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    Mercredi 29 avril 2009


    Commentaire reçu sur l'article Durban,
    je le mets en valeur.
    Il vient de Rita Pitton,
    enseignante, écrivain,
    théologienne.
    (Voir en présentation de ce blog,
    qui est Rita, une lectrice)



    Bonjour à tous ,

    Merci Chère Eva pour ton texte du jour.

    Durban II ? eh oui le texte consensuel du forum Onusien a évité un fiasco mais je pense que trois points importants ont quand même été perfidement évités : le racisme d'Israël ,la diffamation des religions ,l'esclavage .

    Durban II a mis à l'honneur la religion comme valeur intrinsèque des êtres humains 'qui peut aider à promouvoir la dignité et à éliminer le racisme ". Bravo Durban II qui enfin sort l'humanité des seules valeurs politiques et économiques généralement reconnues par les puissants .

    Mais ....

    Mais le débat sur la diffamation des religions a été moins concluant : un dialogue de sourds .

    L'ONU devrait prohiber toute attaque contre les prophètes des grandes religions reconnues .Critiquer les religions imparfaites oui mais pas les Prophètes auxquels on doit du respect et de la reconnaissance .La liberté d'expression a des limites et l'ONU devrait rappeler l'UNIVERSEL qui rassemble l'humanité à travers l'évolution de ces religions limitées et imparfaites actuelles .

    La Résolution du 1=er novembre intitulée "Mémoire de l'Holocauste "a été votée à l'ONU en 2005, Résolution qui proclame tous les ans le 27 janvier journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste .Très bien
    .
    Et quand l'ONU dédiera -t -il une date à la mémoire des souffrances des Peuples ,des martyres de l'esclavage ?????

    NE pensez vous pas que cela est impératif , que les juifs n'ont pas seuls droit à la mémoire ????

    QUE JUSTICE SOIT ! AMEN . R.I.T.A


    ___________________________________________________________________________


    Commentaire intéressant reçu,
    je le joins ici :



    Il y a de nombreux peuples qui ont été victimes de politiques d'extermination ethnique; en Mauritanie, au Soudan, en Bosnie, au Rwanda...
    Seuls le génocide juif, de tous les génocides atroces aux victimes indénombrables a trouvé assez d'écho à l'ONU pour une commémoration.
    Ceci est d'avantage un outil judicieux de comparaison.
    Concernant l'esclavage, il est évident qu'il faut désormais que les pays occidentaux travaillent au devoir de mémoire sur ce point, afin d'en déraciner tout aussi fortement les causes que celles du génocide juif. Désolé, je refuse que l'on parle d'holocauste, car c'est un mot du langage sacrificiel, et la shoah n'a eu une telle interprétation que dans la perspective intellectuelle du sionisme. Il s'agissait d'un génocide, un atroce crime contre l'humanité, non d'un sacrifice expiatoire destiné au retour des juifs en Palestine. Ceci est une vision politique des choses, mais ce ne sont pas les faits. Les faits, ce sont les morts, les traumatisés, les séquelles dans la mémoire collective d'un peuple... j'en passe.
    Cet abus de langage m'est insupportable, c'est comme considérer le sionisme comme une donnée sacrée des Nations Unies.
    L'esclavage et sa mémoire doit être l'objet d'un forum onusien, mais il n'est pas vraiment une question du racisme, bien qu'il y soit directement lié. De la même manière que l'islamophobie. Je la subis alors que je suis occidental de générations immémoriales.
    La question de la critique des religions dans la liberté d'opinion et d'expression avec la question du blasphème (nécessairement liées) doit être traitée dans un forum des religions.
    NE REDUISONS PAS TOUT AU RACISME, C'EST LA POLITIQUE DES AMALGAMES!!!

    Que la paix soit sur vous, ainsi que la grâce et la miséricorde.

    Commentaire n° 1 posté par Salam il y a 3 jours à 23h44
    Commentaire n° 1 posté par ritapitton aujourd'hui à 11h03

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    Mercredi 29 avril 2009
     




    Abd Raouf Chouikha

    http://www.courrierinternational.com/illustrations/article/2009/03/i95815durban.jpg

    Alors que le sommet des nations unies sur le racisme prévu du 20 au 24 avril prochain à Genève s'annonçait mal et semblait vouer à l'échec, un nouveau texte plus consensuel pourrait permettre d'éviter un fiasco. Les représentants des pays occidentaux et des pays musulmans et africains auraient enfin trouvé un terrain d'entente. Le nouveau texte ne mentionne plus ni Israël et le Proche-Orient, ni la diffamation des religions, ni la question des réparations pour esclavage, trois sujets considérés comme des "lignes rouges" par les Occidentaux.

    Certains médias et intellectuels irréductibles continuent hélas de minimiser cet effort accompli, de stigmatiser cette conférence et d'appeler encore à son boycot.

    "Il y a des concertations européennes pour avoir une position commune. Nous souhaitons maintenir cette dynamique européenne pour peser sur ces négociations afin d’obtenir l’élaboration d’un texte utile à la lutte contre le racisme, non stigmatisant", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay Eric Chevallier au court d’un point presse vendredi 20 mars.

    Ce revirement arrive donc à point pour sauver in extremis cette conférence du marasme et du désistement annoncé par certains pays occidentaux, après celui des Etats-Unis et de l’Italie. Cette nouvelle est pratiquement passée inaperçue, alors que les médias et les intellectuels ont été tous prompts à dénoncer les dérives de Durban I. On continue à discréditer les travaux de cette conférence. Signe préoccupant, le silence pesant des médias institutionnels sur les travaux préparatoires de cette assemblée de l’ONU qui devait redéfinir les critères et les normes en matière de racisme. C'est dire que les efforts en vue d'un rapprochement des points de vue ont dû être âpres et pénibles. Les artisans de ce consensus dont il faut saluer la prouesse sont le russe Youri Boychenko, l'égyptien Ahmed Ihab Gamaleldin et la miltante anti-apartheid Navi Pillay parmi d'autres.

    Essayons de faire une petite rétrospective pour mieux comprendre le contexte.


    L’essentiel à savoir
    sur Durban 1


    Elle s’est déroulée à Durban, ville cosmopolite d’Afrique du sud en août 2001. Cette conférence s'inscrivait dans le cadre des conférences mondiales contre le racisme initiées par l'UNESCO. Il y eut deux forums, l’un gouvernemental et le deuxième regroupant les ONG admises à participer. Les ONG ainsi que les gouvernements devaient produire un document avec des recommandations finales.
    A Durban 1, certains témoins ont fait part des violences ainsi que des slogans antisémites exprimés sans retenue dans le Forum des ONG de la conférence mondiale contre le racisme. Le forum des ONG a donné lieu hélas à des comportements inadmissibles, la réunion gouvernementale a été quant à elle plus constructive. Lors de ces deux rencontres, on a assisté à une focalisation sur la question du Proche-Orient et on a voulu l’utiliser dans la plateforme d’action (DPA) contre le racisme. Mais, les termes jugés excessifs comme “purification ethnique”, « apartheid», « génocide » et « crimes racistes » pour qualifier l’attitude israélienne dans le conflit palestinien n’ont pas été admis par nombre de pays occidentaux.
    Finalement, l’UE et le Haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU ont accepté que la Déclaration finale (DPA) soit adoptée par consensus par l’ensemble de la communauté internationale. Mais certains états ont émis des réserves lors de l’adoption du texte.
    Notons que la DPA gouvernementale comporte certains paragraphes encourageant pour le mouvement antiraciste, notamment en ce qui concerne les Roms, les Gitans, les Sintis ainsi que les minorités et les peuples autochtones. En revanche, cela n’a pas été possible d’évoquer les
    discriminations de caste et la situation des Dalit (Intouchables) en Inde, ou celles commises contres les minorités en Chine, en particulier contre le peuple tibétain. De même le problème des minorités et de la liberté religieuse n’a pu être débattu.
    La traite négrière transatlantique et l'esclavage ont été condamnés sans hésitation et ont été considérées comme crime contre l’humanité. En revanche, certains pays voulaient qu’on les mette sur le même plan que l’esclavage contemporain, avec la traite transsaharienne ou dans l’Océan Indien.
    Malheureusement, la prise en main du forum des ONG par certains groupes exaltés ou dits « anti-démocratiques », n’a pas permis d’examiner bon nombre de situations discriminatoires dans le monde. Ainsi, en raison du « langage de haine », la Haute Commissaire aux droits de l’homme, Mary Robinson s’est vue obligée de refuser de transmettre le document final des ONG aux représentants des gouvernements.

    Mais certains médias ont tord de ne pas insister sur l’accord important entre l’UE et l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) afin que soit évoquée la tragédie de l’holocauste. Cet accord permit que la résolution 60/7de l'ONU soit adoptée sans vote. Cette résolution intitulée « Mémoire de l'Holocauste » a été admise le 1er novembre 2005 par l'Assemblée générale de l'ONU qui avait aussi décidé - malgré des réserves de l'Egypte qui voulait aussi associer "la souffrance de tous les Peuples" - que les Nations Unies proclameraient tous les ans le 27 janvier journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste.

     


    Le contexte idéologique 
    de Durban 2



    Le programme d’action de Durban met à l’honneur la religion comme « valeur intrinsèque des êtres humains » qui « peut aider à promouvoir la dignité » et à « éliminer le racisme ». Pour la première fois, le terme d’« islamophobie » a été introduit dans un texte international.

    http://www.swissinfo.org/xobix_media/images/sri/2007/sriimg20070322_7645910_2.jpg

    Pour Doudou Diène, rapporteur général des Nations unies, le terme islamophobie se  réfère à une hostilité non fondée et à la peur envers l’islam, et en conséquence la peur et l’aversion envers tous les musulmans ou la majorité d’entre eux. Il se réfère également aux conséquences pratiques de cette hostilité en termes de discrimination, préjugés et traitement inégal dont sont victimes les musulmans (individus et communautés) et leur exclusion des sphères politiques et sociales importantes. Ce terme a été introduit pour répondre à une nouvelle réalité: la discrimination croissante contre les musulmans qui s’est développée ces dernières années. Mais cela n’a pas été sans poser de problèmes; certains intellectuels y ont vu une menace contre la liberté d’expression et la liberté de conscience, récusant la terminologie qui fait référence à une religion. D’autres personnalités telles Alain Gresh ou Jean Baubérot dénoncent l'islamophobie, qu'ils conçoivent comme un amalgame entre croyants et intégristes, fondée sur une interprétation belliciste du Coran, et qui sous prétexte de protection de la liberté d'expression, dégénère souvent en xénophobie. Mais le débat est loin d’être clos hélas. À Alger le 3 décembre 2007, le président français Nicolas Sarkozy fait un parallèle entre l'islamophobie et l'antisémitisme : «  En France comme en Algérie, nous devons combattre avec une détermination sans faille toute forme de racisme, toute forme d'islamophobie, toute forme d'antisémitisme. Il n'y a rien de plus semblable à un antisémite qu'un islamophobe. Tous deux ont le même visage : celui de la bêtise et de la haine. (…) Le racisme, l'islamophobie et l'antisémitisme ne s'expliquent pas. Ils se combattent. Ce qui vaut pour la France vaut partout ailleurs dans le monde. »

    On peut espérer que ces paroles de raison amèneront certains à réaliser que le racisme quel qu’il soit est abject et dangereux, comme il est dangereux de hiérarchiser ses victimes.


    D’autres mécanismes idéologiques apparaissent dans les réunions préparatoires, notamment sur les descendants d’Africains, le droit des femmes et des minorités diverses.
    En ce qui concerne le droit des femmes, les approches divergent, d’un côté celles qui placent les traditions, les cultures et les religions au même titre que les droits universels et, de l’autre celles mettant en avant l’émancipation.
    Bienheureusement certains thèmes comme la représentation politique des femmes, les mutilations sexuelles, la traite et la prostitution ont été admises, valorisant ainsi la place traditionnelle des femmes dans l’espace de la famille.

    Par contre le débat sur la diffamation des religions a été moins concluant. A la limite même d'un
    dialogue de sourd. D'un côté on parle de la responsabilité des médias dans la diffusion de textes insultants ou de dessins diffamatoires, dérapant souvent vers une forme de discrimination raciale ou religieuse –comme on l'a observé avec l'affaire des "caricatures"-. On dénonce d'un autre côté la censure et la menace sur la liberté d'expression. Elle menace surtout la laicité nous dit-on et porte atteinte à la conscience anti-religieuse et aux sentiments athés ou agnostiques. Comme si pour défendre la liberté d’expression il fallait protéger la laïcité et véhiculer nécessairement un stéréotype négatif des religions incitant ainsi à la haine religieuse.


    Dialogue
    des civilisations


    Afin de prévenir les conflits futurs et de parvenir à une
    paix durable entre les peuples, le dialogue inter-religieux est promu.
    Lors de la conférence du Mouvement des non alignés à Durban en 1998, le président de la République islamique d’Iran Mohamed Khatami avait proposé que l’Assemblée Générale consacre l’année 2001 année du dialogue des civilisations , réfutant l'idéologie du « choc des civilisations » chère à l’universitaire américain, Samuel Huntington. Après les attentats à Madrid en 2005, une nouvelle structure va naître au sein de l’ONU, « L’Alliance des Civilisations » sous l’égide des gouvernements espagnols et turcs.


    Cette « Alliance des Civilisations » propose un rapprochement des différentes communautés de cultures et d’ethnies. Ces communautés seraient chacune représentées par deux personnes. Ainsi l’Europe de l’Ouest est représentée par Hubert Védrine et Karen Armstrong. Khatami représenterait un Moyen-Orient avec la qatarie Mozah Bint Nasser Al Missned . Arthur Schneier se voyait confier la représentation de l’Amérique du Nord avec John Esposito.

    En réalité, l’alliance ou le dialogue de civilisations présentent une autre vision du monde qui met en avant un consensus universaliste enrichi de ses différentes composantes culturelles locales, et confère bien sûr aux religions une place politique de premier plan.


    L'Assemblée générale de l'ONU a voté une résolution le 20 octobre 2005 en faveur du
    Dialogue entre les civilisations dont il est intéressant de rappeler ces quelques lignes : « Nous réaffirmons la Déclaration et le Programme d'action en faveur d'une culture de paix, ainsi que le Programme mondial pour le dialogue entre les civilisations et son plan d'action, adoptés par l'Assemblée générale, et la valeur des différentes initiatives en faveur d'un dialogue des cultures et des civilisations, notamment le dialogue sur la coopération interconfessionnelle. Nous nous engageons à prendre des mesures propres à promouvoir une culture de paix et un dialogue aux niveaux local, national, régional et international, et nous prions le Secrétaire général de réfléchir aux moyens de renforcer les mécanismes d'application et de donner suite à ces mesures. ».


    Hubert Védrine dans son discours du 10 novembre à l’Assemblée Générale, rappelle les grands objectifs qui doivent « permettre à toutes les langues, cultures et civilisations, de vivre et de dialoguer ».


    Il est important de noter que c'est la première fois depuis sa création, l’ONU envisage une approche des problèmes et des rapports entre les hommes, vus sous un autre angle que celui politique ou économique.


    Retournement de situation
    ou rebondissement


    Les Européens restent prudents, ils tiennent à avoir une position commune. «Il faut rester ensemble afin de voir jusqu’où nous pouvons peser», explique l’Elysée. Les Italiens, qui avaient annoncé le boycott, vont agir à l’unisson de l’UE. Mais les divergences restent vivent et aucune décision n’a encore été prise, même si la pression s’accentue. «Nous allons envoyer maintenant les suggestions de l’UE pour les documents préparatoires», a déclaré le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel Schwartzenberg, soulignant que «si la conférence est en conformité avec ces suggestions, nous resterons, et sinon, il y a des appels très fermes pour nous retirer». L’Allemagne avait très clairement rappelé «les risques d’un détournement de la conférence, avec des prises de positions partiales sur le Proche-Orient». Enfin, Bernard Kouchner insiste notamment sur son refus de «toute stigmatisation d’Israël» et de toute référence «à la notion de diffamation des religions, concept incompatible avec la liberté d’expression et de conscience».

    Le document, qui est passé d'une soixantaine de pages à 17 pages, ne parle plus du concept de diffamation des religions que les Occidentaux voyaient comme une manière de réduire la liberté d'expression de façon inacceptable. Il ne fait pas non plus mention d'Israël et ne contient plus de propos jugés antisémites par certaines délégations. Enfin, la notion de réparations relatives au colonialisme a disparu du texte présenté hier aux différents groupes régionaux. Eléments considérés comme «une ligne rouge» par les pays occidentaux


    Le contenu
    du nouveau document


    Le document disponible sur le site internet du
    Haut Commissariat aux droits de l'homme, a été soumis aux diplomates par le président du comité de rédaction le Russe Youri Boychenko. Le texte est nettement plus court que les précédents, conformément au souhait émis par plusieurs délégations, notamment occidentales. Le texte exprime, de manière plus neutre, sa «profonde préocupation» à l'égard des «stéréotypes négatifs visant des religions» et «l'augmentation globale du nombre d'incidents d'intolérance et de violence raciale et religieuse, dont l'islamophobie, l'antisémitisme, la christanophobie et l'anti-arabisme». Le nouveau document tient compte des propositions avancées par les pays occidentaux. Il rappelle ainsi que l'Holocauste ne doit jamais être oublié. Il réaffirme le droit à la liberté d'opinion et d'expression. Le document ne parle plus de compensations financières pour l'esclavage et demande seulement aux Etats de prendre les mesures appropriées, sans préciser, pour contribuer à restaurer la dignité des victimes de l'esclavage.


    Les artisans
    de Durban II


    http://www.lafree.ch/content//visual.php?id=102&idelement=890&nomchamps=filinkimage&subimg=large*

    Le Russe Youri Boychenko, qui dirige le groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration finale de Durban II, a réussi, avec l'aide de l'Egypte, de la Belgique et de la Norvège, à présenter un nouveau texte qui met en veilleuse les thèmes de controverse entre Occidentaux, monde arabo-musulman et pays africains. Tout le monde apprécie ce travail et salue les vertus diplomatiques de Youri Boychenko.

    http://www.iisd.ca/isdr/wcdr1/pix/2russianfed033-s.jpg

    Ambassadeur du Pakistan auprès des Nations unies à Genève et coordinateur pour l'Organisation de la conférence islamique en matière de droits de l'homme, Zamir Akram le souligne : "Le nouveau document est le résultat d'un consensus et de négociations. Pour l'obtenir, il fallait accepter de ne pas défendre des positions maximalistes." Zamir Akram n'était lui-même pas satisfait du premier projet de déclaration finale, "un fourre-tout incohérent". D'où son regard critique sur le bras de fer engagé par les Occidentaux: "C'est une tempête dans un verre d'eau." Dans le processus de préparation de Durban II, l'ambassadeur pakistanais approuve le fait que la diffamation des religions ne soit pas érigée en principe. La notion d'incitation à la haine raciale et religieuse, contenue dans l'article 20 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, lui paraît suffisante.

    Le diplomate n'a toutefois pas apprécié qu'il y ait de la part des Occidentaux des préconditions à une négociation multilatérale.
    http://www.nepalnews.com/archive/2005/mar/pic/Zamir_Akram.jpg


    Vice-représentant de l'Egypte auprès de l'ONU et ministre plénipotentiaire, Ahmed Ihab Gamaleldin espère que la Conférence sur le racisme de Genève sera un succès et que tous les Etats y participeront. "Le texte raccourci reflète l'une des plus grandes priorités du groupe africain, le racisme. J'espère que tous les Etats vont s'approprier ce texte de consensus." Son pays a joué un rôle majeur de modérateur qui n'est pas passé inaperçu.
    http://www.iisd.ca/2002/pc1/pix/12egypt_s.jpg
    En dépit des commentaires plutôt positifs, le nouveau projet de déclaration n'est toutefois pas un aboutissement. «C'est une bonne base de discussion», estime un diplomate occidental. Ahmed Ihab Gamaleldin partage cet avis, mais reconnaît que "de part et d'autre, il faudra faire preuve de bonne foi et de bonne volonté pour que chaque état se sente prêt à s'approprier le texte. Car l'absence de consensus serait dangereuse. Tout état se verrait légitimé à faire toute sorte de demande dans les instances multilatérales". Le comité préparatoire de la conférence se réunira début avril pour finaliser un document soumis à l'approbation de tous les états. Une inconnue suscite toutefois une inquiétude: quelle va être l'attitude des états vis à vis d'Israël ?


    Le défi
    de Navi Pillay


    La nouvelle Haut-commissaire aux droits de l’homme doit sauver du fiasco la prochaine conférence contre le racisme organisée à Genève en avril prochain. La Sud-Africaine Navanethem Pillay militante de l'ANC, qui a succédé en juin à la Canadienne Louise Arbour, a demandé la semaine dernière à tous les Etats de participer et de surmonter les divergences.

    http://www.tdg.ch/files/imagecache/468x312/story/Pillay+Navi+AFP.png

    S’adressant pour la première fois au Conseil des droits de l’homme, réuni à Genève pour une session de trois semaines, la Haut Commissaire s’est engagée à tout faire pour amener toutes les parties autour de la table et donner un nouvel élan à la lutte contre la discrimination, la xénophobie, l’intolérance et le racisme. Espoirs anéantis
    «Si les divergences devenaient le prétexte à l’inaction, les espoirs et les aspirations de beaucoup de victimes seraient anéantis peut-être de manière irréparable», a averti la militante anti-apartheid.
    Le Canada, les Etats-Unis et Israël boycottent les travaux préparatoires de la conférence de Genève, ou Durban II, alors que d’autres pays européens, comme la France, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne menacent de les suivre si la conférence se transforme en plate-forme anti-israélienne.
    «J’appelle les gouvernements qui ont exprimé l’intention de ne pas participer à la conférence à reconsidérer leur position», a demandé solonellement la Haut Commissaire.
    Elle ne crois pas qu’une approche du tout ou rien soit la bonne. «Sans la participation de tous, le débat et la lutte contre le racisme seront affaiblis», a souligné l’ex-juge à la Cour pénale internationale (CPI), qui a également appelé à renforcer la lutte pour prévenir le génocide.

    «Navi Pillay tire dans la mauvaise direction», a réagi l’ONG «UN Watch». Et de se demander pourquoi la Haut Commissaire ne critique pas plutôt l’attitude du Soudan, de l’Iran et de la Libye «qui ont commencé à détourner la conférence» de ses buts.
    Le directeur d’UN Watch Hillel Neuer regrette que Navi Pillay ait qualifié de «productive» la réunion préparatoire d’Abuja (24 au 26 août), alors qu’elle a omis de mentionner dans sa déclaration finale les atrocités commises au Darfour.
    La nouvelle Haut Commissaire a également affirmé sa volonté de «tolérance zéro» à l’égard de la politique deux poids deux mesures et son souci d’impartialité. Elle devra lutter pour maintenir son indépendance. Le Pakistan et Cuba notamment ont réitéré leur demande d’un contrôle des activités du Haut Commissariat par le Conseil des droits de l’homme.

    Les éternels opposants à Durban II et à l'Alliance des Civilisations

    Malgré tous ces progrès notoires, il est à noter qu'en France, les prises de position en faveur du retrait de la délégation française de cette conférence continuent hélas à se faire entendre. On trouve dans cette direction des intellectuels tels que Fodé Sylla dans son intervention le 1er mars au colloque organisé par Africa International et l'IFIE. Bernard Henri Levy dans "Le Point" dénonce "la mascarade de Durban II". Pascal Bruckner demande "le boycott pur et simple. Peut-être faudrait-il dissoudre le Conseil des droits de l’homme ou n’y admettre que les pays qui sont d’authentiques démocraties. Faute de quoi il deviendrait pour la dignité humaine l’équivalent des paradis fiscaux pour l’économie : un centre de blanchiment des crapules". Des personnalités politiques telles que Bertrand Delanoé qui soutient "Notre pays compromettrait ses valeurs et sa devise en participant à cette mascarade",ou Claude Goasguen qui appelle "les députés à se mobiliser pour obtenir une décision claire et publique du gouvernement français, en rejoignant l'appel parlementaire pour le retrait de la France des travaux de Durban II". Sans oublier des organisations telles que la Ligue du droit international des femmes, le Grand Orient et la LICRA.


    Pour appeler au boycot de la conférence sur la racisme, ces intellectuels ou ces politiques invoquent toujours la réthorique récurrente de stigmatisation et d'anathème basée sur des arguments caricaturaux ou peu convaincants
    à savoir :

    - a) d’imposer, au nom de la prétendue liberté religieuse, la supériorité d’une religion - l’Islam - sur toutes les autres religions….

    - b) d’institutionnaliser l’antisémitisme au sein de la Conférence de l’ONU en mettant ouvertement et systématiquement en accusation l’Etat d’Israël.

    - c) de promouvoir des thèses sexistes, hostiles aux droits des femmes et contestant en particulier leur droit à l’émancipation.

    - d) de rejeter l’universalité des droits de l’homme au profit d’un communautarisme exacerbé qui devrait tenir compte des « spécificités culturelles »….

    Quant à la sociologue Malka Marcovitch, elle se cantonne dans une attitude de rejet systématique " le mauvais compromis de Durban 2 me fait penser à Munich" dit-elle en précisant "Le texte présenté hier victorieusement par le facilitateur russe Youri Boychenko a un petit goût nauséabond de déjà vu et sent le souffre. "Durban 2 est sauvé !" clament certains commentateurs comme Chamberlain hurlait à la paix à son retour de Munich en septembre 1938."

    Pourquoi tant acharnement ? Malka Marcovitch qui était un acteur potentiel à Durban I avait observé et dénoncé à juste titre les dérives. On aurait pensé qu'elle apporterait un soutien même modeste à ce nouveau texte. Bref, ces paroles insensées et cette comparaison malsaine avec Munich ont bien sûr permis à Tsipi Livni, ministre des Affaires étrangères israélienne de surenchérir :

    « Durban II est une conférence cynique entièrement antisémite et anti-israélienne qui se cache sous le combat contre le racisme. La décision du gouvernement américain est une authentique et courageuse expression de ses valeurs de leader du monde libre, et cette décision doit montrer la voie pour tous ces autres pays qui partagent les mêmes valeurs » .


    Madame Livni pourra-t-elle encore se prévaloir de ces mêmes "valeurs du monde libre" pour justifier les massacres et les crimes de guerre perpétrés par son pays contre les civils du guetto de Gaza ?


    Plus pragmatique,
    Caroline Fourest dans « La tentation obscurantiste » avait dénoncé des "Etats qui persécutent chez eux les minorités religieuses prétendaient nous donner des leçons de tolérance – envers l'Islam." Et avait alors appelé au boycot de la conférence de Génève.

    Mais dans le Monde du 13 mars dernier dans un article intitulé "Il ne faut pas déserter Durban II" elle salue l'avancée de la plate-forme d'action qui a éradiqué une partie des dégats de Durban I. Elle a bien pris conscience que les "lignes rouges bien établies" n'ont pas été franchies. Elle conclue de manière lucide "Mépriser cette négociation ne permettrait pas d’expliquer au monde la position de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de déserter la lutte contre le racisme, mais de résister à son instrumentalisation. Le risque serait surtout d’affaiblir un peu plus le multilatéralisme, dont nous avons tant besoin pour préserver l’universalisme et renégocier un jour cette plate-forme."


    La balle est dans le camp
    des occidentaux


    Malgré les avancées spectaculaires, rien n'est encore acquis. Les Européens vont-ils se contenter de ce texte? Ahmed Ihab Gamaleldin met en garde: «Nous n’avons jamais eu aussi peu de temps pour élaborer un texte dans une conférence multilatérale de l’ONU. La première lecture a eu lieu à la fin de février.».

    Le comité préparatoire de la conférence se réunira le 6 avril pour finaliser le document qui devra encore être approuvé par tous les Etats.

    Durban sur le racisme: le retournement qui peut sauver le sommetDirectrice du bureau de Human Rights Watch à Genève, Juliette Rivero se félicite de ce pas en avant. Mais elle met les Européens devant leur responsabilité: «La balle est dans leur camp. Il faut qu’ils adoptent désormais un agenda plus constructif.».

    Selon le journaliste suisse Stephane Hussard "En brandissant la menace de ne pas participer au sommet de Genève, les Européens ont adopté une stratégie de négociation maximaliste dangereuse, car elle révèle ce qu'ils fustigent dans les enceintes multilatérales : l'intransigeance des Etats arabes susceptible de donner corps à la thèse du choc des civilisations.... Le consensus est possible. Le tournant est tel que rien dans le texte ne peut empêcher le retour des Américains"


    A suivre donc

    http://www.lepost.fr/article/2009/03/31/1477502_il-faut-sauver-durban-ii.html


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    Lundi 13 avril 2009

     

     

    Dimanche 12 avril 2009

     

     

     

    Recteur de la Grande Mosquée de Paris :

    Lorsque juifs et arabes s’unissent,
    ils font un travail merveilleux :

     

     

     

    ­Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris (2ème à droite) au côté de Joël Mergui (Président du Consistoire Central) lors de la manifestation du 14 décembre 2008 suite à la profanation d’une centaine de tombes. (Photo : © Alain Azria)

    Dalil Boubakeur est une grande personnalité de la communauté musulmane en France. Il est l'actuel recteur de la Grande Mosquée de Paris et fut le Premier président du Conseil Français du Culte Musulman. Homme remarquable par son intelligence, sa culture et son ouverture d’esprit, il a bien voulu répondre aux questions de notre Guide-Magazine israélien.

      – SVP-Israël : Vous étiez présent à la Synagogue de la Victoire, lors de l’intronisation récente de Gilles Bernheim, nouveau Grand Rabbin de France. Que ressentez-vous lorsque vous assistez à un tel évènement intéressant la communauté juive? – Dalil Boubakeur : J’ai éprouvé du bonheur, car j’étais entouré d’amis très chers dont Gilles Bernheim que j’admire pour sa grandeur d’esprit, sa sensibilité et sa vision d’avenir. Je suis également très admiratif par la formidable énergie déployée par Joël Mergui, le Président du Consistoire Central, J’ai toujours aimé cette grande sensibilité qui est la qualité première des juifs. Une sensibilité souvent empreinte de souffrance et même d’inquiétude qui m’émeuvent. J’espère ainsi apporter par ma présence, cette fraternité réconfortante et nécessaire, car j’ai toujours pensé que nous sommes faits pour nous entendre et partager les mêmes valeurs.   – Personnellement et par rapport à votre fonction, quels liens entretenez-vous avec la communauté juive de France? – J’ai toujours tenu à préserver ma liberté de dire les choses telles que je les pense, les ressens et les voie. J’ai ainsi éprouvé, envers ma chère communauté juive, une affection extraordinaire que je souhaite communiquer aux autres. C’est une expérience exceptionnelle que j’ai vécue tant au niveau de la compréhension et des échanges qu’au contact de l’Intelligence. Ce qui m’a d’ailleurs valu pas mal d’hostilité de la part de mes propres amis, notamment lorsque je reçus l’ancien ambassadeur d’Israël en France, pour évoquer le rôle éminent de la Mosquée de Paris pour sauver de nombreux juifs durant la seconde guerre mondiale. Que voulez-vous ? J’ai toujours admiré et rencontré de très nombreuses personnalités juives et israéliennes de très haut niveau, car leurs vies furent un exemple. Plus généralement, je suis convaincu que l’amitié judéo-musulmane en France peut être un exemple pour le monde entier et même pour nos frères du Moyen-Orient. C’est après tout notre sagesse sémitique commune qui a laissé émerger l’idée de D. pour le monde entier. Qu’attendons-nous pour faire ressurgir cette spécificité et cet héritage ?   – Cette perception et ce sentiment sont-ils partagés par la communauté musulmane de France? – Il y a, venant des musulmans, un grand mouvement en marche qui tend à leur faire comprendre et respecter ce peuple inscrit dans le Coran et qui a reçu la parole de D. Cette attirance, lorsqu’elle s’affirmera, ravivera l’amitié judéo-musulmane et servira l’intérêt de la paix que D. a voulue. Quand on comprend et respecte, on est compris et respecté par l’autre. La communauté juive est ainsi faite qu’elle rend heureux ceux qui fraternisent et communient avec elle. – Pour se limiter au contexte français, il faut regretter le manque de passerelles entre les deux communautés… Comment concevoir ce dialogue, cette connaissance de l’autre et les actions à mener en commun qui restent à construire? – J’ai toujours déploré la pauvreté du dialogue judéo-musulman en France, qui est la conséquence directe du conflit au Proche-Orient. Ceci est d’autant plus regrettable que lorsque Juifs et Arabes s’unissent, ils font un travail merveilleux.   Concernant les derniers évènements à Gaza, je crois personnellement que lorsque des organisations comme le Hamas bombardent pendant des années le territoire d’Israël, elles suscitent forcément des réactions d’Israël et exposent les populations palestiniennes à des représailles. Ce qui est irresponsables et très dangereux. Pour répondre à votre question portant sur les actions à mener ensemble, il suffit de reprendre nos sources pour voir à quel point le Coran est apparu comme un jalon et dans le droit fil du message biblique d’Abraham ou de Moïse. C’est pourquoi, je souhaiterais aller très loin dans notre identité commune judéo-arabe. D’ailleurs, dans le Coran, il est écrit que le peuple juif est le peuple que D. a choisi.   – Originaire d’Algérie, quel enseignement tirez-vous de la coexistence entre les deux communautés dans ce pays? – J’ai grandi en Algérie. Je me rappelle que nous disions alors - lorsque des juifs s’installaient dans un village - que la richesse venait avec eux et que s’ils partaient, la misère revenait. Il faut savoir que l’antisémitisme n’est pas une invention arabe mais typiquement européenne. Car être antisémite pour un arabe n’a aucun sens, car ce serait pour un sémite être contre soi-même. Juifs et arabes sont donc amenés, par la nature des choses, à se tenir la main.   – Quelle image avez-vous d’Israël ?
    – J’ai souvent été invité en Israël et j’ai promis d’y aller. J’estime pourtant - étant donné ma fonction - que je dois auparavant convaincre ma communauté de l’intérêt de ce voyage. Concernant Israël, je le voie et l’admire comme un pays en pleine expansion et qui a d’énormes ­possibilités grâce à l’intelligence de sa population, surtout quand on voit comment le pays a mis en valeur ses terres, en comparaison aux terres de ses pays voisins… Israël est l’expression même de l’homme livré à la nature. D’où l’importance à mes yeux, de la connaissance et de l’intelligence humaine.


       par Gilles Sitruk

    http://svp-israel.com/?module=ArticlesArticle&id=238

    http://panier-de-crabes.over-blog.com/article-30178142.html


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    Vendredi 10 avril 2009
     

    Le médecin palestinien Izzeldin Abueleish a perdu trois filles dans un bombardement lors de l'intervention israélienne à Gaza en décembre 2008 et janvier 2009. Mais il continue à prêcher la paix. Le quotidien belge Le Soir l'a rencontré.

     

       
     
    Izzeldin Abueleish
    DR
     
       

    Il est là, bien à l'heure, dans les locaux du secrétaire d'Etat à la Lutte contre la pauvreté, Jean-Marc Delizée (PS), qui l'a invité en Belgique avec la petite commune namuroise de Viroinval. Franche poignée de main. Sourires. D'Izzeldin Abueleish il émane une sorte de charme naturel. Quelque chose nous dit que cette interview n'aura rien de banal… Sa célébrité, le médecin gynécologue palestinien s'en serait bien passé. Il l'a payée à un prix exorbitant, inouï, atroce. Trois de ses filles sont mortes, presque en direct à la télévision israélienne à la veille du cessez-le-feu en janvier, quand des chars israéliens ont bombardé son appartement dans le camp de réfugiés de Jabalya.

    Malgré la douleur, Izzeldin Abueleish n'élude pas le récit de cette soirée. "Je n'oublierai jamais ce 16 janvier. Notre famille était réunie, coincée dans l'appartement familial. J'étais avec sept de mes huit enfants et deux nièces. Une famille normale, avec ses rêves, heureuse d'être ensemble en dépit de l'absence d'électricité, d'eau, de gaz, en dépit de la symphonie cacophonique qui nous enveloppait, celle de bombardements israéliens incessants. J'étais fier de cajoler mes enfants adorées, moi qui suis souvent absent, en Israël pour le travail. Ce bonheur irréel ne plaisait pas à quelqu'un. Quelqu'un n'aimait pas ces soldats de la paix seulement armés d'espoir et de rêve que nous étions."

    Il y eut alors deux obus de tank. "Je venais de quitter la chambre où deux de mes filles, Bisan, 21 ans, et Mayar, 15 ans, étaient attablées avec leur cousine Nour, 17 ans. Un premier obus a frappé la pièce. Je me suis précipité : je n'ai trouvé que des corps démantelés, l'un sans jambes, des traces de cervelle sur le mur." Les yeux de notre interlocuteur s'embuent, des larmes coulent. Il prend un mouchoir.

    "Le premier tir ne suffisait pas. Un deuxième a frappé une autre pièce. Aya, ma troisième fille, a été tuée sur le coup. Elle avait 13 ans. Ma fille Shada, 17 ans, et sa cousine Gaïda, 12 ans, furent blessées, la seconde à l'œil. Je devais recevoir un coup de téléphone en direct de mon ami israélien journaliste sur la chaîne 10, Shlomo Eldar, ce que je faisais depuis quelques jours pour expliquer aux Israéliens l'enfer de Gaza. J'ai téléphoné moi-même, en direct pendant le journal, il m'a promis de tout faire pour que les blessées soient emmenées en Israël. Je suis sorti pour chercher du secours, j'ai dû marcher trois kilomètres pour trouver un véhicule. Grâce au ciel, les blessées ont pu être transférées en Israël. Elles vont beaucoup mieux."

    Izzeldin Abueleish reprend son souffle. Il n'attend pas nos questions. "Bisan venait de décrocher son diplôme en "Business & Administration", la première à Gaza à finir ce cycle en trois ans. Depuis le décès de ma femme Nadia (emportée par une leucémie, NDLR) en septembre, elle avait pris les choses en main dans la famille. Tout le monde l'adorait. Mayar, elle, était mon seul enfant qui voulait devenir docteur ! À l'école, elle était très forte en maths, elle aidait tous ses camarades. Et puis il y a Aya. Elle voulait devenir journaliste." Izzeldin s'arrête de parler un moment. Sort de son veston une feuille de papier froissé, quelques lignes écrites en arabe. "Sa petite sœur lui a écrit ceci, après sa mort : "Où es-tu partie ? Tu éclairais notre maison. Où est cette belle fille ? Pourquoi ?" On l'aimait tant. Le jour de sa mort, elle venait d'avoir ses premières règles, elle était fière, heureuse !" De nouvelles larmes coulent.

    L'armée israélienne ne s'est pas excusée. "Après un mois, ils ont dit la vérité, que c'était bien eux qui avaient bombardé l'immeuble. Deux tirs de tank, comme je l'avais dit le premier jour. Je suis sûr qu'il n'y avait aucune raison de bombarder, pas de tireur sur l'immeuble. Et puis même, un tireur se serait glissé au sommet, au sixième étage, facile à tuer, moi j'habite au second. Ils connaissaient bien la maison. Mes nombreux amis israéliens ont été choqués de l'absence d'excuses officielles. Les médias israéliens aussi."

    Un tel malheur n'a pourtant pas fait basculer Izzeldin Abueleish dans la haine. "Je n'ai jamais haï personne. Je regarde vers l'avenir. Je consacre mon énergie à des domaines où je puis faire avancer les choses, c'est pourquoi je suis médecin. J'ai perdu quatre être chers, cela hantera ma mémoire toute ma vie. Mais j'ai refusé le choix des ténèbres, la haine, la dépression, l'anxiété, qui auraient affecté ma santé et nui à mes enfants. C'est comme si j'avais subi une très lourde opération chirurgicale, à cœur ouvert, qui laisserait des cicatrices énormes pour la vie. Mais je cherche plutôt à transformer cette tragédie en énergie positive : en gardant la mémoire de mes filles, tenter de faire accomplir leurs rêves par d'autres jeunes filles."

    Un ange passe. Et la guerre ? "Mon histoire personnelle a ému les Israéliens. Grâce à elle, le public a pu ouvrir les yeux sur ce qui se passait à Gaza".  

     

     http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=96380



    http://panier-de-crabes.over-blog.com/article-30073708.html


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