plaçant au premier plan l’efficacité scientifique et technique et, en détruisant systématiquement les autres valeurs, a réussi à imposer sa suprématie au monde entier.
    Aujourd’hui, cette conception unilatérale du développement suscite l’angoisse pour l’avenir même du monde, non seulement en raison des possibilités nucléaires de destruction de la planète qui risque de mettre fin à l’épopée humaine commencée il y a trois millions d’années, mais aussi en raison des risques de destruction de l’environnement, de pollution et d’épuisement des ressources naturelles, de manipulation et de conditionnement de l’homme, de désintégration du tissu social.
    Autre motif de cette inquiétude : l’écart croissant entre les niveaux de vie des pays dits « développés » et des pays du Tiers-monde. Cet écart découle d’une conception unilatérale du développement : la croissance pour la croissance, sans finalité humaine.
    Ainsi, les problèmes posés mettent en péril l’avenir même de la planète. A cet égard, le dialogue des civilisations est essentiellement la prise de conscience que les finalités, les valeurs et le sens de notre commune histoire, ne peuvent pas être définis à partir du seul « humanisme occidental ». Nous devons, répétons-le, perdre l’illusion que l’Occident a été et sera le seul centre d’initiatives historiques et de créations de valeur.
    Nous ne résoudrons les problèmes dont nous portons la responsabilité que par une nouvelle rencontre et un dialogue avec les sagesses et les révoltes d’Asie, d’Afrique, d’Islam et d’Amérique latine. Ainsi seulement nous parviendrons à concevoir et à vivre des rapports nouveaux et plus riches entre l’homme et la nature, des rapports autres que techniques ou conquérants.
    Nous pourrons alors établir entre les hommes des rapports qui ne soient ni individualistes, ni totalitaires mais communautaires, tout comme il importe qu’une communication s’établisse avec l’avenir et avec le divin sans qu’il s’agisse pour autant d’une simple extrapolation de la réalité actuelle, à la manière des futurologues positivistes américains du genre d’Herman Kahn. Dans cette voie positiviste, il n’y a que guerre préventive contre l’avenir et colonisation de l’avenir par le passé et le présent, alors que l’avenir est émergence poétique du nouveau et ouverture vers « l’Autre » et le « Tout Autre ».

     

    Comment favoriser
    la nouvelle rencontre ?

     

    Aujourd’hui, l’essentiel est peut-être d’inverser les perspectives, de mettre fin à l’hégémonie de la culture occidentale et de tendre à réaliser une unité symphonique.
    Nous avons évoqué les méthodes successives employées par l’Occident pour se développer en sous-développant le reste du monde. Le colonialisme n est pas mort.
    Au delà d’échanges inégaux - de plus en plus difficiles à maintenir depuis la crise du pétrole et de l’ensemble des matières premières, qui ont provoqué une véritable révolte du Tiers-Monde -, si nous souhaitons connaître un développement constructif et non convulsif, il nous faut d’abord modifier un certain nombre de nos comportements économiques, politiques et culturels. Sur ce dernier point, des initiatives sont particulièrement nécessaires.
    Ce que nous appelons pompeusement la science devrait s’appeler plus modestement la science « occidentale ». Un changement radical de perspectives est à opérer. Pas seulement une « réforme de l’enseignement », qui ne serait qu’une meilleure adaptation de l’enseignement pour atteindre les mêmes fins, mais une véritable « révolution culturelle », qui ne consiste pas à modifier les moyens, les méthodes, les structures, mais les finalités de l’éducation.
    Pour opérer cette révolution culturelle, il faut que :
    1) L’étude des civilisations non occidentales occupe dans les études une place au moins aussi importante que celle de la culture occidentale.
    Je prends mon exemple personnel. Agrégé de philosophie, j’ai passé mes examens sans connaître un seul mot des philosophes de l’Inde, de la Chine et de l’Islam. La philosophie est comprise en Occident dans un sens profondément restrictif. On la considère comme une recherche purement intellectuelle et non comme une manière de vivre.
    La remarque vaut aussi pour la littérature. L’homme « cultivé » ne peut se procurer, en France, une traduction complète du Ramayana qu’à la Bibliothèque Nationale et on ne dispose que depuis quelques mois d’une petite traduction du Gilgamesh, etc... En dehors des spécialistes, nous sommes d’une ignorance insondable pour tout ce qui se rapporte à la culture non occidentale.
    2) Que l’esthétique occupe une place au moins aussi importante que l’enseignement des sciences et des techniques.
    Une œuvre d’art doit être considérée non comme le reflet d’une réalité déjà existant mais comme le projet d’un monde à construire.
    J’entends par enseignement esthétique non pas une théorie, une métaphysique du beau, totalement inutile, comme, d’ailleurs, toute métaphysique, mais, à la fois une pratique des arts et une réflexion sur l’acte créateur : peinture danse, architecture, sculpture musique, théâtre...
    Cela implique une inversion radicale de nos conceptions occidentales scientistes et technocratiques.
    3°) Que la prospective - l’art d’imaginer le futur - et la réflexion sur les fins ait au moins autant d’importance que l’histoire.
    Telles sont, à mon sens, les trois mutations essentielles qu’un véritable dialogue des civilisations peut apporter à notre système d’éducation. Cet enseignement nouveau ne doit pas seulement s’adresser aux enfants, mais, sous forme d’éducation permanente, aux masses dans leur ensemble. Pour atteindre cet objectif, diverses initiatives sont nécessaires.
    Lorsque a lieu, par exemple, une exposition, l’art occidental, tient toujours un rôle primordial sinon unique, même à titre de référence - ceci, à l’échelle mondiale.
    Lors des Olympiades de Munich fut organisée une exposition d’art mondial, d’où l’on ressortait avec l’impression que le Japon n’existait que depuis l’époque des impressionnistes et l’Afrique depuis l’expressionnisme allemand et le cubisme français. Tout était jugé avec une optique occidentale.
    A l’exposition « universelle » d’Osaka, au Japon, on a juxtaposé des œuvres orientales et occidentales sans chercher à montrer l’interpénétration des unes par les autres. Nous pourrions multiplier les exemples.

    Or, il est possible de remplacer ces expositions très coûteuses - les frais d’assurance pour le transport de chefs d’œuvre sont considérables - par des expositions de reproductions de haute qualité des œuvres primordiales de la culture mondiale. Une exposition groupant cent œuvres maîtresses présentant cent visages des hommes et des dieux ne devrait pas en comprendre plus de vingt d’origine occidentale, pour respecter la perspective de trois millénaires d’histoire.
    On rétablirait ainsi le contact entre les peuples et leur propre culture dont ils se trouvent séparés.
    Nous avons déjà rappelé combien les trésors d’art de l’Afrique ont été livrés au pillage. Et cela est vrai de l’Océanie, littéralement écumée, de la Chine et du Japon. La technique nous permet, aujourd’hui, d’universaliser la culture, en reproduisant avec précision des œuvres de toutes sortes, au moyen de matériaux très légers, robustes et peu coûteux.
    Des reproductions en résines synthétiques permettent, en outre, de lutter contre la spéculation sur les œuvres d’art qui encombrent actuellement les coffres des banques, les soustrayant ainsi à la contemplation en créant une confusion permanente entre valeur marchande et valeur esthétique.
    La sculpture nous permet de mieux relativiser l’importance de l’apport occidental. Mais, la peinture ne doit pas être négligée. Je pense, en particulier, aux œuvres Song, aux estampés japonaises et aux grandes fresques indiennes que la technique de la reproduction nous permettrait de situer à leur vraie place : l’une des premières du monde.
    Ainsi pénétreraient partout les chefs d’œuvre du génie de tous les peuples. Rien n’empêcherait que de telles expositions soient organisées dans la plus modeste Université ou dans une petite ville de province.
    Il ne suffirait pas de juxtaposer les œuvres exposées. L’on devrait situer chacun d’elles dans son contexte historique en précisant ce qu’étaient les techniques de l’époque, la vie sociale, politique religieuse, les autres formes d’arts tels que le théâtre, la musique...Ce qui permettrait de déchiffrer en chaque œuvre un moment de la création de l’homme par l’homme.
    Pour éliminer l’idée de réalisations ponctuelles, il importerait d’expliquer ce qui marque, dans chaque œuvre, à la fois un point de convergence des influences reçues et un point de rayonnement des influences exercées par elle.
    La même démarche doit être tentée pour les grandes œuvres musicales ou poétiques de l’humanité, pour l’histoire aussi des peuples, en une sorte d’Encyclopédie sonore du monde sur mini-cassettes. Les chefs-d’œuvre de l’humanité seraient ainsi à la portée de tous. Qui connaît en Europe, en dehors des spécialistes, le Gamelan de Bali, les musiques de l’Inde et celles de la Chine ?
    Les grands poèmes comme le Ramayana, les épopées comme celle du Gilgamesh ou du Popol Vuh, les hymnes védiques, la poésie d’amour mystique des Soufis persans et arabes, présentés sous forme populaire ne seraient plus seulement accessibles à quelques spécialistes. Il suffirait d’adapter à nos sociétés modernes la fonction qu’exercèrent autrefois les conteurs populaires qui racontaient l’Histoire de cette création de l’homme.
    Dans le même esprit, peut-être brossée la « fresque filmée de l’épopée humaine ». On utiliserait aussi bien des films de très court métrage, flashes destinés à être projetés dans les expositions pour situer une œuvre dans son ensemble, que des séries de films, présentés sous une forme populaire et dramatique, constituant autant de synthèses scientifiques de qualité, mais aussi un immense « reportage » couvrant dix mille ans d’histoire, passionnant comme un roman - celui de l’aventure humaine.
    Ainsi pourrait se réaliser, dans un délai assez court, la grande inversion de perspectives de la culture mondiale, non pour nier ou rejeter la culture occidentale mais pour la relativiser et pour prouver qu’on ne parviendra pas à résoudre, en partant seulement d’elle, les problèmes redoutables qu’elle continue de poser.

     

    Que pouvons-nous attendre
    de cette nouvelle rencontre ?

     

    On peut espérer obtenir trois résultats de cette conception symphonique de la culture.

    - Relativiser notre conception occidentale.

    Nous devons absolument prendre nos distances par rapport à notre culture et à notre système de développement, par rapport aussi à notre projet de civilisation - ou plutôt notre absence de projet.
    Notre postulat implicite : « Tout ce que la technique permet doit être accompli », ne peut conduire l’Occident et le monde qu’à la faillite.
    Un nouveau dialogue des civilisations permettra de défataliser l’avenir, d’apprendre à concevoir et à réaliser d’autres possibles, de retrouver un équilibre avec la nature.
    Relativiser signifie également réviser nos rapports avec les autres hommes, ne pas imaginer que nous devons imposer nos projets d’une manière contraignante. Cette dernière attitude, la plus conservatrice qui soit, émane de milieu traditionnellement conservateurs mais aussi, malheureusement, de certains partis révolutionnaires qui ont la prétention d’apporter « du dehors » la conscience révolutionnaire aux masses.
    Le plus important est de créer les conditions qui permettront à chacun de concevoir et de vivre d’autres possibles et de favoriser l’autodétermination des fins. Ce qui exige nombre de transformations sociales afin que l’étau qui enserre l’homme dans des besognes quotidiennes soit relâché.
    Les loisirs connaissent, eux aussi, la pollution. Au delà d’une certaine cadence de travail, il n’y a de place que pour des loisirs passifs, par exemple : ouvrir la télévision et subir les âneries infantiles de ces directeurs de conscience inconscients que sont en général « les animateurs » du petit écran. Une statistique de l’UNESCO révèle que, pour l’ensemble des programmes d’un bon nombre de pays - dont ceux des Etats-Unis, du Japon, et de la France le niveau mental des émissions ne dépasse pas celui d’un enfant de onze ans.
    Il est indispensable de donner à chacun le temps de la contemplation qui permet de prendre ses distances par rapport à soi-même et de participer.
    Décentrer notre vision du monde par rapport à notre « petit moi ».
    Les civilisations non occidentales nous apprennent essentiellement que l’individu n’est pas le centre de toutes choses. Leur plus grand mérite consiste à nous faire découvrir l’Autre et le Tout-Autre, sans arrière-pensée de concurrence et de domination.
    Nous ne concevons les rapports entre les hommes que sous forme de délégation de pouvoirs. C’est ce que Rousseau appelait déjà, dans le Contrat Social une aliénation.
    La conception statistique de l’homme, qui forme l’ossature des démocraties parlementaires dites représentatives, est particulièrement appauvrissante pour l’individu.
    Il importe essentiellement que nous apprenions d’autres civilisations le vrai sens d’un rapport humain associatif dans lequel chaque activité se trouve prise en charge par une communauté responsable. Il s’agit de passer d’une démocratie représentative à une démocratie participative, fondée non pas sur une délégation de pouvoirs mais sur des associations à tous les niveaux.
    Finaliser notre action.
    Notre civilisation a commis une erreur fondamentale. Elle a transformé le grand rationalisme cartésien, spinoziste et hégélien, en un petit rationalisme étroit : celui du positivisme. Simple description, la science n’a pas conscience de sa relativité.
    Auguste Comte prétendait très dogmatiquement isoler certains faits pour les relier ensuite par un rapport de cause à effet.
    Les éléments d’analyse scientifique, lorsqu’on les considère séparément, conduisent à un racornissement de la science elle-même.
    Dans le Hasard et la nécessité de M. Jacques Monod, l’on éprouve une sorte de plaisir esthétique à découvrir la manière dont il explique la naissance de la vie, sans être persuadé que ce soit l’explication dernière. Mais quand, partant de là, il extrapole et parle de problèmes qu’il ignore complètement, comme par exemple le Marxisme, et plus généralement ce qu’est l’homme au delà de son existence biologique, on a l’impression que Jacques Monod partage une illusion qui fut celle de Lamétrie au XVIIIe siècle dans son ouvrage sur « l’homme-machine » : la mécanique étant la Science la plus avancée de son époque, elle fonctionnerait parfaitement dans d’autres domaines. Lamétrie a pensé qu’on pouvait l’appliquer à la biologie, et pas seulement à la biologie des animaux, comme le croyaient Descartes et Malebranche, mais aussi à l’homme.
    Monsieur Jacques Monod se comporte de la même manière aujourd’hui, non plus avec la mécanique mais avec la cybernétique, donnant ainsi une valeur absolue à un simple moment de la science.
    Quand se souviendra-t-on donc que tout ce que je dis de l’homme, c’est un homme qui le dit ? C’est une conception toujours révisable. On ne combattra jamais assez ce genre de dogmatisme, le plus dangereux de tous, en insistant sur les autres aspects, esthétiques ou spirituels, de la vie, sur le contact immédiat avec « l’autre » homme et avec la nature.
    Cet état d’esprit permet une ouverture sur l’avenir en privilégiant l’émergence poétique de l’homme. L’avenir n’a de sens que dans la mesure où il est création véritable.

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    Jeudi 14 août 2008






    Suite de Conmment construire
    l'unité humaine -
    par Roger Garaudy




    2) -- Par une mutation
    politique



    Comment créer un ordre politique à visage humain

    Toute démocratie fondée sur la seule défense de l'individu abstrait sans tenir compte de son pouvoir réel (ex: ceux du possédant ou du chômeur) ne peut conduire qu'à l'élection d'une majorité statistique, où, chacun poursuivant ses intérêts propres, et concurrent de tous les autres sur le marché (marché du travail ou marché du commerce) la résultante -- comme disait déjà Marx -- est quelque chose que personne n'a voulu.

    Pour établir une comparaison: lorsqu'on parle de produit national brut par tête d'habitant, le chiffre global ne signifie rien: il est une moyenne entre les revenus du milliardaire et celui du chômeur. Cette moyenne ne correspond à aucune réalité concrète.

    La coalition des intérêts (corporatifs, ou de classes), ou d'objectifs communs aux membres d'un groupe particulier n'apporte pas davantage la réalité d'un projet commun (Rousseau disait: "une volonté générale" ) à la société globale.

    Enfin, et surtout de nos jours, la manipulation des opinions publiques par les médias possédés par quelques grands monopoles ou quelques grandes puissance (qu'il s'agisse de Bill Gates ou de Murdoch, de la CNN ou des télévisions, dites nationales servant les intérêts du gouvernement en place, ou des lobbies les mieux structurés et financés), crée une pensée unique du politiquement correct.

    Les coalitions de droite ou de gauche pratiquent dès lors la même politique et le désintérêt de la population (en France comme aux Etats-Unis) s'exprime par une abstention électorale de plus en plus massive.

    Tels sont les éléments majeurs de l'imposture de la démocratie occidentale, qui ne constitue d'ailleurs pas un obstacle aux dictatures sur lesquels elles débouchent finalement, soit de façon directe, comme ce fut le cas pour Hitler qui arriva au pouvoir par le jeu régulier de ce genre de démocratie, c'est-à-dire en recueillant une majorité absolue au Parlement, soit sous forme indirecte lorsqu'un Etat démocratique plus puissant amène au pouvoir des dictatures pour protéger ses propres intérêts. Les Etats-Unis, sont le modèle du camouflage du parti unique, avec, pour le public, ses deux variantes officielles: démocrates ou républicains, constituant en fait le parti unique de l'argent, avec des équipes différentes se partageant les dépouilles (c'est à dire les postes dirigeants ou les prébendes) lorsqu'ils remportent la victoire. Ils appuient, avec la même force, les dictatures de l'autre Amérique, et votent avec la même unanimité les crédits pour Israël, ou les mêmes veto à toute sanction contre ses violations des décisions de l'O.N.U., ou les mêmes agressions contre quiconque prétend s'opposer à leur domination mondiale, ou défier leurs embargos.

    Qu'est- ce qu'une démocratie?

    Etymologiquement démocratie signifie: gouvernement par le peuple et pour le peuple. Or, le principal théoricien de la démocratie, celui dont se réclamait la Révolution française, Jean Jacques Rousseau, dans son Contrat social, dit clairement, déchirant tous les mensonges des prétendues "démocraties occidentales": "A prendre le terme dans la rigueur de l'acception, il n'a jamais existé de démocratie véritable." Et ceci pour deux raisons.

    1/ -- l'inégalité des fortunes, qui rend impossible la formation d'une volonté générale, opposant au contraire ceux qui ont et ceux qui n'ont pas.
    2/ -- l'absence d'une foi en des valeurs absolues qui fassent à chacun aimer ses devoirs au lieu de laisser régner la jungle d'un individualisme, où, chacun se croyant le centre et la mesure des choses, est le concurrent et le rival de tous les autres. (Contrat social, Ed. Pléiade, p. 468).

    Il n'avait alors qu'un exemple historique d'une prétendue démocratie: celui de la Grèce antique. L'on enseigne, aujourd'hui encore, à nos écoliers, qu'elle est la mère des démocraties, en ne rappelant pas que dans cette démocratie athénienne à son apogée (au temps de Périclès au Ve siècle) il y avait vingt mille citoyens libres, constituant le peuple et possédant le droit de vote, et cent dix mille esclaves n'ayant aucun droit. Le vrai nom de cette démocratie serait: une oligarchie esclavagiste.

    Or, cet usage menteur du mot démocratie n'a cessé de régner en Occident.

    -- La Déclaration de l'Indépendance américaine, proclamée le 4 juillet 1776 (l'année de la mort de J.J. Rousseau), "considère comme des vérités évidentes par elles mêmes que les hommes naissent égaux; que leur Créateur les a doués de certains droits inaliénables: la vie, la liberté...". Or la constitution née de cette déclaration solennelle maintient l'esclavage pendant plus d'un siècle.

    Démocratie pour les blancs, pas pour les noirs.

    -- La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de la Révolution française de 1789, affirme que "tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". En ses articles 14 et 15, elle précise même que "tous les citoyens ont le droit de participer à l'élaboration de la loi". Or, la Constitution dont cette Déclaration constitue le préambule, n'accorde le droit de suffrage qu'aux possédants*: les autres, c'est-à-dire trois millions de Français sont déclarés citoyens passifs, les citoyens actifs (électeurs) selon l'expression de Sieyes, père de cette Constitution, sont "les vrais actionnaires de la grande entreprise sociale.". Avant lui, le plus grand philosophe français du siècle, Diderot, écrivait dans son Encyclopédie (article: Représentant: "le propriétaire seul est citoyen. "

    Démocratie pour les propriétaires, pas pour le peuple.

    En 1848 est instauré le suffrage universel, mais seulement pour les hommes.

    La moitié de la nation (les femmes) en est exclue.

    Démocratie pour les hommes, pas pour les femmes.

    L'on pourrait multiplier les exemples.

    Celui d'Israël est typique. Il nous est présenté comme le modèle de la démocratie. Or, dans son livre significativement intitulé: Le Caractère juif de l'Etat d'Israël, le Professeur Claude Klein, directeur de l'Institut de droit comparé à l'université hébraïque de Jérusalem, nous apprend (à la page 47 de son livre), que la loi adoptée par la Knesset en 1970, en son article 4, donne cette définition du juif (qui confère le droit au retour et à la citoyenneté): "est considéré comme juif celui qui est né de mère juive ou qui s'est converti au judaïsme, et qui n'appartient pas à une autre religion." Critère racial et critère confessionnel nous ramènent ainsi au temps de l'Inquisition espagnole exigeant la pureté du sang et la conversion au catholicisme.

    Démocratie pour les juifs, pas pour les autres.

    Mais l'exemple le plus révélateur de cette imposture de la démocratie à l'occidentale, et le plus actuel, car sur lui se fondent toutes les formes d'un prétendu droit d'ingérence au nom de la défense des droits de l'homme, c'est la "Déclaration universelle des droits de l'homme " proclamée par les Nations Unies en 1948.

    Pour nous en tenir à quelques exemples, elle proclame:

    -- Article 1. " Tous les êtres humains sont libres et égaux en dignité et en droit ... "
    avec les précisions suivantes:
    -- Article 23, 1. " Chacun a droit au travail.... " alors qu'il y a 35 millions de chômeurs dans le monde dit riche et des centaines de millions de sans emploi et d'exclus dans le Tiers Monde.
    -- Article 25, 1. " Chacun a droit à un niveau de vie lui assurant la santé et le bien être... " alors qu'aux Etats-Unis même, 33 millions d'êtres humains vivent en dessous du seuil de pauvreté, et qu'il en est de même, dans le Sud, pour les trois cinquièmes de l'humanité.
    -- Article 25, 2. " Les mères et les enfants ont droit à une assistance et des soins particuliers ", alors que le bulletin de l'UNICEF de 1994 nous apprend que treize millions et demi d'enfants meurent chaque année de faim, de malnutrition ou de maladies aisément guérissables, et qu'aux Etats-Unis même, un enfant sur huit ne mange pas à sa faim. (15)

    Deux questions fondamentales se posent ici:

    1/- Quand on parle de l'homme, de quel homme s'agit-il?: le blanc? le propriétaire? l'Occidental?

    2/ -- Que signifie un droit pour un homme qui n'a pas les moyens de l'exercer?

    Que signifie, par exemple, le droit au travail pour des millions de chômeurs? Le droit à la vie pour des millions d'êtres humains qui, dans le monde non occidental, meurent, pour qu'en Occident les privilégiés puissent poursuivre librement leurs gaspillages?

    En outre, qui dispose du pouvoir d'ingérence? Existe-t-il un peuple africain disposant de ce droit pour mettre fin aux discriminations raciales des Etats-Unis? Pour sanctionner par exemple les crimes de Los Angeles? Les interventions militaires pour la défense des frontières s'appliquent de façon sauvage lorsqu'il s'agit de défendre les pétroles américains du Koweït, mais aucune sanction n'intervient, malgré un vote unanime des Nations Unies, lorsqu'Israël annexe Jérusalem.

    Nous pourrions multiplier les exemples de cette jungle où règne la loi du plus fort sous prétexte de défense de la démocratie: le soutien de Pinochet et de toutes les dictatures dans le monde lorsqu'elles servent les intérêts américains, et leur écrasement lorsqu'elles cessent de les servir, du général Noriega au Panama, recevant de Bush, directeur de la C.I.A., tant qu'il est un agent fidèle, le même traitement qu'un président des Etats-Unis, et subissant une invasion de son pays lorsqu'il revendique ses droits légitimes sur le Canal, à Saddam Hussein que l'on appelait en France, dans un livre: Le de Gaulle irakien lorsqu'il recevait argent et armes pour combattre l'Iran, et qui devient brusquement le nouvel Hitler lorsqu'il tente de résister à l'intervention coloniale des Etats-Unis et de leurs laquais.

    Le mensonge fondamental, justifiant tous les crimes au nom de la démocratie (comme le maintien de l'embargo contre l'Irak qui tue des milliers d'enfants au nom de la défense des droits de l'homme), est fondé sur une identification hypocrite de la liberté du marché avec la liberté de l'homme.

    Une authentique démocratie ne peut donc être fondée sur une toujours faussée et menteuse Déclaration universelle des droits de l'homme mais sur une Déclaration universelle des devoirs de l'homme, dont les principes inspirateurs pourraient être les suivants:

    Une déclaration universelle des devoirs de l'homme.

    Préambule

    L'Humanité, dans la diversité de ses composantes, est un tout indivisible.

    Le devoir primordial des communautés et de leurs membres est de servir cette unité et son développement créateur.

    Distinguant l'homme de l'animal, ce devoir est le fondement de tous les autres.

    Il exclut toutes les tyrannies et garantit tous les droits.

    Il exclut toute prétention à l'exclusivité et à la domination d'une croyance, d'une nation, d'un groupe comme d'un individu.

    Il garantit la liberté d'expression à tout humanisme (c'est-à-dire à toute doctrine servant les intérêts de l'humanité comme un tout), come la liberté d'expression, de foi ou de pratique à toute religion (c'est-à-dire à toute croyance attribuant une origine divine à cette unité); à toute aspiration nationale apportant la contribution de sa culture spécifique à la symphonie de cette unité mondiale; à l'épanouissement, en tout individu (quel que soit son sexe, son origine, sa vocation) de toutes les possibilités créatrices qu'il porte en lui.

    Le monde, aujourd'hui, est un.

    Son unité de fait est lourde de menaces.

    Son unité à créer est porteuse d'espérance.

    * * *

    I -- L'unité de fait est lourde de menaces.

    Les plus merveilleuses avancées de la science et de la technique, servent plus souvent à la destruction de l'humain qu'à son épanouissement s'ils ne sont orientés par aucun dessein universel, par aucune réflexion sur le sens de la vie.

    La science et la technique nous donnent en effet des pouvoirs et des moyens illimités, mais ne peuvent nous désigner nos fins dernières.

    Un monde fondé sur une conception quantitative du bonheur qui n'a d'autre but que de produire et de consommer de plus en plus et de plus en plus vite n'importe quoi, au point que les trafics aujourd'hui les plus fructueux sont ceux des armements et de la drogue.

    Dans ce monde où les fortunes s'acquièrent par la spéculation financière plus que par le travail producteur de biens et de services, toutes les dérives conduisent à la jungle, sans autre loi que celle du plus fort, celle de la violence et du chaos.

    La destruction de l'humain, par le monothéisme du marché et l'idolâtrie de l'argent, suscite des réactions de révolte et d'évasion.

    Evasion dans la drogue ou les tranquillisants, dans la déchéance de l'art en divertissement pour oublier le réel et le sens, cultivant la nouveauté pour la nouveauté, fut-elle absurde, ou le spectacle non pour l'éveil mais pour l'hébétude ou la transe.

    Révoltes nées de l'éclatement des cadres anciens de la vie sociale: les familles, les églises et les nations.

    Déchéance de ce qui fut la foi, dans le foisonnement des intégrismes, des superstitions ou des sectes.

    Exaspération des nationalismes archaïques par la mythologie d'entités ethniques conduisant à la désintégration du tissu social en unités de plus en plus petites et non viables.

    Cette dégénérescence des nationalismes politiques et des intégrismes religieux universalise la violence dans un désordre international nouveau qui n'a plus de loi ni de droit, et des vies personnelles que ce désordre tend à priver de sens et d'avenir.

    II- L'unité a créer est porteuse d'espérance

    Que la vie ait un sens ne se démontre pas.

    Qu'elle n'en ait aucun ne se démontre pas non plus.

    Un pari est donc primordial pour arrêter les dérives vers un suicide planétaire.

    Un pari avec ses refus.

    Un pari avec ses projets.

    Les refus d'un ordre ancien dépassé:

    -- La propriété ne peut plus être le droit individuel d'user et d'abuser, qui a conduit à la polarisation de la richesse aux mains de minorités au détriment des multitudes.

    -- La nation ne peut plus être une fin en soi dont la volonté de puissance et de croissance conduit à des guerres et à des affrontements sans fin.

    -- La religion ne peut plus être la prétention de détenir la vérité absolue, qui implique le droit sinon le devoir de l'imposer aux autres, et qui a justifié les inquisitions et les colonialismes.

    Les projets d'un avenir qui n'est pas ce qui sera mais ce que nous ferons.

    La mutation radicale, qui seule peut assurer une nouvelle floraison de l'humanité, et même sa simple survie, exige le passage de l'individualisme, où chacun se considère comme le centre et la mesure de toute chose, à la communauté dont chaque membre se sent responsable du destin de tous les autres (la liberté de l'autre n'est pas la limite de ma propre liberté mais sa condition); du positivisme, fondé sur la croyance superstitieuse selon laquelle la science et la technique peuvent résoudre tous les problèmes, y compris celui du sens de notre vie, et devenant une religion des moyens, à la foi, que les uns appellent foi en Dieu et les autres foi en l'homme, mais qui est toujours foi dans le sens de la vie et de l'unité du monde.

    Du particularisme, privilégiant les intérêts d'un individu, d'un groupe ou d'une nation contre ceux du tout. Aucune action ne peut être créatrice d'un avenir à visage humain si elle n'est pas fondée sur la considération première du tout et ne s'y ordonne.

    La situation du monde, au seuil du troisième millénaire nous impose ce choix:

    -- l'inconscience de l'anarchie d'une guerre de tous contre tous, qui, au niveau actuel de nos pouvoirs, conduit à la mort,

    ou

    -- la conscience de la primauté absolue du tout pour sauver l'espérance, c'est à dire la vie.

     

    Projet de déclaration des devoirs de chaque homme et de tout homme

    1 -- L'humanité est une seule communauté, mais non par l'unité impériale de domination d'un Etat ou d'une culture. Cette unité est au contraire symphonique, c'est à dire riche de la participation de tous les peuples et de leur culture.

    2 -- Tous les devoirs de l'homme et des communautés auxquelles il participe découlent de sa contribution à cette unité: aucun groupement humain, professionnel, national, économique, culturel, religieux, ne peut avoir pour objet la défense d'intérêts ou de privilèges particuliers, mais la promotion de chaque homme et de tout homme, quel que soit son sexe, son origine sociale, ethnique ou religieuse, afin de donner à chacun la possibilité matérielle et spirituelle de déployer tous les pouvoirs créateurs qu'il porte en lui.

    3 -- La propriété, publique ou privée, n'a de légitimité que si elle est fondée sur le travail et concourt au développement de tous. Son titulaire n'en est donc que le gérant responsable.

    Nul intérêt personnel, national, corporatif ou religieux, ne peut avoir pour fin la concurrence, la domination l'exploitation du travail d'un autre ou la perversion de ses loisirs.

    4 -- Le pouvoir, à quelque niveau que ce soit, ne peut être exercé ou retiré que par le mandat de ceux qui s'engagent, par écrit, pour accéder à la citoyenneté, à observer ces devoirs. Les titulaires peuvent en être exclus par leurs pairs s'ils en dérogent.

    Il ne comporte aucun privilège mais seulement des devoirs et des exigences.

    Poursuivant le même but universel il ne peut s'opposer en rival à aucun autre pouvoir.

    5 -- Le savoir ne peut, en aucun domaine, avoir la prétention de détenir la vérité absolue, car cet intégrisme intellectuel engendre nécessairement l'inquisition et le totalitarisme.

    La création étant le propre de l'homme elle ne peut être aliénée ou remplacée par aucune machine, si sophistiquée soit elle, sans déchoir en idolâtrie des moyens ( qui exclurait tout fondement du devoir ).

    6 -- Le but de toute institution publique ne peut être que la Constitution d'une communauté véritable c'est à dire, à l'inverse de l'individualisme, d'une association en laquelle chaque participant a conscience d'être personnellement responsable du destin de tous les autres.

    7 -- La coordination universelle de ses efforts de croissance de l'homme peut seule permettre de résoudre les problèmes de la faim dans le monde et de l'immigration, comme du chômage forcé ou de l'oisiveté parasitaire, et de donner à chaque être humain les moyens d'accomplir ses devoirs et d'exercer les droits que lui confère cette responsabilité.

    Elle exclut donc tout privilège de puissance, qu'il s'agisse de Veto, de pressions militaires ou financières ou d'embargos économiques.

    Il n'appartient qu'à la communauté mondiale -- sans différenciation numérique -- de veiller à l'observance universelle de ces devoirs.

    Une télévision contre la société

    Nulle part cette déclarations des devoirs, avec les serments et les sanctions qu'elle implique n'est plus nécessaire que lorsqu'il s'agit de ce qui est aujourd'hui le cancer mortel des démocraties occidentales: la télévision.

    Nous en traitons au chapitre de la politique car c'est là qu'elle exerce le plus évidemment son pouvoir et ses ravages: ni la famille, ni l'Eglise, ni l'école n'ont aujourd'hui une influence comparable sur les mentalités et les comportements.

    L'on a déjà dit à propos de la démocratie athénienne: tout y dépendait du peuple et le peuple de la parole (de ses sophistes et de ses rhéteurs).

    L'opinion publique, censée aujourd'hui s'exprimer dans des élections (de plus en plus désertées par les abstentions tant leur influence sur la vie est si peu réelle) est dans l'étroite dépendance de la télévision, qu'elle soit un organe de l'Etat et du gouvernement, ou des chaînes privées aux mains de grandes entreprises, ou qu'elle s'impose internationalement par le monopole mondial de la désinformation comme la CNN américaine.

    Leur caractère commun est d'être soumises aux lois du marché et à ce monothéisme du marché dont l'orthodoxie est rigoureusement contrôlée par les Etats-Unis.

    L'information (langage ou image) est une marchandise, soumise comme telle aux exigences de la concurrence et de la compétitivité, où l'argent exerce une censure plus implacable encore que les régimes les plus totalitaires.

    Elle dicte les programmes en fonction de l'audimat qui, sous prétexte que le consommateur aime çà, privilégie le sensationnel, la violence, le sexe ou la nouveauté à tout prix (la course au scoop excluant toute analyse, toute réflexion critique, toute culture et toute compréhension du fait pour être le premier à livrer la pâture.)

    Le sensationnel est primordial.

    Qu'est-ce qu'un fait journalistique? Ce n'est pas ce qui vous aide à prendre conscience des tendances lourdes de la société, à vous situer en elle et à vous suggérer votre responsabilité dans ses inflexions. C'est ce qui fait vendre lorsqu'il s'agit de la presse écrite ou augmente l'audimat de la chaîne télévisée (et par conséquent le volume et le tarif de publicité qui en découlent).

    Si vous aimez votre femme, cela n'intéresse personne. Si vous la tuez, c'est déjà un fait divers qui vous vaudra un entrefilet dans le journal ou 27 secondes au journal télévisé. Si vous la coupez en morceaux, cela vaut une colonne ou trois minutes d'émission. Si vous la mangez (comme le fit récemment un Japonais) c'est la gloire.

    L'exploitation commerciale de ce sadisme n'a point de bornes: depuis la projection en direct de l'agonie d'une petite fille dans un marécage, jusqu'à la présentation journalistique de l'exécution d'une femme condamnée à mort et achevée quatorze ans après son crime, en y ajoutant l'image de l'hilarité sadique de ceux qui apprennent la nouvelle et la fêtent dans un bistrot à grandes lampées de whisky.

    La violence aussi paye bien: le déferlement des thrillers américains en témoigne. Et, comme les MacDonalds, elle fascine tout particulièrement les enfants qui y trouvent même, outre l'agressivité croissante et la délinquance juvénile, des modèles de technique du meurtre dont il arrive de plus en plus souvent, et pour de plus en plus de jeunes, de s'inspirer.

    Pour les adultes l'image menteuse ou l'interview truqué ont une conséquence plus meurtrière encore: lorsqu'à Timisoara on tire de la morgue les cadavres d'une mère et d'un enfant (morts à des moments différents) et que le montage est réussi, l'on fait croire à un massacre sauvage qui conditionne l'opinion pour la modeler selon les besoins politiques du moment.

    Lorsqu'à la télévision américaine un témoin oculaire raconte comment des soldats irakiens ont tiré des nouveaux-nés de leurs couveuses et les ont fracassés sur le sol, le président Bush invoque ce témoignage pour faire accepter à l'opinion le massacre d'un peuple aussi barbare, et, plusieurs années plus tard, l'assassinat par l'embargo d'un enfant toutes les six minutes.

    Et puis, l'oeuvre accomplie, il est révélé que le témoin oculaire était la fille de l'ambassadeur du Koweït qui n'avait pas mis les pieds dans son pays au moment où s'y trouvaient les troupes irakiennes.

    C'est là l'un des chefs-d'oeuvre de l'efficacité de l'image, non seulement marchandise mais arme de guerre.

    Le dressage et la banalisation de la violence commence tôt. Les statistiques américaines estiment qu'un enfant de six à quinze ans dépense environ quarante heures par semaine à regarder la télé ou à manipuler des jeux vidéos (où l'on peut par exemple se prendre pour un champion sportif en tripotant des boutons sans effort pour réaliser une performance.)

    A tous les niveaux, la télévision cultive la passivité et s'oriente vers le nivellement par le bas, sous prétexte que le public veut çà, n'ayant en effet le choix qu'entre les productions de ces directeurs de conscience inconscients, des sous-hommes promus vedettes des spectacles de variétés et des programmateurs de films.

    Une anticulture, fabriquée à Hollywood par les élites monétaires du monde, est relayée, de Dakar à Paris ou à Taipeh, par les cinémas, les télévisions, les cassettes vidéo.

    La fréquentation des cinémas, l'audience des films, les relevés de prêts des vidéothèques, les taux d'écoute des télévisions l'attestent: l'écrasante majorité des images de la vie diffusées dans le monde tend à banaliser la violence et l'épouvante, et ce sont les thrillers; à exalter le mythe du plus fort et de l'invincible, de Tarzan à James Bond; le racisme, et ce sont les westerns; l'ordre et la loi, et ce sont les polars.

    Culte des idoles et idolâtrie de leurs plus fausses vies, avec tous les ersatz de la drogue et du décibel.

    Tel est le résultat de l'entrée de la télévision dans la logique du marché et de sa liturgie publicitaire.

    M. Hersant, énonçait clairement la loi dominante: "Je dis qu'un film est bon ou qu'un programme est bon lorsqu'il fournit un bon support aux messages publicitaires."

    Ainsi s'instaure la dictature de l'audimat, mesurant le nombre de téléspectateurs d'une émission. L'audimat conditionne à la fois les prix de la publicité et les crédits accordés aux programmes. L'un des producteurs d'émissions de variétés à TFI, M. Albert Ensalem, déclare à Télérama: "Plus on est au ras des pâquerettes, plus on fait de l'audience; c'est comme ça. Est-ce qu'on doit faire intelligent contre les téléspectateurs? Eux ils n'ont pas à réfléchir. Alors arrêtons de jouer aux donneurs de leçons."

    Il y a là une incitation permanente et décisive au racolage, à la démagogie, à la veulerie courtisane à l'égard d'une opinion publique manipulée par la publicité, les médias, la télévision elle-même qui, ainsi, ne raconte pas l'histoire, elle la fait. Dans le sens de l'abandon, de l'aveuglement du marché et de la désintégration de tout esprit critique et de tout esprit de responsabilité. Depuis les sondages faits non pour refléter l'opinion mais pour la manipuler, la suffocante ineptie des jeux télévisés et des loteries, faisant miroiter les chances de l'argent facile, jusqu'à des informations qui n'en sont pas, où l'on nous soumet à la contemplation hébétée des catastrophes du monde. Tout tend, par opportunisme commercial, à infantiliser l'opinion, sans rien, (sauf à dose homéopathique et après onze heures du soir) qui puisse nous aider à comprendre les événements de cette fin du deuxième millénaire, ou, au moins, nous montrer le spectacle d'une vie proprement humaine.

    L'argument selon lequel le public ne veut pas autre chose est une imposture: on ne lui laisse en effet choisir, dans les sondages, qu'entre le détestable et le pire.

    Gérard Philippe jouait le Cid devant un public de quinze mille spectateurs enthousiastes, et Jean Vilar faisait salle comble au palais de Chaillot comme dans des théâtres de banlieue en jouant aussi bien des tragiques grecs que des pièces de Bertold Brecht.

    Ce n'est donc pas le public qui est coupable, mais ceux qui le décivilisent.

    Il y a là une forme de pollution des esprits, plus dangereuse que tout autre atteinte à la santé de l'environnement naturel ou spirituel.

    C'est pourquoi, dans l'esprit de la Déclaration des devoirs, le prétendu libéralisme ne doit pas laisser le droit de tuer l'esprit comme les corps, à de prétendus journalistes vedettes qui n'ont même pas conscience des finalités et des responsabilités éducatrices de leur mission.

    Il est paradoxal qu'on exige des médecins, après leurs études professionnelles pour soigner les corps, un serment d'Hippocrate, et qu'à ceux qui, chaque jour, devraient avoir pour mission d'apprendre à des millions d'auditeurs ou de lecteurs à se poser des questions sur le train du monde et sur leur responsabilité personnelle, critique, dans la préparation du futur, on ne demande rien de semblable. Recrutés soit à partir d'écoles de journalisme plus enclines à enseigner des techniques d'efficacité que des réflexions sur les finalités, ou, pire encore, à partir de ratés des autres professions: faire un critique d'art ou de musique, de celui qui n'a pu devenir un créateur en peinture ou en musique, et qui n'en possède que des rudiments culturels propres à encenser les modes du jour ou les calculs des marchands, il ne leur est demandé aucune garantie de responsabilité.

    Pourquoi pas, comme au terme des études médicales, un serment d'Hippocrate, ne pas exiger, après leur avoir enseigné au moins des rudiments de culture et une interrogation véritable sur les finalités humaines de leur métier, un serment d'Hermès sur la déontologie du porteur de messages?

    Cela ne suffirait pas, mais déjà attirerait l'attention sur l'un des problèmes majeurs de notre temps. Ce n'est pas seulement une école qui peut suffire à ce redressement.

    Tous les membres de la société civile, doivent être associés au contrôle de la programmation et de la gestion de la télévision telles que des associations d'auditeurs et participants des organes fondamentaux de la société: syndicats ouvriers ou agricoles, universités, groupements culturels d'artistes ou de membres des professions libérales ou artisanales. Il s'agit d'obtenir le contrôle de tout un peuple et non pas de subir les dictatures ou les censures de tel ou tel parti, de telle entreprise de communication à finalité commerciale, de tels groupements de publicité qui financent et télécommandent les programmations.

    Là comme ailleurs il ne s'agit pas de réformes mais de mutation car en ce domaine comme en tout autre, de l'économie à la politique et à l'éducation, la pire utopie c'est le statu quo.


    3 -- Par une mutation
    de l'éducation



    Comment créer une éducation à visage humain?

    L'homme est l'animal qui crée des outils et des tombes.

    Depuis Darwin des savants ont recherché les " chaînons manquants " permettant de passer de l'anatomie des singes à celles des hommes. Peu à peu, du pithécanthrope, découvert à Java par Dubois en 1890, aux découvertes de Leakey en 1959 à Oldoway (en Afrique orientale) et à ses successeurs, ces chaînons se sont multipliés, mais même s'il existe encore des découvertes anatomiques, d'autres paléontologues, pour combler ces lacunes, le problème n'est pas seulement celui de la similitude des structures: l'on est assuré de la naissance de l'homme lorsqu'à proximité de tels ossements préhistoriques l'on trouve des outils et des tombes.

    C'est là que se situe la naissance de l'homme.

    Marx a marqué la différence fondamentale entre l'évolution biologique et l'histoire humaine: les animaux ont subi l'une en perpétuant les instincts, les hommes ont fait l'autre en transformant l'outillage et l'environnement.

    Sans doute le singe peut casser une branche ou ramasser un caillou pour assurer par exemple sa défense, mais il les rejette, le danger passé. L'homme, taillant un bâton ou un silex le conserve comme un moyen pour accomplir une multiplicité ultérieure d'actions. Ce détour est la première abstraction de l'acte de combattre, de tailler ou de construire.

    La tombe est un autre témoin: la dépouille d'un homme n'est pas abandonnée dans la nature pour y être dévorée par d'autres espèces animales, ou pourrir. Le fait de creuser la terre et de recouvrir le cadavre, ou d'arranger des pierres pour le protéger, parfois même de l'ensevelir avec ses armes ou même des ustensiles et des aliments, est la première affirmation que la mort n'est pas seulement la fin de la vie biologique, mais plutôt le passage à une autre forme d'existence. Celui qui a organisé cette première célébration d'un au delà de la vie animale a au moins posé une question sur l'avenir, fût-il mystérieux.

    Le mythe apportera une réponse à ce dépassement. Il est la naissance du sens au delà du fait. L'ébauche d'une transcendance, d'un franchissement de la réalité simplement perçue et subie, pour en expliquer l'origine ou pour en dessiner les fins.

    Tel est l'homme. Déjà trop grand pour se suffire à lui-même, et projetant en des héros qui le dépassent, le chemin de ses futures grandeurs: Prométhée inventant le feu et les arts, ou, pour les chinois, le légendaire empereur Yu le Grand qui maîtrisait les torrents et créait l'ordre dans la répartition des eaux.

    Ces mythes ne sont pas des ancêtres mineurs du concept, ils contribuent à le dépasser, ne se contentant pas, comme le concept, de découper le réel, mais anticipant le futur.

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2007/09/30/6373348.html


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    Jeudi 14 août 2008






    30/09/07

    Comment construire
    l'unité humaine,
    par Roger Garaudy

     

     

    1) -- Par une mutation économique


    A
    Un contre Bretton-Woods

    La seule politique qui ait aujourd'hui un avenir est celle qui résoudra les problèmes fondamentaux qui se posent à nous:

    Chômage

    Immigration

    Faim dans le monde, avec toutes les conséquences morales et culturelles qui en découlent.

    Ces trois problèmes n'en font qu'un. L'on ne nous offre que de fausses solutions.

    Les deux plus illusoires sont:

    -- ces problèmes seront résolus par la croissance;
    -- ces problèmes seront résolus par l'Europe.

    Ce sont là les mensonges les plus meurtriers.

    Aucun de nos problèmes vitaux ne sera résolu par la croissance.

    Les Etats et les partis politiques des pays occidentaux n'abordent jamais ainsi le problème. Au contraire.

    Cette croissance est présentée par les politiques et les médias, comme une panacée pour sortir de la crise et du chômage, alors que, depuis 1975, la croissance, obtenue par un accroissement de la productivité grâce au développement des sciences et des techniques, ne crée plus d'emplois, mais au contraire en détruit en remplaçant de plus en plus le travail de l'homme par celui des machines. En 1980, la Belgique produisait dix millions de tonnes d'acier avec quarante mille ouvriers; en 1990, elle en produit douze millions et demi avec vingt-deux mille ouvriers.

    La croissance est impulsée par les gains de productivité obtenus grâce à la science et aux techniques, qui permettent de remplacer une grande partie du travail humain par des machines, et, plus encore aujourd'hui, par le développement de l'informatique, de la robotique, des ordinateurs.

    Il serait absurde d'incriminer les sciences et les techniques. Le malheur vient de l'usage qu'on en fait.

    Par exemple, depuis 1970, la productivité, grâce à ces découvertes, a augmenté de 89%. C'est une chance pour l'humanité, pour lui épargner les tâches les plus répétitives. Mais c'est un malheur pour elle lorsque, dans la même période, la durée du travail n'a pas diminué et que le chômage a plus que décuplé. Cela signifie que l'accroissement de la productivité n'a pas servi l'ensemble de l'humanité mais seulement les propriétaires des moyens de production.

    Alors que ce serait un bienfait pour tous, si la durée de la semaine de travail était indexée sur la productivité.

    Ce serait un bienfait si cette augmentation des loisirs n'était pas récupérée par un marché des loisirs qui transforme le temps libre en un temps vide, vidé d'humanité par le genre de divertissements qu'on lui propose et qui ne favorise pas l'épanouissement physique et culturel. Cet espace de vie, au lieu d'aider l'homme à être un homme, c'est-à-dire un créateur, tend, en vertu du système du marché, à en faire un chômeur et, dans le meilleur des cas, un consommateur.

    Cela ne signifie pas que nous soyons hostiles à la croissance, et moins encore au progrès des sciences et des techniques lorsqu'il permet de réduire la peine des hommes et des femmes, et ne conduit pas à leur asservissement ou à leur aliénation, comme, pour ne citer qu'un exemple, les autoroutes de l'information pour manipuler l'opinion au service de l'hégémonie américaine.

    Mais la croissance et l'accroissement de la productivité, même avec les aménagements tels que l'indexation du temps de travail sur la productivité, ne résoudront pas le problème du chômage: tout au plus, en les assortissant, comme le veulent le patronat et le gouvernement, d'une compression des salaires et des protections sociales, ils peuvent permettre de grignoter quelques parts de marché sur le concurrent européen, américain ou japonais. Mais ils restent des expédients dérisoires.

    L'autre mensonge, après la croissance comme panacée, est celui de l'Europe.

    Aucun des problèmes vitaux ne peut être résolu dans le cadre de l'Europe.

    L'on nous promet, avec l'Europe, un marché de trois cents millions de clients en omettant de dire qu'il s'agit de trois cents millions de concurrents sur le marché du travail. Car les économies européennes ne sont pas, pour l'essentiel, complémentaires, mais rivales. Et plus encore les économies américaines et japonaises.

    Est-ce à dire que la seule alternative à l'Europe serait un repli nationaliste sur la France en l'enfermant dans des remparts protectionnistes? Ce serait au contraire l'asphyxie.

    La seule solution possible, c'est l'ouverture sur le monde dans sa totalité: tant que, après cinq cents années de colonialisme et cinquante années de FMI et de Banque Mondiale, subsiste ce monde cassé, avec son économie difforme où les deux tiers de la population du monde, dépouillés par l'Occident, ne sont pas solvables, demeureront juxtaposés le monde de la faim et celui du chômage. Même en raisonnant seulement en termes de marché comment espérer donner du travail aux uns, tant que des milliards d'hommes n'ont même pas le minimum nécessaire pour acheter leur nourriture?

    La seule solution possible pour répondre à la faim des uns, aux chômages des autres et à l'immigration des affamés dans leur quête illusoire du travail, c'est un changement radical de nos rapports avec le Tiers-Monde, mettant fin à la domination de l'Occident et à la dépendance du Sud, car c'est la dépendance qui engendre le sous-développement.

    Nous vivons dans un monde cassé: entre le Nord et le Sud, et, au nord comme au Sud, entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas. Les 20% les plus riches de la planète disposent de 83% du revenu mondial, les 20% les plus pauvres, de 1,4% (14).

    Lorsque le colonialisme pendant un demi-millénaire, et le système de Bretton depuis un demi siècle, ont créé de telles inégalités entre les peuples, le libre-échange suffit pour aggraver encore les dominations et les dépendances.

    Comment inverser les actuelles dérives?

    D'abord en détruisant le mythe baptisant démocratie la liberté du marché: le marché libre est l'assassin de la démocratie, par l'accumulation de la richesse à un pôle des sociétés et de la misère à l'autre.

    Ceci implique un certain nombre de décisions politiques tendant toutes à se libérer de la prétendue mondialisation de l'économie, c'est à dire de la volonté américaine de faire de l'Europe, et du reste du monde, une colonie ouvrant des débouchés à sa propre économie dans tous les domaines: de l'agro-alimentaire à l'aéronautique, de l'information au cinéma.

    Il devient chaque jour plus clair que Maastricht est une cause majeure des malheurs non seulement des agriculteurs, en exigeant des jachères, mais de tous les travailleurs en encourageant, sous prétexte de compétitivité européenne, le nivellement par le bas (sous le nom de "flexibilité") des conditions de travail, en liquidant toutes nos industries, de l'aviation à l'informatique, et en bafouant notre culture par l'invasion du cinéma américain et de la télévision américaine, en faisant de notre armée les supplétifs des interventions américaines.

    Quant à l'économie, l'article 301 de la loi américaine permet de protéger ses propres productions, alors que le GATT, (rebaptisé Organisation Mondiale de Commerce) impose à tous les autres pays un libre -- échange qui laisse la place à toutes les importations américaines.

    Les lois Helms-Burton de 1996 et d'Amato-Kennedy, votées par le seul Congrès américain, prétendent s'imposer à toute la communauté internationale, lui interdisant tout commerce avec les pays désignés par elle seule, les dirigeants américains légiférant ainsi pour le monde entier.

    Une nouvelle résistance suppose, non seulement de répudier Maastricht, mais aussi de nous retirer du FMI, de la Banque mondiale et de toutes les autres institutions servant d'instrument à cette volonté d'hégémonie mondiale sous prétexte de créer en Europe la monnaie unique de l'Euro. L'Europe et l'Euro (qui abolit le droit régalien de battre monnaie comme attribut premier de la souveraineté) ne peuvent conduire, (par une rivalité sans frein pour augmenter la compétitivité) qu'à un nivellement par le bas des salaires et des prestations sociales afin d'abaisser les prix de revient entre économies concurrentes.

    A partir de là, recouvrer la liberté d'établir des rapports radicalement nouveaux avec le tiers-monde, avec l'objectif précis d'encourager d'autres peuples européens à s'engager dans la même voie:

    1 -- Annulation totale de la dette qui n'a ni fondement historique ni justification
    2 -- Suppression de toute aide financière aux gouvernements du Tiers Monde
    Par exemple: quarante milliards de francs au développement, c'est le montant du budget de l'aide publique de la France, dont l'objectif officiel est le soutien accordé aux plus pauvres de la planète. A 95% cette masse d'argent n'est pas de l'aide, et ne fait pas de développement. Au mieux, elle vide les poches des contribuables et remplit celles de quelques bénéficiaires gouvernementaux, (au Nord et au Sud); au pire elle tue.
    Derniers exemples de ce à quoi elle a servi:
    -- Au Rwanda, à financer le gouvernement des tueurs tant qu'on a pu le maintenir en place, puis à financer l'opération Turquoise pour leur faciliter le passage au Zaïre, pour préparer leur revanche.
    3 -- Prêts publics ou privés accordés non pas aux gouvernements, mais directement aux organisations de base. (coopératives, syndicats, groupements de producteurs -- parfois à susciter), et pour des projets précis d'utilité publique, en priorité pour les régions agraires avec, pour objectif, l'autosuffisance alimentaire (équipements agricoles, forage de puits, construction de routes, hôpitaux, écoles, etc...)
    4 -- Accepter que le remboursement de ces prêts soit fait, pour l'essentiel, en monnaie du pays (pour encourager le réinvestissement sur place au lieu du rapatriement prédateur des bénéfices) ou en nature.
    5 -- Procéder à une indexation honnête des prix des produits vendus par les pays du Sud avec les prix des produits vendus par les pays du Nord.
    6 -- Contre le gigantisme d'entreprises visant surtout aux investissements des grandes sociétés, respecter l'histoire, les cultures de chaque peuple et l'utilisation la plus large possible des techniques autochtones souvent plus appropriées et plus efficaces que les transferts de technologie parce qu'adaptées aux besoins locaux. Le développement sera ainsi endogène au lieu d'être un placage, sans rapport avec le pays et ses besoins réels, d'un modèle occidental importé selon les intérêts de grandes entreprises étrangères.
    Cette nécessaire reconversion industrielle pour répondre aux besoins réels du Sud, peut induire, à terme, une conversion de nos mentalités en favorisant ce qui répond aussi à nos besoins réels et non aux armements et aux gadgets.

    B Pour un nouveau Bandoeng

    Pour que le XXIe siècle marque la fin de la préhistoire animale de l'homme, où, dans un monde cassé, la richesse d'une infime minorité implique la dépendance, l'exploitation ou la mort de la plus grande partie de l'humanité;

    1 -- La renaissance de l'unité humaine ne peut se faire, comme le fut sa rupture, seulement par la violence et les armes, mais par toutes les forces proprement humaines: de l'économie à la culture et à la foi.

    2 -- La faiblesse des actuels peuples opprimés est, pour une large part, due à leur division, par des oppositions et des guerres suscitées et entretenues par les actuels maîtres du monde. La première tâche est donc de mettre fin, par la négociation pacifique, à tous les conflits, qui font le jeu des oppresseurs.

    3 -- Refuser collectivement de payer les prétendues dettes au F.M.I. et ceci pour 3 raisons:

    a -- Qui est le débiteur?

    L'Occident a une terrible dette a l'égard du tiers-monde:

    Qui a remboursé aux Indiens d'Amérique le rapt de tout leur continent?

    Qui fera réparation à l'Inde ancienne, exportatrice mondiale de textile, pour les millions de tonnes de coton enlevés aux cultivateurs à des prix de racket, et pour la destruction de l'artisanat des tisserands indiens au profit des grandes firmes du Lancashire?

    Qui rendra à l'Afrique la vie des millions de ses fils les plus robustes, déportés comme esclaves aux Amériques par les négriers occidentaux pendant trois siècles?

    b -- Quelle est la cause de cet endettement?

    Les pays anciennement colonisateurs avaient déstructuré les économies autochtones, en particulier en sacrifiant les cultures vivrières au profit des monocultures et des monoproductions qui en faisaient des appendices des économies de la métropole, au profit exclusif de celles-ci. De telles économies ne pouvaient assurer l'indépendance de ces pays, ni l'autosuffisance alimentaire, ni la main d'oeuvre d'industries ne correspondant pas aux besoins du pays. La dépendance a donc continué, et les emprunts devinrent inévitables.

    c -- Ces dettes ont été remboursées depuis longtemps par les intérêts usuraires payés aux prêteurs étrangers.

    Refuser donc d'être rançonnés et de les payer au F.M.I.

    Refuser également les aides dérisoires destinées à masquer cette injustice plusieurs fois centenaire.

    Constituer, avec la suppression de la dette et de ses intérêts, un fonds de solidarité qui compensera largement l'aide prétendue.

    4 -- S'opposer à tous les embargos imposés arbitrairement, par les provisoires maîtres du monde, aux pays qui refusent leur domination.

    N'en tenir désormais aucun compte, et commercer librement avec ceux de nos frères qui en sont frappés.

    5 -- D'une manière plus générale multiplier les échanges Sud-Sud entre les pays qui détiennent 80% des ressources naturelles du monde.

    Procéder à ces échanges sur la base du troc pour ne point passer par les devises du Nord et notamment du dollar, en veillant à ce que, progressivement, pour mettre fin à la spéculation, il n'ait plus cours mondial.

    6 -- Ceci implique un boycott systématique des Etats-Unis et de leurs vassaux notamment d'Israël, mercenaire de l'Occident contre les cultures autochtones et contre la paix.

    -- En finir avec les hégémonies économiques comme avec leurs agressions culturelles.
    -- Lutter aussi contre l'anticulture des Tyranosaures et des Terminators d'Hollywood, comme de leurs gadgets, et de toutes les manifestations morales ou matérielles de leur décadence.

    7 -- Ceci implique, sur le plan politique, le retrait collectif de toutes les institutions à prétention universelle devenues les instruments de la domination d'un seul et servant de couverture à ses agressions militaires, économiques ou culturelles: O.N.U., F.M.I., Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce, et de celles de leurs filiales qui se font, comme elles, complices d'une domination impériale du monde et d'une conception réductrice de l'homme, considéré seulement comme consommateur et producteur, mû par son seul intérêt, et renonçant à donner à l'homme un autre sens à sa vie que de travailler en esclave pour consommer davantage, quand il n'est pas chômeur, colonisé, ou exclu.

    8 -- Les menaces ou les agressions contre l'un quelconque des pays membres, seront combattues, par tous les moyens, par l'ensemble de la communauté mondiale.

    9 -- Cette communauté mondiale, visant à la création d'un monde à visage humain, ne comporte aucune exclusive, ni religieuse, ni politique, car son objectif est de créer une unité non plus impériale mais symphonique de l'humanité où chaque peuple et chaque communauté apportera les richesses propres de sa terre, de sa culture et de sa foi.

    Elle est donc ouverte aussi bien aux Etats officiels, qu'aux minorités opprimées, à la seule condition qu'elles réalisent en chaque pays leur unité sur la base de ces principes.

    Le premier Bandoeng avait pour objet, dans un monde bipolaire, de refuser l'alignement sur l'un des deux blocs pour sauvegarder son indépendance. Cet idéal demeure.

    Mais les conditions historiques ont changé. Nous vivons dans un monde unipolaire, et nous avons à défendre nos identités, de la culture à l'économie, contre l'intégrisme niveleur des prétendants à la domination mondiale par le seul jeu d'un monothéisme du marché, en faisant du marché, c'est à dire de l'argent, le seul régulateur des relations sociales.

    Nous refusons cette vision du monde sans l'homme, d'une vie sans projet humain ni signification, et nous nous unissons pour construire un monde Un, riche de sa diversité et assuré de son avenir par la convergence des peuples et des cultures dans une foi commune, nourrie de l'expérience et de la culture de chacun, et animée par le projet commun de donner à chaque enfant, à chaque femme, à chaque homme, quelle que soit son origine et sa tradition propre, tous les moyens de déployer pleinement toutes les possibilités humaines qu'il porte en lui.

    * * *

    Enfin il est absolument nécessaire, dans un monde où l'argent gagné par la spéculation (sur les prix des matières premières, sur les valeurs différentes des devises, sur les produits dérivés, etc.) est plus de quarante fois supérieur à celui que l'on pourra gagner -- à plus long terme -- par une économie réelle, productive de biens et de services (par exemple les investissements destinés à développer les infrastructures, des entreprises répondant aux besoins fondamentaux, aux transports pour assurer les échanges) d'instituer un contrôle rigoureux des changes. Cela suppose que chaque peuple recouvre son autonomie pour planifier ses besoins et ses échanges. C'est indispensable pour que les sommes gigantesques, engagées dans les opérations spéculatives stériles cinq milliards d'habitants de la planète, et mettant ainsi fin au chômage de millions d'hommes et de femmes à travers le monde. Car, répétons-le, ils sont réduits au chômage pour deux raisons fondamentales:

    1 / -- parce que la cassure du monde rend insolvable plus d'un tiers de la population du globe.
    2 / -- parce que les capitaux investis dans la spéculation, sont détournés des investissements dans une économie réelle répondant aux besoins de tous.

    (à suivre)

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2007/09/30/6373348.html

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    Jeudi 14 août 2008


    Appel aux vivants





    Roger Garaudy

    Il a écrit une cinquantaine d'ouvrages,
    dont :

    • Le communisme et la renaissance de la culture française (1945)
    • Les sources françaises du socialisme scientifique (1948)
    • Le manifieste du parti communiste: révolution dans l’histoire de la pensée socialiste (1952)
    • Théorie matérialiste de la connaissance (1953)
    • Mesaventures de l’anti- marxisme. Les malheurs de M. Ponty (1956)
    • Humanisme marxiste (1957)
    • Questions à Jean-Paul Sartre, précédées d’une lettre ouverte (1960)
    • Dieu est mort, PUF, Paris (1962)
    • Qu’est-ce que la morale marxiste? (1963)
    • Karl Marx, Seghers, Paris (1965)
    • Marxisme du XXe siècle, La Palatine, Paris-Genève, 1966
    • Le Problème chinois (1967)
    • Lénine, PUF, Paris (1968)
    • Pour un réalisme du XXe siècle. Etude sur Fernand Léger (1968)
    • Pour un modèle Français du Socialisme (1968)
    • Le Grand tournant du socialisme, Gallimard, Paris (1969)
    • Marxistes et chrétiens face à face, en collaboration avec Q. Lauer, Arthaud,Paris, 1969
    • Toute la vérité (1970)
    • Reconquête de l'espoir, Grasset, Paris (1971)
    • L’Alternative, Robert Laffont, Paris, 1972
    • Parole d'homme (1975)
    • Le projet espérance, Robert Laffont, Paris, 1976
    • Pour un dialogue des civilisations Denoël (1977)
    • Appel aux vivants, Éditions du Seuil, Paris (1979)
    • L’Affaire Israël (1980 environ)
    • Appel aux vivants (1980)
    • Promesse d'Islam (1981)
    • Pour l'avènement de la femme, Albin Michel, Paris (1981)
    • Biographie du XXe siècle, Tougui, Paris, 1985
    • Les Fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants, L'Archipel, Paris, 1992
    • Mon tour du siècle en solitaire, mémoires, Robert Laffont, Paris (1989)
    • Intégrismes (1990)
    • Les Orateurs de la Révolution française (1991)
    • À Contre - Nuit (1992)
    • Avons-nous besoin de Dieu ?, introduction de l'abbé Pierre, Desclée de Brouwer, Paris (1993)
    • Souviens-toi : brève histoire de l'Union soviétique, Le Temps des cerises, Pantin (1994)
    • Vers une guerre de religion ? Débat du siècle, Desclée de Brouwer, Paris (1995)
    • L'Islam et l'intégrisme, Le Temps des cerises, Pantin (1996)
    • Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, Librairie du savoir, Paris (1996)
    • Grandeur et décadences de l'Islam, Alphabeta & chama, Paris (1996)
    • Mes témoins, Editions A Contre-Nuit, Paris, 1997
    • Les Etats-Unis avant-garde de la décadence, Editions Vent du Large, Paris, 1997
    • Le Procès de la liberté, en collaboration avec J. Vergès, Vent du large, Paris, 1998
    • L’Avenir, mode d'emploi, Vent du large, Paris, 1998 http://abbc.net/garaudy/french/avenir/index.htm
    • L'Islam en Occident, Cordoue capitale de l'esprit, L'Harmattan, Paris (2000)
    • Le Terrorisme occidental, Al-Qalam, Luxembourg, (2004)


    Biographie [modifier]

    Protestant dans sa jeunesse, tandis que son père était athée et sa grand-mère maternelle fervente catholique, Roger Garaudy se revendique volontiers comme polémique et hérétique. Alors qu'il suit des études universitaires, il devient membre du Parti communiste français en 1933. Il est reçu cinquième à l'agrégation de philosophie en 1936. Mobilisé en 1939, il est prisonnier de 1940 à 1942 dans les camps vichystes d'Afrique du Nord (camp de Djelfa, Algérie). Devenu membre du Comité central du Parti (1945), il est élu député communiste du Tarn (1945-1951), puis de la Seine (1956-1958), et sénateur de Paris (1959-1962). C'est à l'époque de sa députation qu'il rencontre et se lie d'amitié avec l'abbé Pierre, également député au sortir de la guerre.

    Directeur du Centre d'études marxistes, il en fut pendant des années le philosophe officiel du Parti, auteur notamment d'une thèse sur La Liberté à l'université de Moscou, sous Staline avant d'en être exclu en juin 1970, époque où il était en dissidence marxiste, proche des idées de Mai 68. Il devient alors catholique avant de se convertir en 1982 à l'islam.

    Il est l'auteur d'une cinquantaine de livres, traitant particulièrement de l'histoire et des grandes figures du communisme et de la religion.

    Titulaire d'un doctorat de philosophie avec une thèse sur la Théorie matérialiste de la connaissance (Sorbonne, 1953), il enseigna à l'université de Clermont-Ferrand, où il s'attira les foudres de Michel Foucault, qui le poursuivait de ses sarcasmes et le poussa à la démission, comme le raconte Didier Eribon dans la biographie de Foucault.

    Roger Garaudy a créé sa propre fondation en Espagne à Cordoue : fondation Roger-Garaudy. Elle est abritée dans la Tour de la Calahorra. À l'intérieur, on découvre plusieurs personnages qui retracent l'histoire de l'Islam à Cordoue à la fin du Moyen Âge.

    Alors qu'on prétend qu'il vit dans un pays arabe ou en Espagne, Roger Garaudy a déclaré vivre en banlieue parisienne lors de l'émission Second regard, diffusée le 28 janvier 2007 sur Radio-Canada, qui l'interrogeait sur l'amitié qui le liait à l'Abbé Pierre.

    En 2002, il reçoit le prix Kadhafi des droits de l'Homme de la Libye.

    Condamnation pour Les Mythes fondateurs de la politique israélienne [modifier]

    Roger Garaudy est l’auteur d’un ouvrage intitulé Les mythes fondateurs de la politique israélienne, qui fut publié en 1995 par les éditions La Vieille Taupe qui ne le servit qu'à ses propres abonnés, puis réédité en 1996. Cet ouvrage, se compose de trois chapitres principaux : « Les mythes théologiques », « les Mythes du XXe siècle » et « l'utilisation politique du mythe ».

    Il soutient la thèse négationniste d'un complot sioniste, qui aurait inventé la Shoah pour justifier l'expansionnisme israélien, nie donc le génocide commis par les nazis contre les Juifs, et rejette les thèses que les historiens ont admis depuis des décennies. Il adopte ainsi les thèses fondamentales du négationnisme : Hitler n'aurait pas donné l'ordre de l'extermination ; le mot extermination serait une fausse traduction et désigne en fait l'expulsion des Juifs ; les juifs furent décimés par le typhus et les crématoires servaient à brûler les cadavres des victimes de la maladie ; il n'y aurait pas de témoins fiables ; les crimes des Alliés seraient pires que ceux des nazis ; les chambres à gaz n'existeraient pas ; des tortures auraient été infligées aux prisonniers nazis pour leur faire avouer le génocide ; théorie du complot juif, absence prétendue de réfutation des thèses du négationnisme, impossibilités matérielles liés au Zyklon B et au fonctionnement des crématoires. L'antisionisme radical de Roger Garaudy l'avait conduit, dès 1982, à placer sur le même plan sionisme et nazisme.

    L'« affaire Garaudy » est d'abord révélée par Le Canard enchaîné en janvier 1996, suivi par quelques quotidiens nationaux, entraînant contre lui, le dépôt de plusieurs plaintes avec constitution de partie civile pour contestation de crime contre l'humanité, diffamation publique raciale et provocation à la haine raciale par des associations de résistants, de déportés et des organisations de défense des droits de l’homme. Puis, le scandale est médiatisé en avril 1996, lorsque Roger Garaudy et son avocat Jacques Vergès, annoncent le soutien de l'abbé Pierre, qui est exclu de la Licra et est contraint de s'éloigner de la vie médiatique. Converti à l’islam depuis le début des années 1980, Roger Garaudy avait aussi reçu pendant le procès le soutien d’intellectuels de pays arabes et musulmans.

    suite à

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Garaudy

    Mon opinion : Le négationnisme est intolérable.
    La Shoah des Juifs est un fait historique indiscutable, et intolérable.
    Reste que Garaudy a le droit d'exprimer ses opinions,  cela fait avancer le débat, tout débat étant légitime en tant que tel, et on n'a pas le droit de condamner, à cause de ce négationnisme non défendable, Garaudy tout  entier, car il a écrit une oeuvre immense, ses engagements humanistes, notamment pour le dialogue des civilisations, sont avérés et remarquables. Pour ma part, j'aime ces mots (titres de livres écrits par lui) :

    • Parole d'homme (1975)
    • Le projet espérance, Robert Laffont, Paris, 1976
    • Pour un dialogue des civilisations Denoël (1977)
    • Appel aux vivants, Éditions du Seuil, Paris (1979)
    • Pour l'avènement de la femme,
    • etc...

    Un homme, une oeuvre, assurément à découvir, en formulant les réserves qui s'imposent.

    Eva, humaniste pour le dialogue des civilisations et résistante à l'intolérable


    Ses Mandats politiques [modifier]

    Député du Tarn
    • 21/10/1945 - 10/06/1946 : Tarn - Communiste
    • 02/06/1946 - 27/11/1946 : Tarn - Communiste
    • 10/11/1946 - 17/04/1951 : Tarn - Communiste
    Député de la Seine
    • 02/01/1956 - 08/12/1958 : Seine - Communiste
    Sénateur de Paris

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    Jeudi 14 août 2008




    Une si chaleureuse humanité


    Luc Collès
    , professeur à l'Université Catholique de Louvain, et qui me fait l'honneur et l'amitié de livrer sur ce blog des articles de haute tenue inédits en général sur la toile, m'a envoyé un commentaire au précédent message concernant le livre de Roger Garaudy "Parole d'homme". Ce commentaire, auquel je m'associe sans réserves, mérite la "une" du blog. Le voici:

    Cet article, relatif au même ouvrage "Parole d'Homme", complète admirablement le mien, intitulé "Le bonheur selon Garaudy":
    Je remercie mon presque homonyme pour son témoignage. Nous avons, sur ce blog, une véritable anthologie de la pensée de Garaudy au point de pouvoir nous faire une idée de sa personnalité complexe.

    Voici ce que j'écrivais à l'auteur le 3 novembre 2003:
    "Vos réflexions ont toujours trouvé en moi un écho très profond. Vous m’aidez à vivre et à penser et je vous en suis infiniment reconnaissant. Je continuerai à parler de vous autour de moi en combattant les préjugés ou les idées fausses qui circulent à votre sujet. Tôt ou tard, on se rendra compte de votre fidélité à vos engagements en faveur d’un monde plus juste, plus humain et ouvert à la transcendance."

    A l'heure où nous savons Garaudy affaibli et malade, ayons pour lui une pensée amicale et remercions-le pour sa si chaleureuse humanité.

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2008/08/01/10094561.html

    Le bonheur selon Garaudy.

    Par Luc Collès

     

    « Le règne de Faust  a pris fin en mai 1968 : l?homme croit de moins en moins que le bonheur s'identifie avec la puissance et la possession. Son projet de bonheur est de moins en moins lié à la promesse de Descartes d'une « science qui nous rend maîtres et possesseurs de la nature ».

         Ses rêves ou ses projets de bonheur sont de plus en plus liés à un art de vivre de nouveaux rapports avec la nature, avec les autres hommes, avec l'avenir et le transcendant.

          De nouveaux rapports avec la nature qui ne soient plus des rapports de conquérants mais d'amoureux. Rousseau retrouve, à travers Illich, de nouveaux disciples. Le paysage chinois de l'époque Song, où l'homme appartient à la nature et non la nature à l'homme, est plus près de notre sensibilité que les grandes constructions de l'humanisme de la Renaissance, avec ses condottieri, ses princes, ou ses banquiers, dont les portraits n'utilisent la nature que comme un décor lointain. Le masque africain, rendant visible l'invisible, nous est plus proche et fraternel que la reconstruction possessive du monde dans l'art classique, et la musique concrète nous aidant à nous unir ou à nous fondre avec l'univers ambiant exerce parfois plus d'attirance que les grandes harmonies en lesquelles s'exprimait la domination sans partage de l'esprit humain. Le bonheur, c'est cette participation au tout qui m'habite et fermente en moi. Le bonheur, c'est quand la nature entière est devenue mon corps.

            De nouveaux rapports avec les autres hommes qui ne soient ni l'individualisme de jungle ni le carcan totalitaire, mais des rapports de communauté et d'amour.  Ce besoin fraternel se traduit par la constitution de multiples communautés de base. Ce besoin d'amour s'exprime parfois de façon pervertie, lorsque Sade retrouve à son tour, à travers Freud, de piètres émules dans l'érotisme du cinéma et de la drogue. Il témoigne, en revanche, d'une aspiration nouvelle au bonheur dans l'amour de l?autre, lorsque l'autre n?est pas la limite de ma liberté, mais au contraire sa condition, lorsqu'il est non pas une réalité extérieure, mais cette partie de moi-même qui me manque et qu'il m'appelle à être. Le bonheur, c'est d'abord l'amour. La plénitude sexuelle entre un homme et une femme, lorsqu'elle est portée par tout le sens de leur vie, en est l'image la plus immédiate et la plus belle.

          De nouveaux rapports avec l'avenir et le transcendant, des rapports qui ne seraient plus ceux de la simple extrapolation quantitative, technologique, des moyens, à la manière de la « futurologie » positiviste, mais invention du futur. La transcendance n'est pas seulement dépassement et rupture, mais découverte de possibles nouveaux, que je cherche et crée par mon propre effort, en même temps que je l'accueille comme un don (certains diront une « grâce »). Les sagesses de l'Orient et de l'Afrique, du Tao, du Zen, du Yoga, de la danse liturgique, nous ont appris que le bonheur commençait avec la dépossession de soi, avec l'abandon de nos individualismes illusoires, de nos dualismes destructeurs, et avec la communion avec le tout. Un authentique dialogue des civilisations avec les non-Occidentaux est la condition première de notre dépassement des conceptions occidentales, faustiennes, du bonheur, des conceptions dualistes qui nous mutilent : ni le corps ni l'esprit ne peuvent être joyeux séparément.

          Le bonheur, c'est cette création, la participation à la création continuée d'un homme toujours plus un, d'un monde toujours plus humain. » (Roger Garaudy, Parole d'homme, Paris, Laffont, 1975)


    LE BONHEUR SELON GARAUDY :
    POUR UN DIALOGUE
    DES CIVILISATIONS
     


    « N'est condamnable que ce qui existe isolément: dans le tout, tout se résout et s'affirme. Il ne nie plus mais une telle croyance est la plus haute de toutes les croyances possibles ; je l'ai baptisé du nom de Dionysos. »
                   NIETZSCHE, Le Crépuscule des idoles.

        A la fin du XVIe siècle déjà, Christopher Marlowe, dans sa Tragique histoire du docteur Faust, donnait le mot d'ordre de la civilisation occidentale : « Faust, par ton cerveau puissant, deviens un Dieu, le maître et le seigneur de tous les éléments. » C'était, avec un demi-siècle d'avance, la promesse de Descartes d'une « science qui nous rende maîtres et possesseurs de la nature ».

    L?homme unidimensionnel

        Dans toute son oeuvre, Roger Garaudy dénonce les fondements d'une telle civilisation. Les Occidentaux considèrent que l'individu est le centre et « la mesure de toutes choses » (Protagoras) ; ils réduisent la réalité au concept (« Je pense, donc je suis ») et érigent en valeurs suprêmes  la science et les techniques comme moyens de manipuler les hommes et les choses. Ce modèle faustien s'est surtout développé depuis la Renaissance, laquelle n'est pas seulement un phénomène culturel, mais aussi la naissance conjointe du capitalisme et du colonialisme. C'est à cette époque que se crée l'homme unidimensionnel qui nie les autres manières de penser et de vivre le rapport de l'homme avec la nature, avec les autres hommes et avec le divin.

        Du XVIe siècle à la fin du XXe siècle, le développement du monde occidental a reposé sur trois primautés : celle de l'action et du travail (« C'est en agissant sans relâche que l'homme déploie toute sa grandeur », dit le Faust de Goethe), celle de la raison (l'esprit étant réduit à la seule intelligence) et celle de la croissance vue en termes quantitatifs (production de besoins artificiels et des moyens de les assouvir). Pour Roger Garaudy, un tel modèle ne pouvait conduire qu'à la crise que nous connaissons aujourd?hui.

        Des visions du monde holistiques

        « Le bonheur » est un des vingt thèmes que le philosophe aborde dans son essai Parole d'homme (Laffont, 1975). En exergue à la rubrique consacrée à ce sujet, il évoque Dionysos qui, dans la pensée de Nietzsche, est opposé au rationalisme et à la métaphysique socratique, lesquels n'ont cessé de déformer la réalité en en privilégiant certaines composantes. Garaudy affirme ensuite avec force une de ses convictions fondamentales : la création d'un avenir heureux exige que soient retrouvées les dimensions de l'homme développées dans les cultures non occidentales. Comprendre la vie, c'est d'abord la saisir dans son unité. Plus tard, il développera cette thèse dans Pour un dialogue des civilisations (Denoël, 1977) et dans Appel aux vivants (Seuil, 1979) en témoignant de l'expérience planétaire qui l'a conduit à cette certitude et en présentant un projet politique concret.

        Ainsi évoque-t-il la vision dialectique et non logico-mécanique de la pensée chinoise : l'action réciproque des principes du Yang et du Yin implique une conception complexe de l'action et de la réaction, à l'intérieur d'une totalité unique des phénomènes. Le bonheur ne peut être atteint par l'individu considéré séparément. Il ne peut résulter que d'une prise de conscience de l'appartenance au Tout.

        Les religions de la Chine et du Japon ont enseigné à l'homme cette fusion de tous les éléments avec le grand Tout. Le taoïsme exige l'insertion dans le principe universel qu'il saisit par une connaissance intuitive, par une contemplation au terme de laquelle se concrétise l'union de l'homme et de la nature. Le bouddhisme qui, de l'Inde, gagnera massivement l'ensemble de l'Asie, enseigne que l'homme ne mettra fin à ses souffrances qu'en renonçant au désir et au plaisir et en se fondant dans l'éternité comme une tasse d'eau versée dans la mer. L'école bouddhisteTch'an (Zen, en japonais) met l'accent sur la nécessité de libérer l'esprit afin qu'il puisse accueillir l'illumination.

        Une ouverture à la transcendance

        Pour les peintres chinois de l'époque Song (de 960 à 1278), la nature n'est pas une matière inerte dont on cherche à se rendre maître. L'univers forme un tout animé d'un même mouvement de vie, englobant aussi bien la rivière que les sommets des montagnes, l'arbre que les rochers, les nuages que l?oiseau, et l'homme n'est qu'un moment de ce cycle éternel. La peinture est un médium de l'expérience zen. Contrairement à nos tableaux de la Renaissance, l'artiste ne cherche pas à représenter un spectacle, mais à communiquer un état d'âme de la nature. Il saisit les lignes de force d'un paysage et en compose le yin et le yang, les contrastes et les tensions.

        L'art africain tente, lui aussi, de « rendre visible l'invisible » (l'expression est de Paul Klee). Au contraire de l'art grec, qui part de l'individuel pour en extraire les lignes essentielles, le créateur africain part de son expérience vécue du grand Tout pour donner une forme concrète à ses talismans. Un masque, par exemple, doit être avant tout considéré comme un condensateur d'énergie. La force qu'il contient et qu'il dégage a pour sources la nature, les ancêtres et les dieux. Les oeuvres africaines n'ont pas été créées pour la contemplation. Ce sont des objets de participation destinés à l'acomplissement de cérémonies rituelles. Quand les Africains dansent avec leurs masques, ils y puisent une énergie qu'ls irradient dans toute la communauté.

        L'art musulman appelle des remarques analogues à celles que Garaudy fait à propos des arts de la Chine, du Japon ou de l'Afrique:à partir du sens pour déchiffrer le signe.La conception islamique du monde n?incite pas à la représentation réaliste. Pour elle, toute image détourne le croyant de la prière pure, l'amène à perdre conscience de l'unité de Dieu. Ainsi, la mosquée est-elle décorée des versets du Coran. Le développement de la calligraphie s'explique d'ailleurs par le caractère même de l'Islam, religion centrée sur un texte sacré, parole de Dieu dont Mohamed n'est que le messager.

        L'amour véritable

        Pour les civilisations non occidentales, la clé du bonheur réside dans l'harmonie des rapports que l'homme noue avec le transcendant à travers la nature : « Le bonheur c'est cette participation au tout qui m'habite et fermente en moi. Le bonheur, c'est quand la nature entière est devenue mon corps. » Mais cette harmonie se retrouve aussi dans les liens que l'homme tisse avec ses semblables, liens « qui ne soient ni l'individualisme de jungle ni le carcan totalitaire, mais des rapports de communauté et d'amour ». Dans Parole d'homme, la rubrique que Garaudy consacre à l'amour complète donc ce qu'il nous dit du bonheur.

       
    L'amour véritable doit lui aussi se concevoir comme un tout. L'intellectualisme occidental l'a défiguré en distinguant le sensible et l'intelligible. Dans l'amour platonique, l'autre n'est que la métaphore ou le signe d'autre chose, un instrument pour accéder à la sphère du Bien. Certes, le christianisme a complètement inversé cette perspective en montrant l?amour divin qui s'incarne, mais il va bien vite être perverti par le dualisme grec, en se méfiant du corps et de la sexualité. Et le rejet des tabous qui a marqué la génération de 1968 n'a fait que réduire l'homme à sa dimension zoologique?

        Par contre, dans les sagesses orientales, l'amour total ne sépare pas le corps et l'âme qui ne sont que les deux facettes de l'unité humaine. Il s'agit d'un langage  où, comme dans la danse, l'on s'exprime avec tout son être, et pas seulement par la bouche (des paroles), c'est-à-dire une partie seulement de son corps. L'union des sexes apparaît alors comme la célébration de la plus profonde relation humaine : celle de n'exister pleinement que dans le dialogue avec l'autre.

        Dans cet accueil de l'autre, notre centre de gravité se déplace : nous sommes conviés à sortir de nous-même, à dépasser nos propres forces, à donner cette chose en nous que nous ne connaissons pas. L'amour est le contraire de la jalousie, corollaire de la possession ; il permet à l'autre de s'épanouir selon sa propre loi. L'expérience amoureuse nous ouvre donc aussi à la transcendance : elle nous fait prendre conscience de nos limites et de notre pouvoir de les franchir. Nous devenons ainsi autre par la révélation de l'autre.

        Un dialogue à poursuivre et à amplifier

        Pour  Garaudy, le véritable dialogue des civilisations ne fait que commencer.

    La rencontre avec les arts non occidentaux, de la fin du XIXe siècle à nos jours, a déjà conduit l'occidental à s'engager sur des voies nouvelles. C?est ce qui explique qu'il soit touché aujourd'hui par un paysage chinois de l'époque Song, par un masque africain ou encore par un morceau de musique concrète, à base de sons naturels. Dans ces trois cas, il participe à l'émotion de l'artiste qui vit à l'unisson de l'âme cosmique. Le domaine artistique est particulièrement emblématique d'une fécondation qui doit s'approfondir.

        Dans la rubrique « Bonheur » de Parole d'homme, le philosophe évoque encore deux domaines concrets où peut s'affirmer une conception holistique des rapports que l'homme noue avec ses semblables et avec le monde : la vie associative et la pédagogie.

        Dans Appel aux vivants, il soulignera le rôle politique des communautés de base, cellules vivantes constituées contre la double désintégration de l'individualisme et du totalitarisme. Quant aux références pédagogiques de Garaudy, elles sont datées : les théories rousseauistes d'Ivan Illich (Une société sans école, 1971) que préfigurait déjà la pédagogie libertaire de Neill (Libres Enfants de Summerhill, 1972, trad. De « A Radical Approach to Child Rearing » qui date de 1960) se situent dans la droite ligne de la révolution de 1968 et ont une portée limitée en ce sens qu'elles méconnaissent le poids de l'héritage familial et demeurent implicitement réservées à une élite sociale. Néanmoins, par leur caractère utopique, elles postulent une société plus humaine où l'éducation viserait l'épanouissement de l'individu dans sa globalité. Et en cela, elles gardent toute leur pertinence.

        Pour une pédagogie interculturelle

        Mais pour l'éducateur d?aujourd'hui, c'est toute la pensée de Garaudy elle-même qui a une visée didactique. C'est une pédagogie interculturelle que recommanderait le philosophe s'il avait à faire oeuvre de pédagogue.De ce point de vue, une fois encore, les ouvrages ultérieurs seront plus explicites : « c'est en saisissant, avec les convergences et les complémentarités possibles, les différences irréductibles, que nous parviendrons à reconnaître en l'autre sa spécificité, et, par là même, à enrichir et à approfondir notre propre culture, à nous convertir, à l'intérieur de notre propre conviction, à une foi rendue, par la confrontation, plus consciente de ce qui lui est proche, plus riche de dimensions parfois oubliées. » (Appel aux vivants, p.223)

        Ce que souhaite donc l'auteur, c'est que l'accent soit mis sur l'enrichissement que pourraient apporter à l'homme les valeurs dont sont porteuses les autres cultures que la sienne. Or, l'objectif de la pédagogie interculturelle consiste précisément à fournir aux élèves des outils d'analyse pour les aider à rendre moins étranges leurs comportements respectifs, à mieux prendre conscience de leur identité propre et à percevoir plus correctement l'originalité de la culture d'autrui tout en en mesurant mieux les particularités.

        Cette approche interculturelle est donc destinée à valoriser ce qui est propre à chacun en corrigeant ses « cribles » culturels. On ne voit le monde qu'à travers soi ; on n'appréhende la culture d'autrui qu'à travers la sienne propre : l'expérience quotidienne le montre, et la littérature, au moins depuis Les Lettres persanes de Montesquieu et L'Ingénu de Voltaire, le confirme. Il s'ensuit des risques de déformation : la mosquée sera prise pour une église, et l'église pour une mosquée. Attitude qui prépare à l'ethnocentrisme, source de racisme.

        Si, en effet, un élève ignore la culture de l'autre, il ignore encore davantage la sienne propre : celle-ci se confond dans son esprit à un ordre naturel. (« Séparés des autres nations par les lois du pays, ils ont conservé leurs anciennes coutumes avec d'autant plus d'attachement qu'ils ne croyaient pas qu'il fût possible d'en avoir d'autres », dit Montesquieu des Moscovites ; « La coutume est une seconde nature », explique Montaigne). En travaillant à partir du principe de la confrontation, on permettra à cet élève de découvrir l'autre et en même temps de se découvrir lui-même à travers l'autre.

        La pensée de Garaudy débouche donc sur une approche à la fois comparatiste et anthropologique. En didactique, une telle démarche ouvrira l'espace de la classe à de nouveaux rapports avec la nature, avec les autres hommes et avec le transcendant. Confronté, à travers les autres cultures, à une conception holistique du monde, l'élève occidental sera invité à prendre conscience de ses richesses, mais aussi de ses manques. Un tel dialogue, surtout s'il s?approfondit durant toute la vie, devrait lui conférer un sentiment de plénitude, c'est-à-dire LE BONHEUR.

        Luc Collès in L. Collès et al., Passions de lecture, Bruxelles, Didier Hatier, 1997


    Professeur ordinaire
    Université catholique de Louvain
    Département d'Etudes romanes
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    http://www.fltr.ucl.ac.be/FLTR/ROM/CEDILL/bienvenue/personnes/colles.htm
    http://cedefles.fltr.ucl.ac.be

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2007/11/16/6892084.html




    Biographie de Roger Garaudy

    Intellectuel protestant, puis communiste stalinien, puis marxiste dissident, puis catholique et enfin musulman, Roger Garaudy a écrit une cinquantaine d'ouvrages notamment 'Dieu est mort', 'Le Grand tournant du socialisme' et surtout 'Les Mythes fondateurs de la politique israélienne' qui fut à l'origine d'une grande polémique. Dans ce pamphlet qui se voulait révolutionnaire, l'auteur expose une thèse négationniste : il mettait en cause la réalité de la Shoah, évoquée comme une invention destinée à financer et à légitimer la création de l'État d'Israël. Il avait à l'époque eu le soutien de l'abbé Pierre. Il fut condamné le 17 février 1998 pour 'diffamation raciale' et 'contestation de crime contre l'humanité'.


    http://www.evene.fr/celebre/biographie/roger-garaudy-16833.php

     bibliographie de Roger Garaudy

    Appel aux vivants

    de Roger Garaudy
    L'auteur a voulu construire une réflexion sur le gaspillage des ressources naturelles et l'escalade des techniques de destruction violente : remontant aux cinq grandes sagesses de l'histoire du monde, Garaudy se targue d'intuitions prophétiques [...]


    de Michaël Prazan et Adrien Minard

    [Biographie]

    Roger Garaudy tient du caméléon, tant il a changé de couleur au cours de sa longue vie d'intellectuel engagé. Né à Marseille en 1913 dans une famille de petits employés (qu'il a repeint plus tard en famille ouvrière pour les besoins de sa [...]

    Les célébrités liées à Roger Garaudy

     

    Abbé Pierre

    Abbé Pierre

    Religieux et intellectuel français
    Né à Lyon le 5 Août 1912
    Décédé à Paris le 22 Janvier 2007

    Cinquième né d'une famille aisée de huit enfants, Henri Grouès a quinze ans lorsqu'il ressent un appel indescriptible et entre en 1930 au couvent des capucins où il reçoit le nom de frère Philippe. Ordonné prêtre en 1938, il est vicaire à la cathédrale de Grenoble. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il crée des maquis en Chartreuse et dans le Vercors, et aide plusieurs personnes à passer [...]

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    Dominique Desanti

    Dominique Desanti

    Romancière et historienne française

    Fille d'un émigré russe ami de George Clemenceau, Dominique Desanti a très tôt été amenée à côtoyer le cercle de l'intelligentsia et de l'éminence dans la France d'avant et d'après guerre. Elle côtoie Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et s'engage dans la résistance dès les premières heures. Intellectuelle au sein d'une famille bourgeoise, elle devient journaliste puis historienne [...]

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