•  
     
    Jeudi 14 août 2008



    http://interfaith-encounter.org

    Religions,
    au lieu d'être la cause des problèmes,
    elles peuvent être la solution

    Promouvoir la paix

    Rencontre Juifs-Musulmans



    Adama Interfaith Encounter 
      Heart and Soul Broadcast on BBC
      

    CLICK HERE TO LISTEN to the BBC World Service program and learn how the process of IEA groups transforms the attitudes of its participants.

    Please note:  This program is the property of Heart and Soul at the BBC World Service and is re-broadcast on this website for personal use only. 


    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
     

    Click below to watch our short documentary about a real-time interfaith encounter between a Jewish and Muslim neighboring community:
    Galilee Jewish community of Karmiel and Muslim community of Majd el-Krum

    CLICK HERE
     

    Our Vision
    The Interfaith Encounter Association is dedicated to promoting peace in the Middle East through interfaith dialogue and cross-cultural study.  We believe that, rather than being a cause of the problem, religion can and should be a source of the solution for conflicts that exist in the region and beyond.

    Our Projects
    Interfaith Encounters - CITIZENS BUILDING COMMUNITY
    WOMEN'S INTERFAITH ENCOUNTER (WIE)
    YOUTH INTERFAITH ENCOUNTER (YIE)
    RETREATS AND CONFERENCES
    ISRAELI-PALESTINIAN DIALOGUE
    THE MIDDLE EAST ABRAHAMIC FORUM
    CROSS-CULTURAL STUDY VISITS
    FRIENDS OF IEA

    Upcoming Events

    Event Reports
    2007 Annual Activity Report (PDF File)

    Our History

    Participation

     

    Who's Who in IEA

    Awards

    Contact Us

    Links


    votre commentaire
  •  
     
    Jeudi 14 août 2008


    Le projet espérance,
    par Roger Garaudy

     

     

    Nous souffrons de vivre dans un monde sans but

    Ce qu'on appelle la politique de croissance est une politique pour laquelle le fonctionnement, de la machine est le but. Même si c'est une machine inutile, nuisible, ou mortelle. Un seul credo inavoué: tout ce qui est techniquement possible est nécessaire et souhaitable: fabriquer des bombes atomiques, aller dans la lune, détruire l'avenir par les déchets radio-actifs des centrales nucléaires.

    Croissance pour quoi ? Croissance pour qui ?
    - Pour les profits de quelques-uns par la manipulation et le conditionnement de tous.
    Il n'est pas vrai que la croissance économique permette de surmonter les crises: elle les engendre. Elle conduit à une répartition de plus en plus inégale du pouvoir et des privilèges.
    Il n'est pas vrai non plus qu'on puisse arrêter la croissance alors que des milliards d'hommes dans le Tiers-Monde, et des millions dans les pays "riches" n'ont pas encore les moyens d'une vie proprement humaine.
    Il ne s'agit pas d'arrêter la croissance mais de l'orienter pour qu'elle serve non l'abaissement de l'homme mais son épanouissement.

     

     

    Le marché capitaliste a recréé la jungle animale.
    Dans cette nouvelle jungle les forts dévorent les faibles: les grandes entreprises écrasent les petites, les sans propriété sont à la merci des possédants. Les géants carnassiers des sociétés multinationales s'emparent du monde et échappent à tout contrôle des peuples.
    Dans un tel univers trois milliards d'hommes sont exploités. Deux milliards d'entre eux ont faim.
    Une économie dévoyée par l'accumulation de l'avoir au détriment de la richesse d'être, de l'épanouissement de la vie.
    La même jungle règne au niveau politique.
    Même publicité des grandes forces dominantes pour des candidats ou des programmes préfabriqués, même confiscation des initiatives de la base par une délégation de pouvoir permanente, globale et professionnalisée, même coupure entre manipulateurs et manipulés, entre dirigeants et dirigés. Personne, à la base, n'a la possibilité de participer à l'élaboration des plans d'avenir, d'en contrôler l'exécution ou les mécanismes. Les décisions dont dépend le destin de tous, de la construction des centrales nucléaires au trafic d'armements, sont prises en dehors de tout contrôle des intéréssés.
    Culture et enseignement ont pour fonction essentielle de reproduire cette jungle, avec ses hiérarchies et ses concurrences, en réduisant, le plus possible la réflexion sur les fins et en utlisant les sciences et les techniques pour fabriquer des marchandises et manipuler les hommes.
    Dans les pays capitalistes l'homme est mutilé par cette triple aliénation de l'avoir, du pouvoir et du savoir.

    Les pays dits "socialistes" (RG écrit en 1976, ndlr) (à l'exception de la Chine) ont adopté le même modèle de croissance, la même coupure individualiste de l'homme, la même coupure entre dirigeants et dirigés.
    La prétendue "aide au Tiers-Monde", au lieu d'instituer un véritable "dialogue des civilisations" pour définir ensemble les orientations de l'avenir, tend à intégrer les pays autrefois colonisés au modèle occidental de croissance aveugle qui maintient et aggrave le inégalités entre les classes comme entre les nations.
    La possession du pétrole et d'autres matières premières par des pays non occidentaux n'a pas conduit à une nécessaire redistribution des cartes mettant fin à toutes les séquelles du colonialisme et du racisme et permettant la renaissance et la floraison des cultures de l'Asie, de l'Afrique, de l'Amérique latine, mais à une intégration plus étroite de quelques pays au marché mondial et au troc de matières premières contre des armements servant à renforcer les ségrégations raciales et les exploitations de classe, à faciliter les putsch militaires.
    Telles sont les occasions manquées de l'histoire en cette fin du XXe siècle: ni le développement des sciences et des techniques, ni l'abolition du capitalisme (c'était au temps du monde bipolaire, ndlr)
    , ni les défaites du colonialisme n'ont fait émerger un nouveau projet de civilisation, un sens nouveau de la vie.

    Nous voulons que notre vie ait un sens, notre histoire un but.
    Nous voulons que chacun de nous participe à la découverte de ce sens, à la réalisation de ce but.
    Nous voulons que l'histoire de tous soit faite par tous et non  imposée par quelques-uns.
    Il n'est pas possible d'amender le système par des réformes partielles.
    Il faut en changer radicalement les principes et les structures.
    Les principes de base de ce monde inhumain sont ceux de la Renaissance, c'est-à-dire de la naissance du capitalisme, du colonialisme et d'un humanisme clos.
    Abolir le capitalisme en son principe même, c'est combattre l'économie de marché, c'est-à-dire une économie fondée sur le profit de quelques-uns, l'exploitation des multitudes, le massacre de la nature considérée comme un réservoir et un dépotoir, la dégradation de l'homme, exploité comme travailleur, manipulé comme consommateur.
    En finir avec toutes les survivances du colonialisme c'est engager avec les non-Occidentaux un véritable dialogue des civilisations pour apprendre de leur culture d'autres rapports avec la nature qui ne soient plus seulement techniques mais vitaux, d'autres rapports sociaux qui ne soient ni totalitaires ni individualistes mais communautaires.
    Créer un humanisme ouvert c'est élaborer une culture qui ne soit plus faite seulement des réponses du passé mais des questions posées par l'invention du futur, une culture qui ne soit plus le privilège et l'ornement de quelques-uns mais la possibilité de l'épanouissement humain de tous, une culture qui ne ferme pas l'homme sur lui-même mais l'ouvre à une création sans fin de l'avenir par l'émergence poétique et prophétique de ce qu'il y a de divin dans l'homme.

    La première tâche est de refaire le tissu social désintégré par le capitalisme rapace, le colonialisme destructeur des cultures, l'individualisme sans amour.
    Refaire le tissu social, c'est combler le fossé entre les individus atomisés et les Etats tout-puissants de nos sociétés où il n'existe que des rapports verticaux de hiérarchie et des rapports horizontaux de concurrence.
    Refaire le tissu social, c'est créer, à partir des initiatives de la base, et à tous les niveaux de l'économie, de la politique, de la culture, des communautés responsables prenant en charge leur propre vie pour redéfinir les buts humains de chaque activité sociale et ses méthodes d'organisation et de gestion.
    Au niveau du travail, dans les entreprises, les universités, les administrations: des Conseils pour l'autogestion, dont la tâche est de devenir responsables de la désignation des dirigeants, de fixer les méthodes de travail et les formes de discipline afin que les objectifs du travail de tout un peuple ne soient pas décidés "par en haut", par des possédants, des technocrates ou des bureaucrates.
    Au niveau de la consommation, des communautés de base, c'est-à-dire des organismes qui ne soient ni privés ni étatiques mais communautaires, gérés par les usagers eux-mêmes; pour le contrôle et la régulation des prix, pour la gestion sociale des transports, des assurances, des logements, afin que les besoins émergent autrement que de l'anarchie du marché, des manipulations publicitaires des producteurs ou des décisions d'une bureaucratie centralisée et autoritaire.
    Au niveau de la culture, des centres d'initiative pour l'orientation, le contrôle, et la gestion sociale des écoles et des universités, de la télévision et de la radio, de la presse et des éditions, des spectacles et des sports, des hôpitaux, de la santé et des entreprises pharmaceutiques, des maisons de la jeunesse et de culture, afin que de cette révolution culturelle émerge un nouveau projet de civilisation. 
    L'organisme central, chargé de définir les grandes options et priorités en matière de planification, de législation sociale, de relations extérieures, d'éducation et de culture, ne peut émaner que de ces communautés de travail.
    Ainsi le vieux système parlementaire de représentation par circonscriptions territoriales  - héritage de sociétés agraires et conduisant aujourd'hui à atomiser un peuple en citoyens abstraits - doit être remplacé par une représentation des activités sociales dans un Congrès des conseils de travailleurs manuels et intellectuels.

     

     

     

    Ainsi peut naître une nouvelle conception de la politique, qui ne soit plus technique de l'accès au pouvoir par la manipulation ou la répression des masses, mais, à partir de la base, réflexion sur les buts de la société et organisation de la société pour atteindre ces buts.
    Cette conception est le contraire de l'anarchie: elle ne se fonde pas sur des principes individualistes mais sur le projet communautaire de recréer le tissu social.
    Elle ne nie pas la nécessité d'une "délégation de pouvoir"; elle exclut seulement la délégation permanente, globale et professionnalisée, qui conduit inéluctablement à mettre en place un groupe dirigeant coupé du peuple, parlant et agissant au nom du peuple sans le consulter, dans les gouvernements, les parlements, les partis.
    Tout organisme central ne saurait avoir qu'un rôle de coordination, d'information et de formation, et non un rôlr dirigeant.
    Pour éviter les formes mystificatrices et oppressives de la délégation de pouvoi, c'est-à-dire l'aliénation politique, il convient d'instituer:
      - une rotation des représentants, interdisant plus d'une réélection;
      - un mandat impératif assorti d'un calendrier de réalisation pour quiconque brigue une fonction élective, et révocabilité automatique si les engagements pris ne sont pas tenus;
      - une information permanente fondée sur le pluralisme des options: sur chaque plan ou programme plusieurs hypothèses seront présentées, avec les conséquences précises découlant de chacune d'elles;
      - une formation permanente, assurant non seulement la rotation politique mais la rotation sociale: un mois de stage de culture pour tout ouvrier ou employé, obligation pour tout étudiant ou enseignant de repasser périodiquement par l'entreprise ou le centre de recherche, afin de n'avoir ni ouvriers à plein temps, ni étudiants, ni professeurs à plein temps, ni dirigeants à plein temps.
    Dira-t-on que c'est exiger une profonde mutation de notre style de vie ? Sans aucun doute: c'est la mise en cause la plus radicale de l'individualisme et de l'égoïsme, qui sont, depuis cinq siècles, au principe de nos sociétés occidentales.
    Mais l'enjeu c'est la survie de la planète et de chacun de nous.
    La seule révolution indispensable aujourd'hui, pour que continue consciemment l'aventure humaine, est à ce prix.
    Nous ne transformerons pas le monde sans, en même temps et du même geste, nous transformer nous-mêmes.
    Comment atteindre de tels objectifs ? Comment faire émerger et réaliser un tel projet de civilisation ?
    Au niveau des moyens comme au niveau des fins il importe de ne pas s'en remettre à d'autres pour faire notre propre histoire.
    L'autodétermination des fins et l'autogestion des moyens, dans l'ensemble de la vie sociale, ne peuvent se réaliser tant qu'existe la propriété privée des grands moyens de production, de transport, de crédit et d'échange.. Elles ne peuvent se réaliser non plus si cette propriété est simplement étatisée, transférée à un groupe de technocrates et de bureaucrates.
    Le socialisme d'autogestion est incompatible avec le capitalisme de l'Ouest comme avec l'étatisme de l'Est
    (RG écrit en 1976...ndlr)
    .
    A l'heure actuelle seule est possible une autogestion des
    luttes.
    L'expérience de maintes grèves d'un type nouveau montre que c'est possible.
    L'autogestion des luttes c'est le contraire de l'illusion parlementaire ("Donnez-nous vos voix et nous vous octroierons le socialisme !") et de l'illusion des partis ("Adhérez et répercutez nos mots d'ordre, nous ferons le reste").
    L'autogestion des luttes c'est le développement des initiatives de la base, sur le lieu du travail, pour ne pas se contenter des nécessaires luttes défensives, mais pour constituer les conseils préparant les contre-pouvoirs pour la direction et la gestion des entreprises et pour créer, dans tous les secteurs de la vie sociale, des communautés de base à des degrés divers d'intégration.
    Le socialisme ne peut se réaliser au détail, car les mécanismes régulateurs du système peuvent juguler les tentatives isolées. Mais il faut être prêt, du point de vue de la conscience des buts, et de l'organisation des contre-pouvoirs, à prendre en main, dans une situation de crise profonde et de mise en mouvement de tout un peuple, notre propre sort.
    En 1968, personne n'était prêt ni à ouvrir une perspective d'un socialisme d'autogestion ni à faire fonctionner les entreprises, les administrations, la culture, avec d'autres normes que celles du patronat et de l'Etat.
    Le problème, aujourd'hui, c'est de faire en sorte que, dans une conjoncture analogue (dont la vraisemblance, à terme, est peu contestable) de n'être pas, une nouvelle fois, pris au dépourvu.

    Les choix que nous imposent ou nous proposent les Etats ou les partis ne sont pas à la mesure de la crise et ne peuvent la résoudre. Ces choix sont préfabriqués du dehors, d'en haut.
    Les peuples sont désormais adultes. Il devient de plus en plus intolérable que leur histoire et leurs vies soient décidées et faites par d'autres qu'eux-mêmes.
    Il est aujourd'hui nécessaire que chacun participe autrement que par un vote illusoire, tous les quatre ou sept ans, aux décisions majeures dont dépend son destin.
    Il est possible de créer une culture et une formation qui aident chaque homme et tous les hommes à être créateurs de l'avenir.
    Il est possible de changer la vie.
    Nous pouvons, dés maintenant, commencer à briser la logique du système qui nous réduit à l'impuissance en nous isolant.
    Le premier pas: aller à la rencontre de l'autre - en acceptant sa différence - pour créer ensemble ces communautés de travail, de consommation et de culture.
    Contre la jungle des concurrences et l'étouffement des hiérarchies, créons ce rapport humain nouveau, ce tissu social nouveau, et le pouvoir extérieur reculera.
    Soyons ensemble responsables, ou bien nous serons dirigés.
    Avec vous, par vous, là où vous êtes, l'avenir et l'espérance peuvent commencer à exister, aujourd'hui.


    Roger Garaudy

     

     

    En 1976, Roger Garaudy publiait "Le projet espérance"(Editeur Robert Laffont), avec en conclusion cet "appel" dont les termes demeurent à mon avis valables et dignes de discussion aujourd'hui.


    votre commentaire
  •  
     
    Jeudi 14 août 2008

     

     



    Pour l'Europe des peuples

     

     
    inv

    Interview de Jean-Michel Vernochet (publiée sur http://www.toutsaufsarkozy.com), coordinateur de Manifeste pour l'Europe des peuples, ouvrage collectif.


    R&A - Considérant les dérives de l’actuelle Union Européenne certains auteurs qui s’expriment dans « Le Manifeste », proposent d’en revenir au texte fondateur du Traité de Rome signé en 1957. Pourtant, la relecture des Pères fondateurs pourrait laisser penser que, dès le départ, les dés étaient pipés ?


    JMV - Toute la construction européenne s’est faite autour d’un non-dit. Malentendu pour les uns, arrière-pensée pour les autres. Il est clair que la construction a été lancée sur un a-priori implicite : la destruction des États nations. L’idée même de nation étant devenue odieuse aux nouvelles classes dirigeantes dans un monde occidental dominé, au lendemain de la guerre, par un modèle démocratique à prétentions universalistes, exporté par l’Amérique. La nation est depuis accusée de tous les maux, la responsabilité de toutes les guerres passées, présentes ou futures. Cela était évidemment mensonger, mais le propre des idéologiques dogmatiques n’est-il pas qu'elles soient admises et imposées comme Vulgate, sans le moindre examen critique. Intelligentsia et politiques réunis ont tous communié dans la volonté de détruire l’idée même de communauté nationale. Notion toujours méprisable lorsqu’il s’agissait des peuples de la vieille Europe, mais exaltée lorsqu’il s’agissait de soutenir les mouvements exotiques de libération nationale. Attitude schizophrénique, mais en surface seulement puisque la logique inavouée était une guerre sans limites contre la souveraineté des anciennes nations appelées à se satelliser puis se fondre dans l’espace marchand et sécuritaire euratlantique.
    Loin de s’affaiblir avec le temps cette haine de l’État national (c’est-à-dire incarnant une communauté et une continuité de destin historique, ethnoculturel), s’est exacerbée jusqu’ à produire une guerre de sept ans en Europe même avec pour but le démantèlement de la Fédération yougoslave. Processus non encore achevé malgré l’épuration ethnique qui a frappé les Serbes dans leur foyer historique du Kossovo et qui pourrait nous réserver des surprises tant la poudrière balkanique mérite bien son nom !
    Notons que cette guerre intra-européenne, la première depuis septembre 1939, se déclenche alors que la construction communautaire a pris un tournant décisif avec la signature du Trait de Maëstricht le 7 février 1992, intervenu alors que le processus de désintégration de la Yougoslavie vient de commencer avec la sécession, soutenue par l’Allemagne, de la Slovénie le 25 juin 1991. Cette guerre européenne n’a en fait été rendue possible que par la signature le 17 février 1986 de l’Acte unique européen qui, en matière de sécurité collective, associait le destin de l’Union de l’Europe occidentale à celui de l’Otan qui portera au printemps 1999 le coup de grâce à la Fédération yougoslave au cours de deux mois de bombardements intensifs notamment sur des objectifs civils, soit autant de crimes de guerre.
    Les guerres balkaniques ont ainsi révélé la vraie nature de l’Union européenne dans sa vocation à servir les objectifs politiques et militaires de la puissance atlantique au cœur même de l’Europe. Pour mémoire, je rappellerais en raccourci que le Kossovo abrite aujourd’hui la plus grande base américaine à l’Ouest du continent, que d’autres sont en cours d’aménagement chez les derniers arrivants, Roumanie et Bulgarie ; que la Pologne, supplétif des anglo-américains en Irak (où à contre sens du mouvement général de désengagement, renforce son contingent à l’heure de la débâcle !), va installer des batteries de missiles anti-missiles qui n’ont évidemment pas vocation à bloquer d’éventuelles frappes iraniennes, mais bien à contenir, au sens d’encercler, une Russie qui poursuit son effort de reconstruction nationale. Je rappelle enfin, que la guerre du Kossovo a été conduite par les Européens sous la houlette du Grand frère - Big Brother – américain, hors de toute légalité internationale, c’est-à-dire sans l’aval du Conseil de Sécurité, mais sous la bannière du Pacte atlantique !



    Plusieurs États, membres de l’Union ce sont aujourd’hui associés aux Etats-Unis dans leur guerre d’agression contre d’autres États souverains, en Irak, par exemple, l’un de ce derniers verrous de souveraineté qui bloquent l’intégration des peuples au sein d’un vaste espace de pillage économique – ce que d’aucun nomment le marché global – au profit de minorités oligarchiques, lesquelles ont théorisés la concentration des pouvoirs d’argent entre leur main au nom d’une prétendue liberté : celle du renard libre dans le poulailler libre ; étant entendu que les volailles s’interdisent de battre des ailes pour échapper à leur sort. À ce titre, les peuples ne sont plus aujourd’hui, à mes yeux, que du bétail taillable et corvéable à merci au seul profit des prophètes d’un ultralibéralisme dont la seule foi et la seule loi, tiennent dans la concentration sans limites de puissance entre leurs mains, celle d’une poignée d’élus régnant sur l’univers.


    R&A - Pourtant un argument souvent martelé est que, malgré ses imperfections, la grande réussite de l’Europe c’est la paix ?


    JMV – Plus c’est énorme et mieux ça marche. Plus le mensonge est phénoménal et plus il devient incontestable. D’ailleurs qui peut répondre, et où, et comment ? La grande presse est aux mains d’analphabètes recrutés spécifiquement pour leur ignardise et leur absence de jugement personnel, qui tournent très vite menteurs professionnels parce qu’enfin, ils ont quand même des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. L’exemple des guerres balkaniques est exemplaire et l’affaire n’est pas terminée ; après la Yougoslavie, une fois le Kossovo indépendant, ce sera au tour de la Macédoine. Pendant ce temps l’on nous serine « l’Europe, c’est la paix ». Du pur Orwell. Je signale au passage que pour constituer la Légion arabe qui participa à la guerre de Bosnie sous les auspices de la CIA, Oussama Ben Laden bénéficia d’un passeport diplomatique bosniaque qui lui fut remis à Vienne ! Cela en dit long sur les dimensions cachées des conflits d’Europe orientale et des manipulations qui les accompagnent…
    Pour ne pas conclure sur ce chapitre, je note que l’Union participe aux côtés des É-U à sa Guerre sans limites contre l’aire civilisationnelle islamique : n’est-ce pas l’Otan qui conduit les opérations sur le théâtre afghan ? L’Otan, jusqu’à plus ample informé, c’est essentiellement l’Europe. De jeunes européens font donc actuellement la guerre au profit des oligarques et des néo-conservateurs américains. Double conclusion : l’Europe américaine sous tutelle de l’Otan, c’est la guerre ; les politiques et leurs sbires médiatiques nous prennent pour des imbéciles.


    R&A – Dans le domaine économique, l’idéologie officielle de l’Union est celle du libre-échangisme intégral. Cela nous a-t-il finalement permis de créer un espace de coprospérité viable ?


    JMV - Évidemment non. La liberté des échanges, des personnes, des biens, des idées fonctionne, la plupart du temps, à sens unique. En ce qui concerne les personnes essayez donc d’immigrer illégalement n’importe où dans le monde, vous m’en direz des nouvelles. Il n’y a que dans l’Espace Schengen où l’on puisse entrer comme dans un moulin, s’installer et faire prévaloir des droits exorbitants du sens commun. Quant aux É-U, la Chine, l’Inde, ils protègent jalousement leurs frontières et ces superpuissances ne se privent pas de recourir à des mesures protectionnistes que nous nous interdisons au motif de respecter un carcan de règles infernales qui dévastent nos économies les transformant littéralement en friches industrielles sous l’effet du tsunami des délocalisations vers les pays sans coûts sociaux. La dérégulation générale de l’économie, et ce n’est là qu’un paradoxe apparent, s’accompagne en outre d’une division internationale du travail voulue par les sorciers planétaristes qui décident de nos destinées dans les enceintes du le G8, de l’Otan, de l’OMC. En fait de co-prospérité, l’élargissement démentiel de l’Union à l’Est, tire nos économies vers le bas, nous appauvrit, stérilise nos énergies. Et parce que les nouveaux entrants sont étroitement inféodés aux É-U - à l’Est Washington ne se gêne pas de pratiquer une politique clientéliste avec ses nouvelles démocraties bananières - l’Union élargie à vingt-sept constitue à l’évidence un vrai danger dans l’actuelle conjoncture de guerre. Je veux parler du conflit qui peut intervenir à tout instant contre l’Iran.


    R&A - Le protectionnisme ne serait-il pas un choix économique suicidaire pour l’Europe ?


    JMV – C’est ce que l’on a voulu nous faire croire pendant des décennies. Cela fait partie de l’arsenal ordinaire du terrorisme intellectuel. Il n’y a pas que les hommes qui soient diabolisés, les idées aussi. Cela permet d’interdire des champs sémantiques essentiels à la compréhension du monde et sans lesquels il ne saurait y avoir de liberté de pensée et d’action. Ce ne sont pas seulement des mots qui sont retranchés du vocabulaire, mais des idées qui sont interdites : s’il vous manque des pièces dans le mécano vous permettant de construire une vision cohérente du monde, vous construisez autrement, de façon bancale, incomplète, faussée.
    L’interdit qui frappe certains mots dans cette Novlangue, tels ceux de nation, d’identité – on vient de le voir dans la campagne des présidentielles – ou son corollaire ethnicité, rend impossible de penser la réalité et par conséquent canalise l’action à sens unique. Nous sommes peu à peu enfermés dans des labyrinthes sémantiques qui cassent la logique du vivant – comme dans les nouveaux plans de circulation de la Capitale - et interdisent l’action ; nous sommes prisonnier d’une matrice logique qui nous coupe du réel comme l’avait imaginé George Orwell. De façon générale, le protectionnisme linguistique est essentiel à notre survie en tant que peuple. Nous devons œuvrer contre toutes les tendances à la déstructuration linguistique, tous les abâtardissements anglomaniaques ou créolisant.
    Il est clair qu’en matière économique, un certain protectionnisme relève du plus élémentaire bon sens, notamment dans les secteurs où nous devons en aucun cas ne pas dépendre des importations. L’agriculture en est un parmi d’autres : l’éventualité très présente de crises internationales engendrant une rupture des approvisionnements extérieurs, crée une insupportable dépendance. Idem pour l’énergie, ceux qui prônent l’abandon du nucléaire sont, au mieux, des imbéciles.


    R&A - Douze millions de paysans sont portés manquants en Europe, les mines, la sidérurgie, le textile ont presque disparu, maintenant les secteurs de haute technologie comme Airbus, paraissent menacés. Quel doit être notre destin dans un monde dominé par la grande finance apatride ?


    JMV – Ne plus avoir de destin du tout puisque nous n’existerons plus en tant que peuple doué d’une conscience et d’un imaginaire collectif. Les champs de ruines industriels, mille ans de terroirs effacés par l’agrobusiness, la mémoire effacée des paysages et les jeunes cervelles lessivées par le système de formatage idéologique qui se nomme par antiphrase « Éducation nationale », la déculturation et la zombification universelle, seront notre destin. Celui d’un bétail humain producteur et consommateur et, le cas échéant, chair à canon destinée à l’abattoir dans des guerres perpétuelles opposant le Nord au Sud, l’Ouest à l’Est. Notre destin se situe quelque part entre la matrice des frères Wachowski et « 1984 ».
    Je précise que cette façon de voir n’est pas outrancièrement pessimiste ; nous y sommes déjà et la meilleure preuve en est que nous n’en avons que peu ou pas conscience du tout ! Nous ne décidons plus de rien, nous le peuple réputé souverain, car ladite démocratie est depuis longtemps totalitaire à bas-bruit, tout est prohibé et les rares choses autorisées le sont très explicitement (et non le contraire comme l’avait bien noté Coluche). Nous sommes caporalisés, enfermés dans un monde de sens unique, de panneaux d’interdiction, suspects de naissance... N’êtes-vous pas d’accord ?


    R&A - Plusieurs contributeurs au « Manifeste » se rattachent à la mouvance souverainiste. Si nous partageons avec eux la conscience aiguë du danger lié à une construction européenne supranationale, a contrario, le refus de l’Europe ne constitue-t-il pas un autre danger ? Celui d’un repli sur le bastion national menacé de n’être plus à terme qu’un ghetto hexagonal ? L’espace géopolitique européen n’est-il pas notre dernière chance ?


    JMV – Cela ne se discute pas. Face aux « empires » émergents d’Asie et la surpuissance de la thalassocratie anglo-américaine, notre seule issue est dans la construction d’une Europe-puissance où chacun conservera ses atouts. À nous d’inventer un modèle qui saura associer les prérogatives de la souveraineté avec le jeu coordonné de l’ensemble. Il est clair que certains États auront une voix prépondérante ; la France, l’Allemagne, ou les deux réunis, si la convergence de vue et d’intérêt est atteinte. Pour tout orchestre, il faut un conducteur, le reste est bavardage. De toute façon, seuls, nous ne faisons pas le poids, surtout en traînant le fardeau des droits de l’homme et d’une dette pharamineuse… Quant aux dits souverainistes, permettez-moi de douter de la pureté de leurs intentions : n’ont-ils pas épousé la rhétorique mortelle du Choc des civilisations dont la traduction ici sera la guerre civile ? N’étant pas totalement des sots, j’imagine que leur conception de la souveraineté n’est pas du tout en rupture avec l’atlantisme ; la seule ligne de clivage politique ayant un sens - à présent que droite et gauche sont mortes ou quasiment - est entre indépendance ou satellisation. Les avez-vous entendu dénoncer l’Otan ? Non ? Bon alors !


    R&A - Qu’est-ce que l’Europe ?


    JMV – Vaste question. L’Europe des peuples préexiste à son concept. La réalité précède l’idée et le mot. L’Europe est une réalité née de l’histoire. Elle existe parce que tous autant que nous sommes, sortons d’une matrice ethno-culturelle commune. Il a les négateurs de l’Europe réelle, ceux qui effacent délibérément les origines et font la guerre à notre mémoire collective ; ceux qui voudraient exclusivement des Européens de papier selon ce qu’ils appellent des critères de convergence. À ce titre, n’importe qui peut se déclarer européen s’il remplit le cahier des charges établi par les eurocrates. Évidemment, il faut d’urgence revenir à la réalité, sortir du rêve éveillé et rebâtir un monde pour des hommes de chair et d’os. L’utopie européiste, meurtrière comme toutes les utopies, nous conduit droit au chaos économique et social. À nous de changer ce funeste destin. À nous de retrouver les chemins de la liberté.


    R&A : Le « Manifeste » appelle à une refondation du projet européen comme préalable à renaissance des peuples. Comment vous situez vous idéologiquement par rapport à la ligne de notre revue ouvertement identitaire, grande européenne et révolutionnaire ?

    JMV - Rien de ce qui est humain, et particulièrement français et européen, ne m’est étranger. La France est ma terre natale, l’espace culturel et linguistique qui a façonné ma personnalité et modelé ma façon de penser, d’être au monde. Nous faisons corps avec la terre nous vivons. Peut-être peut-on aller jusqu’à dire que nous sommes imprégnés ou possédés par l’esprit de la terre où nous vivons. Toujours est-il que, si aujourd’hui nous ne réagissons pas, nous sommes des condamnés à mort. Mort économique, culturelle, nous disparaissons en tant que peuple porteur d’une haute culture ; nous nous fondons dans un magma humain aux couleurs de la world culture, autrement dit le néant culturel.
    Certains ont pu parler encore dans un passé récent de la mission spirituelle de la France, sans aller jusque-là, disons que nous avons un devoir de survie ; or nous ne survivons que dans et par nos enfants dans la mesure où ils nous ressemblent ; ceci suppose la préservation du terreau où ils poussent, c’est-à-dire le support existentiel, territoire matériel, géographique, qui est aussi espace spirituel et culturel. Nous avons également un devoir de fidélité à l’égard de nos aïeux, de nos ancêtres qui ont tant sacrifié, souffert et espéré pour bâtir cette France qui est nôtre d’héritage et de droit ; une entité physique réelle, charnelle, organique et pas seulement une idée pouvant être frappée d’obsolescence. Ne varietur. Cette conscience et cette volonté d’être nous-même, de transmettre ce que nous avons reçu à ceux qui viennent et qui sont nos fils, qui donc, par filiation sont porteurs et vecteurs des destinées anciennes, cela est notre droit et notre devoir.
    Si revenir au réel est une attitude révolutionnaire et bien oui, je me déclare comme tel. Je milite pour la révolution du vivant contre les idéologies de mort qui vouent les hommes et les cultures au suicide collectif. Seul l’homme enraciné peut prétendre à l’universalité. Il faut être pleinement soi-même, inscrit dans une lignée cohérente, venant du passé pour aller vers l’avenir. La seule façon d’être humain est d’être pleinement soi-même, conscient et libre de ses choix. La société que nous devons bâtir devra permettre cette assomption de l’homme. Dans le cas contraire, elle est son pire ennemi.

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2008/01/20/7632909.html


    votre commentaire
  •  
     
    Jeudi 14 août 2008




    Sionisme
    et antisémitisme

     

    Nous vivons en pleine confusion. Juif, cela désigne des peuples qui ont une communauté de destin liée à la religion. Sioniste c’est une idéologie. Israélien, c’est une nationalité. Et israélite, c’est le nom (napoléonien) donné à la religion juive. À cause de ces confusions, le peuple palestinien paie depuis des décennies pour un crime qu’il n’a pas commis : l’antisémitisme et le génocide Nazi. À cause de ces confusions, l’Etat d’Israël bénéficie d’une impunité totale malgré des violations incessantes du droit international. À cause de ces confusions, toute critique de la politique israélienne est instantanément qualifiée d’antisémite. Si elle émane de citoyens juifs, ceux-ci sont aussitôt qualifiés de traîtres ayant la haine de soi. Enfin, à cause de ces confusions, une nouvelle forme d’antisémitisme (ré)apparaît qui attribue à tous les Juifs les crimes commis par l’Etat Israélien. Bien sûr, il n’est pas facile de distinguer juif, sioniste et israélien : l’Etat d’Israël se définit comme « juif ». On parle de colonies juives, pas de colonies israéliennes. La distinction est pourtant indispensable.

    Une histoire fantasmée

    Pour les sionistes, les Juifs ont des droits imprescriptibles sur « la terre de leurs ancêtres ». Ils en ont été chassés il y a deux mille ans, ils ont connu « l’exil », et grâce au sionisme, ils ont fait leur « montée » (Alya) vers Israël et ont pu reconstituer enfin le royaume unifié de David et Salomon. Pour les sionistes même non-croyants, la prière « l’an prochain à Jérusalem » justifie la nécessité d’un Etat Juif en Palestine. Les sionistes sont allés chercher dans la Bible tous les épisodes pouvant justifier les conquêtes et le nettoyage ethnique aujourd’hui à l’œuvre. Pour les sionistes, la « centralité » d’Israël n’est pas discutable et la Diaspora (dispersion) n’est qu’une malencontreuse parenthèse. Tout a été fait pour en effacer la trace. Les langues de la Diaspora (judéo-arabe, ladino, yiddish) ont disparu au profit d’une « résurrection » de l’Hébreu. Les valeurs et la culture des diasporas ont été gommées au profit d’un « homo judaicus » nouveau, militariste, chauvin et « défrichant sa terre » pour « transformer le désert en jardin ». Pour les sionistes, la Diaspora a été une suite ininterrompue de persécutions et de catastrophes à l’image du livre d’André Schwartz-Bart (« le Dernier des Justes ») qui commence au Moyen-Âge avec le pogrom d’York et se termine à Auschwitz. Pour les sionistes, l’antisémitisme est inéluctable, il est omniprésent et il est inutile d’essayer de le combattre. Autrement dit, les Juifs ne peuvent vivre qu’entre eux et ne peuvent compter que sur eux-mêmes, d’où le projet fou (et criminel) de faire venir tous les Juifs du monde entier en Israël. Donc pour les sionistes, la fin justifie les moyens et cela explique leur stratégie permanente : le fait accompli et la fuite en avant. Les sionistes ont mythifié l’épisode de Massada où des Zélotes révoltés contre l’empire romain ont préféré le suicide collectif à la soumission. Le complexe de Massada repose sur la peur permanente de l’anéantissement. Les Israéliens ont peur. Pour eux, tout recul signifie « les Juifs à la mer ». Ils ont peur de ne plus avoir peur, ce qui les obligerait à réfléchir sur le sens et l’avenir du projet colonial qu’ils ont mis en place depuis plus d’un siècle. De façon symbolique, à la sortie du musée de Yad Vashem à Jérusalem consacré au génocide Nazi, il y a un monument célébrant la fondation d’Israël.

    Le tour est joué : Israël serait LA réponse à l’antisémitisme et son issue naturelle. Dans cette optique, il est logique que les sionistes n’aient jamais vraiment admis l’existence du peuple Palestinien. Pour un des premiers sionistes, Israël Zangwill, il fallait trouver une « terre sans peuple pour un peuple sans terre » et les sionistes ont décidé que ce serait la Palestine.

    L’histoire enseignée en Israël parle d’une présence juive massive ininterrompue en Palestine. Elle parle de pogrom à propos de la révolte palestinienne de 1936 contre le colonialisme sioniste. Plus près de nous, les dirigeants israéliens ont qualifié Arafat de « nouvel Hitler » et Ariel Sharon, lors du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz, a justifié le bouclage de la Palestine et les assassinats ciblés au nom de l’extermination. Bref, le fantôme du génocide sert de bouclier et de prétexte pour associer les Palestiniens aux Nazis et justifier ainsi la destruction de la société Palestinienne. Pour les sionistes, les Juifs du monde arabe ont été persécutés et les Ashkénazes les ont sauvés en les faisant « monter » vers Israël. Les sionistes ont gommé les différences idéologiques. De gauche comme de droite, tous propagent la même fable sur l’histoire du judaïsme, oubliant même de dire qu’une bonne partie des victimes du génocide n’avaient rien à voir avec leur idéologie et étaient souvent non-croyants. Pour les sionistes, les Juifs ont été, sont et seront des victimes. Du coup, ils sont totalement insensibles à la douleur de l’autre ou à son vécu.

    Démystifier

    Beaucoup de crimes sont régulièrement commis au moyen d’une manipulation de l’histoire, de la mémoire et de l’identité. La guerre du Proche-orient ne fait pas exception.

    Ce sont des Israéliens principalement qui ont fait le travail de démystification du sionisme.

    Commençons par l’archéologie (*). Elle infirme totalement la lecture littérale de la Bible sur laquelle même des athées comme Ben Gourion s’étaient appuyés. Elle montre que dans l’Antiquité (la Bible l’évoque aussi), la Palestine a toujours été habitée par des peuples distincts : Hébreux bien sûr mais aussi Iduméens, Moabites, Philistins, Cananéens ... Les Hébreux sont un peuple autochtone et les épisodes de l’arrivée de Mésopotamie (Abraham) ou de l’exil en Egypte (Moïse) sont légendaires. On ne trouve aucune trace de la conquête sanglante de Canaan par Josué et même le royaume unifié de David et Salomon n’a sans doute pas existé comme le dit le récit biblique : à l’époque, Jérusalem n’était qu’un village. Donc la reconstitution d’une patrie ancienne antérieure à l’exil est largement fantasmée : les royaumes d’Israël et de Juda ont probablement toujours été des entités distinctes. Les mots d’ordre régulièrement répétés par les colons religieux du Gush Emonim (le Bloc de la foi) affirmant que Dieu a donné la Judée-Samarie au peuple Juif ne reposent sur rien et ils sont d’ailleurs totalement réfutés par d’autres courants religieux.

    Y a-t-il eu exil ? Si l’on en croit plusieurs historiens dont Shlomo Sand qui le dit clairement, au moment de la destruction du 2e temple par les troupes de Titus (70 ap JC), seule une minorité d’habitants est partie, en particulier les rabbins. À cette époque, la dispersion a déjà commencé et il y a déjà des Juifs à Babylone, à Alexandrie ou en Afrique du Nord. Les Palestiniens d’aujourd’hui qui sont un peuple autochtone seraient donc essentiellement les descendants de ceux qui sont restés (dont beaucoup de Juifs romanisés). Alors d’où viennent les Juifs ? Pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, la religion juive est prosélyte. C’est la religion qui s’est dispersée, pas les hommes. Des Berbères, des Espagnols, des Grecs, des Romains, des Germains se convertissent au judaïsme. Plus tard, des Khazars, peuple d’origine turque entre Caspienne et Mer Noire feront de même. La religion juive cesse d’être prosélyte dans l’empire romain quand l’empereur Constantin impose le christianisme comme religion officielle. Shlomo Sand remet en cause l’existence d’un peuple Juif. Qu’y a-t-il de commun entre des Juifs Yéménites, des Juifs Espagnols et ceux du Yiddishland ? Il y a une religion et un livre, mais parler de peuple exilé, ça ne correspond pas à la réalité. Les sionistes ont surfé sur la persécution des Juifs Européens pour inventer cette notion de peuple exilé faisant son retour.

    La diaspora n’est pas une parenthèse de l’histoire du judaïsme. C’est son centre. C’est dans la diaspora que l’essentiel des rites et des croyances se sont établis. Les références à Jérusalem, au mur des Lamentations et aux scènes racontées dans la Bible sont symboliques. Elles n’ont jamais signifié une « aspiration » à recréer un Etat Juif en « Terre promise ». Elles ont un peu la même signification que la prière des Musulmans en direction de La Mecque. La notion de « peuple élu » n’a jamais conféré aux Juifs des droits supérieurs à ceux des autres (les « goys », les « gentils »). Elle exprime juste une relation particulière avec Dieu.

    De la révolte de Bar Kochba au IIe siècle ap JC à l’arrivée des premiers colons sionistes à la fin du XIXe siècle, les Juifs n’ont jamais représenté plus de 5% de la population de la Palestine. C’est moins que dans les pays voisins (Egypte, Mésopotamie, Perse, Yémen). C’est beaucoup moins que dans l’Espagne du XIVe siècle ou dans la « zone de résidence » de l’empire russe du XIXe siècle (Vilnius, Varsovie, Minsk, Odessa ...).

    De l’antijudaïsme chrétien à l’antisémitisme racial

    La plupart des royaumes ou des empires ont très mal toléré le pluralisme religieux. Les Romains exigeaient des peuples soumis qu’ils ajoutent les divinités romaines à leurs propres divinités. Ce qui a fonctionné avec les Grecs et les Gaulois n’a pas fonctionné avec les Juifs, monothéisme oblige. Une partie des Juifs a adopté la langue grecque et a accepté la « romanité ». Pas tous et la révolte contre Titus a commencé dans Jérusalem par une guerre civile entre Juifs, très bien décrite par Pierre Vidal-Naquet. Ce conflit entre ceux qui acceptent le monde des « gentils » et ceux qui le refusent au nom d’une conception exclusive du judaïsme se poursuit 2000 ans plus tard.

    Le Christianisme n’a jamais été pluraliste et dès qu’il parvient au pouvoir, il s’acharne contre les autres religions. Le culte de Mithra ou l’Aryanisme n’ont pas survécu. Le judaïsme a survécu, mais à quel prix ! Les Chrétiens ont enfermé les Juifs (les juderias, les ghettos...), leur ont interdit la possession de la terre et les ont poussés à l’exercice de métiers qui leur ont valu la haine des peuples (le colportage, l’usure, la banque).

    Dès le Haut Moyen-âge, les expulsions se succèdent occasionnant des drames. Un des premiers pogroms (massacre de masse) est commis par la première croisade qui avant de « tuer de l’infidèle » et de « délivrer » le Saint-Sépulcre, s’est entraînée sur les communautés juives de la vallée du Rhin, provoquant le début du déplacement vers l’Est des Ashkénazes.

    Le monde musulman n’a pas produit le même phénomène : le statut de dhimmi qui est réservé aux « Peuples du livre » (Chrétiens, Juifs, Zoroastriens ...) a permis aux Juifs du monde musulman de connaître une paix relative et une certaine stabilité. Les moments de tension sont rares (l’arrivée des Almohades en Andalousie, le massacre de l’oasis du Touat dans le Sahara ...) et ils correspondent surtout à des périodes de crise. Avant le sionisme, il n’y a eu ni expulsion, ni pogrom contre les Juifs dans le monde musulman.

    L’antijudaïsme chrétien a fabriqué la plupart des stéréotypes antijuifs : le peuple déicide, les crimes rituels, la volonté de diriger le monde. L’épisode espagnol du XVe siècle est annonciateur de l’antisémitisme racial. Au moment où l’Espagne se réunifie, l’Etat moderne qui se crée ne peut plus tolérer ses minorités (Juifs et Musulmans). Ce rêve fou de pureté ira jusqu’à rechercher la « limpieza de sangre » (la pureté du sang), inventant là une pseudo race juive. En même temps, l’histoire des Juifs dans le monde chrétien ne doit pas être réduite à la persécution. Il y a eu quelques périodes fastes.

    L’émancipation des Juifs commence en Europe au XVIIIe siècle en Allemagne puis en France où les Juifs obtiennent la citoyenneté. Paradoxalement, c’est cette émancipation qui va transformer l’antijudaïsme chrétien en antisémitisme racial. Le XIXe siècle voit la naissance de nombreux nationalismes. Ceux-ci véhiculent l’idée simpliste un peuple = un Etat et la plupart d’entre eux sont particulièrement intolérants vis-à-vis des minorités.

    Le Juif est perçu comme étant cosmopolite, hostile à toute idée de nation. Il est souvent un paria, même quand il a réussi socialement. Il représente un obstacle naturel au rêve meurtrier de pureté raciale. C’est d’ailleurs à cette époque que des pseudo scientifiques inventent les notions de « races » aryenne ou sémite qui ne reposent sur rien. La violence de cet antisémitisme aboutira à une espèce de consensus en Europe contre les Juifs, consensus qui facilitera l’entreprise d’extermination Nazi.

    Le sionisme est-il une réponse à l’antisémitisme ?

    Curieusement, le sioniste a puisé dans le même terreau nationaliste européen que celui de diverses idéologies qui ont mené à la boucherie de 1914 et pour certaines au nazisme. En ce qui concerne la droite sioniste, on trouve même chez Jabotinsky (qui a vécu plusieurs années en Italie) des ressemblances avec le fascisme de Mussolini. En tout cas, Jabotinsky est le premier à avoir théorisé le « transfert », terme de novlangue qui signifie l’expulsion de tous les Palestiniens au-delà du Jourdain.

    En Europe orientale, le sionisme a toujours été minoritaire chez les Juifs face aux différents courants socialistes et face au Bund. Pour les Juifs des différents partis socialistes, la Révolution devait émanciper le prolétariat et, dans la foulée, elle règlerait la question de la persécution des Juifs qui n’était pas pour eux un problème spécifique. L’histoire a montré que cela n’allait de soi. Pour le Bund, parti révolutionnaire juif, il existait en Europe orientale un peuple yiddish (le Bund ne s’adressait pas aux Juifs séfarades ou à ceux du monde arabe) et dans le cadre de la révolution, celui-ci devait obtenir « l’autonomie culturelle » sur place sans territoire spécifique. Socialistes et Bundistes étaient farouchement opposés au sionisme. Pendant qu’Herzl rencontrait un des pires ministres antisémites du tsar pour lui dire qu’ils pouvaient avoir des intérêts communs, faire partir des Juifs Russes en Palestine, le Bund organisait (après le pogrom de Kichinev) des milices d’autodéfense contre les pogromistes. Au début du XXe siècle, les sionistes sont absents de la lutte contre l’antisémitisme. Prenons l’affaire Dreyfus. Pour Herzl, ça a été un élément tout à fait déterminant prouvant la justesse du projet sioniste.

    Il y a pourtant une lecture diamétralement opposée de « l’Affaire ». D’abord, ça n’a pas été seulement le problème des Juifs. C’est devenu le problème central de la moitié de la société française, celle qui était attachée à la république et à la citoyenneté. Et puis le dénouement n’est pas négligeable. La réhabilitation finale de Dreyfus a montré que ce combat avait un sens et pouvait être gagné. En 1917, c’est la déclaration Balfour. Il faut le savoir, ce Britannique, comme la grande majorité des politiciens de son époque, avait de solides préjugés contre les Juifs. Pour lui, un foyer Juif, c’était faire coup double pour l’empire britannique : une présence européenne au Proche-Orient et en même temps, l’Europe se débarrassait de ses Juifs.

    Pendant les années du mandat britannique, les sionistes n’ont eu qu’une seule préoccupation : construire leur futur état. En 1933, quand les Juifs Américains décrètent un boycott contre l’Allemagne Nazi, Ben Gourion le rompt. Pendant la guerre, alors que l’extermination a commencé, il y a une grande incompréhension ou insensibilité parmi les Juifs établis en Palestine. Aujourd’hui, les Israéliens rappellent la visite (scandaleuse) du grand mufti de Jérusalem à Himmler. À la même époque, Itzhak Shamir, dirigeant du groupe Stern et futur premier Ministre israélien faisait assassiner des soldats britanniques. Pire, un de ses émissaires prenait contact avec le consulat Nazi d’Istanbul.

    Dans l’Europe occupée, il y a eu une résistance juive assez importante. Les sionistes y ont joué un rôle plutôt marginal. Cette résistance a été essentiellement communiste, à l’image de la MOI (**) en France. Il est significatif qu’au musée de Yad Vashem, on trouve « l’Affiche Rouge », on y fait remarquer que la grande majorité des compagnons de Manouchian étaient juifs, mais on omet juste de dire qu’ils étaient communistes. Les sionistes rappellent que le commandant de l’insurrection du ghetto de Varsovie, Mordekhaï Anielewicz était membre de l’Hashomer Hatzaïr (donc sioniste), mais ils ont essayé de minimiser le rôle de Marek Edelman, qui a survécu et qui est toujours Bundiste et farouchement antisioniste.

    Israël n’aurait pas existé sans le génocide Nazi. Après 1945, il y a eu un consensus de la communauté internationale. Elle a lavé sa culpabilité concernant l’antisémitisme et le génocide pour favoriser la création d’Israël et aider militairement et économiquement le nouvel Etat. En Europe de l’Est, le pogrom de Kielce en Pologne (1946), l’élimination de nombreux dirigeants communistes juifs ayant fait la guerre d’Espagne et la résistance (Slansky, Rajk, Pauker ...) ou le « complot des blouses blanches », bref le renouveau d’un antisémitisme d’Etat provoque chez les Juifs une rupture avec le communisme et un ralliement progressif au sionisme. L’épisode antisémite en Europe du l’Est se prolongera avec la répression en Pologne de la révolte de 1968 qui aboutira à l’expulsion de plusieurs milliers de Juifs Polonais.

    Après 1945, le Yiddishland a disparu et de nombreux rescapés vivent dans des camps en essayant d’émigrer vers l’Amérique ou d’autres pays. La plupart des portes se ferment. Il y a consensus pour les envoyer en Israël et la plupart y partiront, souvent contraints et forcés. Ils y seront pourtant fort mal accueillis. La propagande sioniste oppose l’Israélien nouveau fier de lui et qui se bat, aux victimes du génocide qui auraient accepté passivement l’extermination. Aujourd’hui près de la moitié des 250000 survivants du génocide vivant en Israël sont sous le seuil de pauvreté, en particulier ceux qui sont arrivés d’Union Soviétique.

    Certains dignitaires religieux israéliens sont particulièrement odieux vis-à-vis des victimes du génocide. Entre deux propos racistes contre les Palestiniens, ils ressassent que le génocide a été une punition divine contre les Juifs qui s’étaient mal conduits.

    C’est petit à petit qu’Israël a vu le parti à tirer du génocide. Il y a eu la création de Yad Vashem puis le procès Eichman. On en est arrivé au « devoir de mémoire » obligatoire. Sauf que cette « mémoire » résulte d’une certaine manipulation de l’histoire et de l’identité. En ce qui concerne les Juifs du monde arabe, ce « devoir de mémoire » se substitue à leur véritable histoire, certes douloureuse : ils ont dû quitter leurs pays avec la décolonisation alors qu’ils n’étaient pas des colonisateurs. Ils ont été en Algérie les victimes du décret Crémieux (***). Mais cette histoire n’est en aucun cas celle du génocide.

    Après la guerre, Israël a demandé et obtenu des « réparations » économiques énormes publiques et privées à l’Allemagne de l’Ouest. Ces milliards de marks ont assuré le décollage économique et militaire d’Israël et la réinsertion de l’Allemagne dans la diplomatie internationale. Il serait plus hasardeux de dire ce que cette somme mirobolante a « réparé » dans les souffrances intimes ou le traumatisme.

    Peut-on associer le souci d’aider les Juifs et le soutien à Israël ? Pas nécessairement du tout. Balfour était antisémite. Beaucoup d’antisémites trouvent intéressante l’idée d’un Etat Juif qui les débarrasserait de leur minorité encombrante. C’est le cas de certains membres du Front National. Aujourd’hui, le courant « chrétien sioniste » qui représente des millions de personnes surtout aux Etats-Unis apporte une aide financière et politique énorme à Israël. Ils ont financé une partie de la colonisation (en particulier la construction de Maale Adoumim). Ce sont pourtant des antisémites !

    Peut-on considérer que, face à l’antisémitisme, le sionisme a apporté un « havre de paix » aux Juifs ? Pour les Juifs du monde arabe, sûrement pas, ils n’ont pas été persécutés avant l’apparition du sionisme. Pour les Juifs européens, la question a pu se poser. En tout cas, aujourd’hui, s’il y a bien un pays où les Juifs ne connaissent pas la sécurité, c’est ... Israël et il en sera ainsi tant que le sionisme essaiera de détruire la Palestine.

    Si on parlait racisme ?

    L’antisémitisme est-il un racisme comme les autres ? Y a-t-il « unicité » du « judéocide » Nazi ? Il n’est pas facile de répondre à ces questions. L’antisémitisme a été un racisme à part car la plupart du temps, les racistes ne programment pas l’extermination du peuple haï. S’y ajoute le fait que les Nazis ont inventé le concept (absurde) de « race juive ». Aujourd’hui, les principales victimes du racisme dans un pays comme la France sont incontestablement les Arabes, les Noirs, les Roms, mais pas les Juifs dont certains ont oublié les souffrances passées et s’imaginent même être passés « de l’autre côté du miroir », du côté de ceux qui n’ont rien à dire contre le racisme ordinaire ou la chasse aux sans papiers. Dans son livre « Le Mal-être Juif », Dominique Vidal montre comment la plupart des préjugés contre les Juifs ont reculé. Quand on demande aux Français s’ils accepteraient un-e président-e de la république ou un beau-fils/belle-fille juif/ve, seule une petite minorité répond non. Il y a 40 ans, c’était la majorité. Affirmer comme le fait le CRIF qu’il y a un renouveau de l’antisémitisme, voire qu’on est à la veille d’une « nouvelle nuit de cristal » est très exagéré.

    Bien sûr, l’antisémitisme n’a pas disparu. Il reste essentiellement lié à l’extrême droite, mais même les antisémites les plus obsessionnels ne rêvent plus à un « remake » du génocide. Ils préfèrent nier ou minimiser son ampleur.

    Et « l’unicité » du génocide ? Primo Levi parlait de « l’indicible ». Il est extrêmement rare dans l’Histoire de voir l’Etat le plus puissant du moment engager tous ses moyens pour exterminer des millions de personnes, même quand cela ne lui apporte rien en terme financier ou militaire. Parler de génocide n’a qu’un seul intérêt : analyser les causes, décrire le processus pour qu’il n’y ait « plus jamais cela », permettre aux rescapés et à leurs descendants de revivre. Or il y a eu d’autres génocides (Cambodge, Rwanda, Bosnie). Et il y a surtout eu des politiciens sans scrupules qui ont fait du génocide leur « fond de commerce » alors qu’ils n’ont aucun droit et aucun titre pour s’approprier cette mémoire. Il y a des « intellectuels » français (BHL, Glucksmann, Finkelkraut, Lanzmann...) qui font croire qu’au Proche-Orient la victime est israélienne, éternel retour de la persécution millénaire.

    Certains qui voient l’antisémitisme partout sont étrangement discrets pour condamner le racisme anti-arabe dans un Etat qui se dit Juif. Que dire du rabbin Ovadia Yossef, dirigeant du Shass pour qui les Palestiniens sont des serpents ou des propos du ministre Vilnaï promettant une « Shoah » aux habitants de Gaza enfermés dans un laboratoire à ciel ouvert ? Des transféristes Avigdor Liberman ou Raffi Eitam qui prônent tous les jours la déportation des Palestiniens ? Du rabbin Rosen, représentant des colons, qui déclare tranquillement « que les Palestiniens sont des Amalécites et que la Torah autorise qu’on les tue tous, leurs femmes, leurs enfants, leur bétail » ? Dans tout pays démocratique, de telles déclarations conduiraient leurs auteurs au tribunal. Mais Israël est une démocratie pour les Juifs. Pour les autres, c’est l’Apartheid, c’est une forme de sous citoyenneté incompatible avec le droit international. Il faudrait aussi parler du racisme des soutiens inconditionnels à Israël, par exemple quand Roger Cukierman a osé dire que Le Pen au deuxième tour, c’était un avertissement pour les musulmans.

    En Israël, il y a une obsession de la démographie (que les Juifs soient plus nombreux que les Palestiniens). Du coup, sont considérés comme « Juifs » des dizaines de milliers de personnes qui n’ont rien à voir avec le judaïsme : des Ethiopiens chrétiens qu’on dit « cousins » des Falachas, des Amérindiens du Pérou convertis au judaïsme et installés dans des colonies mais surtout des ex-soviétiques qui ont quitté un pays en perdition. D’où l’existence de sites antisémites en Israël.

    Quand sionisme et antisémitisme se nourrissent l’un l’autre.

    Le sionisme a besoin de la peur. Il a besoin d’une fuite en avant qui lui donnerait du temps pour consolider ses conquêtes. Il a besoin de slogans simplistes du genre « nous n’avons pas de partenaire pour la paix » ou « Le Hamas, le Hezbollah et l’Iran veulent détruire Israël » pour obtenir un consensus derrière la poursuite de son projet colonial et son refus de reconnaître les droits des Palestiniens. Inversement, celles et ceux qui soutiennent les Palestiniens (et encore plus les Juifs qui au nom de leur J se sont engagés dans ce combat) doivent avoir pour souci et pour but la « rupture du front intérieur » aussi bien en Israël que dans les « communautés juives organisées », c’est-à-dire la fin du soutien inconditionnel à une politique criminelle contre les Palestiniens (et suicidaire à terme pour les Israéliens). Vaste programme sans doute dont l’issue est hélas lointaine.

    Il n’empêche : toute manifestation d’antisémitisme n’est pas seulement immorale, elle porte un coup grave à la cause palestinienne.

    Ce n’est pas nouveau. L’antisémitisme des pays de l’Est a renforcé Israël en terme politique (le sionisme a remplacé le communisme comme idéologie des Juifs d’Europe Orientale) et en termes humains avec l’arrivée massive des Juifs soviétiques. De même, non seulement les principaux dirigeants des Pays Arabes se sont montrés bien peu solidaires des Palestiniens pendant la guerre de 48 ou celles qui ont suivi, mais leur complicité avec les sionistes dans l’émigration d’un million de Juifs du monde arabe a été un coup de poignard dans le dos de la cause palestinienne.

    La guerre du Proche-Orient n’est ni raciale, ni religieuse, ni communautaire. Elle porte sur des principes universels : l’égalité des droits, le refus du colonialisme. Ceux qui (comme les sionistes) mélangent sciemment juif, sioniste et israélien pour attribuer aux Juifs les tares du sionisme ne sont pas nos amis. Les Palestiniens l’ont parfaitement compris à l’image de Mahmoud Darwish, Edward Saïd et Elias Sanbar qui s’étaient opposés à un colloque négationniste organisé à Beyrouth par Roger Garaudy. Bien sûr, au nom de « l’antiisraélisme », pour reprendre un terme d’Edgar Morin, on trouve dans le monde arabe ou en Iran des gens qui diffusent le « Protocole des Sages de Sion » ou qui organisent des colloques révisionnistes comme celui de Téhéran. On trouve en France quelques rares personnes issues de l’immigration qui singent l’extrême droite en reprenant les stéréotypes antijuifs. Ces judéophobes confondent aussi juif et sioniste. Bien sûr, on ne peut pas nier que le sionisme ait « une part de l’héritage juif ». Une part seulement.

    Rappelons une anecdote : en 1948, Menachem Begin veut visiter les Etats-Unis. Les plus grands intellectuels Juifs américains avec en tête Hannah Arendt et Albert Einstein écrivent à Truman en lui disant que Begin est un terroriste et qu’il faut l’arrêter ou l’expulser. À l’époque, le judaïsme, c’est encore très majoritairement Arendt ou Einstein, ce n’est pas Begin. Les assassins Nazis s’en sont pris aux parias des shtetls (****) ou à des gens comme Arendt ou Einstein, insupportables parce qu’universalistes. L’antisémitisme n’a pas frappé les tankistes israéliens.

    Il existe en petite minorité dans les rangs de ceux qui soutiennent la Palestine des gens qui imaginent que puisque l’Etat d’Israël se justifie au nom du génocide, c’est que celui-ci n’a pas existé ou qu’on exagère beaucoup à propos des 6 millions de morts (En fait les dernières recherches historiques sur la « Shoah par balles » tendraient à dire le contraire, le nombre des morts est peut-être supérieur). Il y a des militants qui reprennent les élucubrations d’Israël Shamir, soviétique émigré en Israël qui a repris les délires antisémites sur les crimes rituels commis par les Juifs mais qui est totalement inconnu dans les rangs des anticolonialistes israéliens ou des militants palestiniens. Pour Shamir, le problème, ce n’est pas le sionisme, c’est le judaïsme.

    Certains militants parfaitement honnêtes pensent qu’on doit laisser librement s’exprimer toutes les critiques contre Israël, y compris les critiques antisémites. Je pense que ces militants se trompent et que les antisémites ne sont pas seulement d’odieux racistes, ils renforcent aussi le sionisme qu’ils s’imaginent combattre. Ils alimentent le réflexe de peur qui est un carburant indispensable pour le sionisme. Lutter contre l’impunité d’Israël est une priorité qui est l’exact inverse d’une telle démarche : les sionistes veulent clore l’histoire juive. Ils prétendent qu’il n’existe qu’une seule voie, la leur. Ils prétendent représenter l’ensemble des Juifs, ils parlent en leur nom, ils ont le rêve fou de les faire tous « monter » vers Israël. Ils prétendent que toute critique d’Israël est forcément antisémite alors qu’au contraire leur politique provoque un nouvel antisémitisme.

    Cette politique remet en cause plusieurs siècles de lutte des Juifs pour l’égalité des droits et la citoyenneté. Les antisémites qui mélangent sciemment juif et sioniste vont exactement dans le même sens. Ces deux courants se nourrissent l’un l’autre.

    Soutenir concrètement les Palestiniens et dénoncer inlassablement l’impunité d’Israël qui permet la fuite en avant criminelle doit donc s’accompagner d’une dénonciation du sionisme qui est un obstacle à la paix et d’une dénonciation de l’antisémitisme qui n’est pas seulement un racisme odieux (comme tous les racismes). Il renforce aussi ce qu’il prétend combattre.

    Les militant-e-s ont aussi une tâche plus difficile à remplir : « déconstruire » toutes les manipulations de la mémoire et de l’identité qui prolongent cette guerre.

    Pierre Stambul

    (*) « La Bible dévoilée » de I. Finkelstein et N.A. Silberman.
    (**) Main d’œuvre immigrée qui organisait les communistes étrangers.
    (***) En 1870, le décret Crémieux accorde aux Juifs Algériens la nationalité française mais pas aux musulmans.
    (****) Villages juifs d’Europe orientale systématiquement détruits pendant la guerre.

     

    Posté par Alain 3 à 22:03 - Orients - Commentaires [1] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
    Tags :
    ,

    Commentaires

    Sionisme et laïcité

    Ce Stambul occulte que le sionisme est d'abord une idéologie laïque. Il procède du même raisonnement que le nationalisme allemand ou français et s'est épanoui à peu près à la même période.

    Isolé parmi les démocrates-chrétiens gaullistes, Bernanos a pu dire qu'Hitler avait déshonoré l'antisémitisme. De la même façon un rabbin au milieu des sionistes pourrait dire que le sionisme déshonore le judaïsme dans la mesure où Israël est devenu le dieu de beaucoup de juifs. L'élection du peuple juif n'est pas liée à l'occupation d'un territoire en particulier. A moins de postuler que Ben Gourion, comme Moïse, a été conduit par Yahvé, ce qui n'est pas très orthodoxe.

    Le martyr des juifs d'Europe de l'Est n'est pas seulement dû aux Allemands. Les Anglais voyaient d'un très mauvais oeil la proposition d'Hitler d'attribuer aux sionistes un territoire en Palestine. Sans les réticences des Anglais, Hitler eût peut-être franchi le pas. Il est évident que les nazis, idéologues laïcs eux-aussi, détestaient surtout les juifs attachés à leurs religions, les juifs du ghetto, et que le sionisme leur paraissait un progrès.

    Le problème palestinien est une conséquence de l'impérialisme, du droit laïc qui proclame le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes pour mieux le bafouer. De fait la question juive n'est pas liée à ça et Israël n'est qu'un des Etats qui composent le bloc impérialiste yanki.

    Il semble qu'il y a des rabbins qui ont compris que l'utilisation de la choa dans l'idéologie laïque sioniste peut se retourner contre le judaïsme. Mais on ne les entend pas assez.
    Même le philosémitisme des Etats-Unis est très superficiel et on peut imaginer un retournement de l'opinion publique yankie à force de guerres impérialistes qui ne font qu'exciter le terrorisme. Les juifs ne sont pas devenus des boucs émissaires dans l'Allemagne des années trente, comme ça, du jour au lendemain, du seul fait de la propagande nazie.

    Posté par Lapinos, 09/07/08 à 14

    http://alainindependant.canalblog.com/archives/2008/07/05/9734377.html

    Eva : Je n'ai pas lu cet article comme la plupart du blog. Je les copie-colle (pour que l'on puisse se faire une opinion soi-même), au nom de la liberté d'opinion et d'expression

    votre commentaire
  •  
     
    Jeudi 14 août 2008



     


     


     







    "Intégrismes"
    d'après Roger Garaudy

    Intégrismes 

    Livre de Roger Garaudy, éditions Pierre Belfont, Paris ,1990,analysé par Claude Collin

     

    Garaudy identifie tout d’abord trois caractéristiques essentielles de l’intégrisme:

    • le refus de toute évolution,

    • l’attachement indéfectible au passé

    • l’intransigeance dogmatique.

    Cette attitude radicale peut prendre des formes différentes selon les domaines de l’activité humaine où elle s’exerce.

     

    A propos de l'Eglise catholique


    " La grande nouveauté de Vatican II, exprimée dans le texte Gaudium et Spes de 1966, c’était l’ouverture au monde, le renoncement à la prétention de le régenter d’en haut, pour, au contraire, le servir, à la lumière de l’humilité évangélique, en reconnaissant l’autonomie des réalité terrestres. "(Voir Gaudium et spes, p. 151)  

    En ce sens, Garaudy cite un autre texte de Gaudium et Spes : " L’Église enseigne que l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches terrestres, mais en soutient plutôt l’accomplissement par de nouveaux motifs. "(p. 112)

     

    Tout d’abord l’intégrisme romain s’est manifesté, selon Garaudy, à l’égard des théologies de la libération de l’Amérique Latine (Pérou, Brésil, Uruguay).

    Celles-ci ne se contentent pas " d’apporter d’en haut une prédication morale extérieure à l’histoire et à la vie quotidienne " " mais elles lient la libération historique de l’homme --libération sociale et politique—à la libération du péché " (Gaudium et spes, p. 51)
    " Au lieu de déduire de versets bibliques une doctrine politique ou une doctrine sociale de l’Église (…) les théologiens de la libération vivent d’abord la situation de ceux pour qui être pauvre, c’est n’être rien, afin d’éclairer et de guider leur action à la lumière de l’Évangile pour qui être homme, c’est être créé à l’image de Dieu. " (Gaudium et spes, p. 51)

    Or, dans son texte " Liberté chrétienne et théologie de la libération, " le cardinal Ratzinger s’oppose rigoureusement à cette position théologique, et selon Monseigneur Fragoso, un évêque du Nordeste brésilien, le texte du cardinal constitue un plan très élaboré pour combattre la théologie de la libération " (Gaudium et spes, p. 53).

    Le défi de l’Église à ce moment aurait été de renouveler son approche à l’égard de la pauvreté vécue par ces populations comme l’espéraient les théologiens de la libération. Au contraire, le cardinal Ratzinger revient à ce vieux dualisme du spirituel et du matériel, du religieux et du séculier, des péchés individuels et des péchés sociaux, " une confusion entre la pauvreté volontaire (…) et la pauvreté subie, éprouvée comme oppression.

    ...

    Garaudy cite le père Chenu, (Le Monde, 24 mai 1983) "  Au cours de son voyage en Amérique centrale, le Pape Jean-Paul II a, à plusieurs reprises, blâmé sévèrement, sinon condamné l’expression – Église populaire — qui avait eu un écho si puissant en Amérique Latine, à Medellin en 1968 et à Puebla en 1979, appelant à annoncer le royaume de Dieu, selon l’Évangile, sans la libération intégrale des pauvres et des opprimés "

     

    A propos des intégrismes de l'Islam


    Il y a un dénominateur commun entre les différents intégrismes de l’Islam.

     

    Tout d’abord il affirme que chacun de ces mouvements attache une grande importance à la Tradition, la " sunna " sur laquelle on se base pour exiger une obéissance inconditionnelle à un roi même corrompu et pervers.
    Lui résister, soutient-on au nom de la sunna, c’est aller contre la volonté de Dieu.
    Par exemple, en 1990, après la mort de quinze cents pèlerins à La Mecque, piétinés lors d’une panique, le roi Fahd déclare : " Dieu l’a voulu ", espérant ainsi masquer, aux yeux de milliers de musulmans, sa totale responsabilité dans ce massacre.(p. 116)

    On peut donc déceler une confusion entre la liberté responsable de l’homme et la nécessité de l’ordre général du monde voulu par Dieu, note Garaudy,
    une confusion entre la loi morale de Dieu (la sharia, c’est-à-dire le chemin) et la juridiction des pouvoirs (fiqh) c’est-à-dire l’élaboration humaine évoluant avec les sociétés.

    De plus, la méthode même de l’interprétation des livres saints est déductive,
    --comme à l’époque de Bossuet (1627 – 1704) pour ce qui est de l’Église catholique-- :
    on extraie des versets détachés de leur contexte et on en déduit des conséquences applicables en tout temps et en tout lieu.
    D’où la sacralisation des pouvoirs établis et la codification de la sharia.
    Or, le Coran n’est pas un code juridique mais un appel moral, affirme Garaudy.

    Enfin, ajoutons à cela que le formalisme et le littéralisme tuent tout esprit critique et empêchent toute évolution.

    Garaudy suggère donc de combattre l’intégrisme islamique " en montrant que son littéralisme, son formalisme, sa prétention exclusive à être propriétaire de l’Islam est une trahison de l’Islam vivant. " (p. 131)

    Dans le dernier chapitre Garaudy propose comme moyen de combattre l’intégrisme non pas la concession, ni la diversion ni la répression, mais le dialogue.

    .............

    On peut retenir que ce livre de Garaudy est une invitation à une plus grande ouverture d’esprit à l’égard de l’autre et de sa différence.

    Une telle conception de l’intégrisme est éclairante; elle nous aide à comprendre mieux les problèmes auxquels est confronté le monde contemporain.
    Mais le fond de la question réside probablement dans la philosophie dualiste qui caractérise la pensée contemporaine et qui est la source de tous les fanatismes.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique